Quatrième partie : Les trois fonctions de l’enseignant dans l’enseignement du français en Chine : permanence et variation

VI. L’enseignant et la fonction de vecteur de savoir

Introduction

Dans notre recherche sur les activités didactiques, nous allons d’abord considérer l’enseignant comme vecteur de connaissance. Le professeur, défini comme un ingénieur d’apprentissage,doit guider l’apprentissage des étudiants dans le cadre universitaire.

Rappelons que selon L. Dabène (1984 :131), « dans la dynamique de l’échange, le professeur doit conjointement ou alternativement assumer une fonction de vecteur d’information. Le professeur est mandaté par l’Institution pour transmettre un certain savoir. Dans le cas de la langue étrangère, ce savoir peut être transmis indirectement par des documents d’appui de nature diverse conçus ou non pour l’usage pédagogique ou directement par un discours descriptif explicite plus ou moins systématiquement organisé. »

En tant que vecteur de connaissance, l’enseignant de langue étrangère, dit-elle, doit sur le plan de l’organisation des activités didactiques :

  1. disposer des connaissances nécessaires (le savoir)
  • pour exposer, en situation de classe, les éléments de linguistique, de psycholinguistique ou de sociolinguistique retenus dans le programme de formation;
  • pour établir l’inventaire des intentions de communication répondant aux besoins d’apprenants réels ou imaginaires et produire du matériel didactique approprié ;
  1. être capable (le savoir-faire)
  • de produire des schémas et des exercices permettant la conceptualisation des faits de langue et de les appliquer en classe ;
  • de sélectionner et d’analyser des documents linguistiques authentiques d’origines diverses, de produire des grilles et des exercices permettant la conceptualisation des paramètres sociolinguistiques et de les appliquer en classe ;
  • de définir les modes d’apprentissage mis en œuvre dans chaque phase ou activité de classe en vue d’en faciliter la prise de conscience au niveau des apprenants et d’en rendre consciente l’utilisation systématique.

Comme vecteur de connaissance, l’enseignant doit trouver les moyens efficaces pour atteindre le but de son enseignement : donner des connaissances aux apprenants et élever leur compétence de communication. En effet, enseigner une langue, ce n’est pas simplement transmettre le savoir, décrire le fonctionnement de cette langue en fournissant les règles morpho-syntaxiques, le lexique, mais aussi enseigner aux apprenants une manière de communiquer, une culture qui est propre à une communauté linguistique. C’est pour cette raison que les scènes de la vie quotidienne, les usages de la culture en langue cible sont introduits dans la classe par l’enseignant. Il nous semble aussi que ces facteurs rendent la classe plus dynamique et plus proche des situations de communication quotidienne. Ils ouvrent l’univers clos de la classe.

Il nous faut reconnaître que s’il est facile de définir le vecteur de connaissances dans le sens général, il est vraiment difficile de le définir dans le cadre de l’enseignement / apprentissage d’une langue étrangère, parce que l’enseignant et les apprenants « ne sont pas dans la même position par rapport au savoir, à l’objet à transmettre. L’un est compétent et l’autre doit apprendre. C’est là un élément essentiel du contrat didactique qui régit les échanges et assigne aux interactants un " rôle conversationnel " différencié : d’un côté le rôle conversationnel de l’enseignant, de l’autre celui de l’apprenant. » (F. Cicurel 1994 :93).De plus, le discours informatif de l’enseignant est variable en fonction du moment de l’interaction et de la réaction des apprenants. Le contrat didactique surdétermine les interactions entre l’enseignant et les apprenants, parfois l’enseignant ne peut pas transmettre directement le savoir aux apprenants car, méthodologiquement, il ne peut pas, ne doit pas tout dire. Le discours d’information de l’enseignant peut avoir pour fonction de faire l’organisation en sorte que les apprenants travaillent dans un milieu adéquat et qu’ils puissent élaborer des connaissances après son discours d’information (cf. corpus classe 3). Malgré cette difficulté, nous essayons, avant de présenter notre analyse, de définir le vecteur de connaissance, une des fonctions principales de l’enseignant dans le cadre de l’enseignement / apprentissage de la langue étrangère.

Le vecteur de connaissance est considéré, sur le plan didactique comme donneur de connaissances linguistiques et culturelles, voire communicatives. Il transmet au cours de son organisation de la classe le savoir aux apprenants tout en suivant la réaction des étudiants pour leur offrir les informations nécessaires dans leur apprentissage afin d’élever leur niveau linguistique et leur niveau communicatif.

C’est pour cette raison que nous nous attachons, dans cette partie, au rôle de vecteur de connaissances de l’enseignant. Nous allons ainsi analyser la structure interactionnelle entre l’enseignant et les apprenants au niveau de l’information (présentation selon C. Germain) de l’enseignant ainsi que la fonction du discours informatif de l’enseignant au cours des activités didactiques dans une classe de FLE en Chine.

En ce qui concerne le vecteur du savoir, mentionnons ici un phénomène typiquement chinois dans l’enseignement du FLE en cadre universitaire : c’est le partage de la fonction du vecteur de connaissance. Cela veut dire qu’il y a toujours, dans l’enseignement / apprentissage du FLE, un manuel, support linguistique, à la disposition de l’enseignant et des apprenants. Il nous faut reconnaître que le manuel joue aussi un rôle important de vecteur de connaissance, parce qu’il apporte non seulement aux apprenants des connaissances souvent dans la langue maternelle des apprenants, mais aussi, parce qu’il détermine strictement le savoir à transmettre par l’enseignant (il arrive aussi que l’enseignant donne des informations linguistiques hors du manuel pour les besoins de l’enseignement). En Chine, le manuel est considéré comme le facteur le plus important après l’enseignant. Le contenu du savoir, la structure des connaissances, l’ampleur des informations, la quantité de savoir-faire sont tous déterminés dans le programme élaboré par une commission représentant le gouvernement. Les programmes sont aussi étroitement liés au concours national, mis en place irrégulièrement auparavant et plus régulièrement maintenant, par le gouvernement.

Nous venons de dire qu’après l’enseignant, premier vecteur des connaissances, il existe, dans la classe chinoise, un deuxième vecteur de savoir, c’est le manuel. Mais quelle relation existe-t-il entre ces deux vecteurs, l’enseignant et le manuel ? Pour répondre à cette question, il faut considérer ces deux aspects dans une classe traditionnelle. En ce qui concerne la connaissance à transmettre, le manuel domine l’enseignant, car l’enseignant doit suivre le manuel, support linguistique, pour donner aux apprenants, à chaque leçon, des informations linguistiques. Au sujet de l’organisation de la transmission des connaissances, l’enseignant est dominant, car plus il est riche en connaissances, plus son discours d’information est logique, motivant et dynamique, plus le manuel est favorable à l’acquisition des connaissances des apprenants. L’enseignant privilégie les moyens efficaces et les activités dynamiques pour atteindre son but d’enseignement.

Etant donnée l’importance du manuel dans l’enseignement / apprentissage du FLE en Chine, notre recherche sur la fonction d’informateur de l’enseignant durant les activités didactiques, commence par une présentation de la structure générale d’une leçon issue du manuel « Le français », rédigé par des experts chinois de français. Avant cette présentation nous allons dresser un panorama du programme d’enseignement du FLE en Chine, dans le cadre universitaire.