VI. 2.2. La structure séquentielle des informations des enseignantes

Selon E. Roulet, toute conversation serait construite sur une double structure, à la fois linéaire et hiérarchique. La structure linéaire de la conversation repose sur le concept d’ « incursion », défini comme l’interaction globale délimitée par la rencontre et la séparation de deux interlocuteurs. L’incursion se décompose en trois constituants linéaires :

Selon C. Germain (1994) 17 , dans l’enseignement en classe, toute séance de classe comprend aussi trois phases linéaires :

En observant les corpus que nous avons enregistrés dans la classe de FLE en Chine, nous remarquons que :

  1. Dans ces corpus, il existe une structure commune des activités didactiques en classe. Nous pouvons l’exprimer schématiquement de la manière suivante:
  1. Il existe une grande différence dans les incursions au niveau de la structure en fonction du type d’informations données par les enseignants :

Dans nos corpus, nous avons observé trois classes. La classe (1) se consacre, d’après le programme déterminé par le manuel, à la grammaire, pratique des mots et des expressions. Toutes les activités didactiques se déroulent conformément à l’enseignement traditionnel.

La classe (2) est une classe intermédiaire entre l’enseignement traditionnel et l’enseignement communicatif. Comme dans la méthode d’enseignement traditionnel, la classe commence par le vocabulaire puis la grammaire. Ensuite, conformément à l’enseignement communicatif, toutes les activités didactiques sans restriction se déroulent autour du besoin linguistique des apprenants.

La classe (3) se consacre à la transposition conversationnelle, laquelle se construit autour d’une lettre reçue à l’époque SRAS 18 . Les apprenants deviennent acteurs principaux de la classe et l’enseignante s’intègre rarement dans l’interaction entre les apprenants. Toutes les activités didactiques se déroulent dans une perspective communicative.

Pour la classe (1), consacrée à la pratique langagière sur la grammaire, les informations de savoir s’effectuent sur le mode de la juxtaposition. Chaque information reste en effet indépendante, il n’y a aucune liaison contextuelle entre les différentes informations.

Nous pouvons schématiser les activités didactiques de cette classe de la façon suivante :

Pour la classe (2), au moment de la pratique langagière, les informations de savoir se déroulent généralement de manière ordonnée en fonction des différentes disciplines. Les informations linguistiques données par le professeur natif suivent, en principe, l’ordre: lexique,  grammaire et civilisation.

Pour la classe (3), les informations de savoir sont données selon la réaction des étudiants au mouvement de transposition, car l’enseignante se retire derrière le rideau pour uniquement souffler  en fonction des besoins de l’apprenant. Ses informations sont données généralement de manière dispersée. C’est-à-dire que les informations données par l’enseignante au cours de la conversation s’effectuent irrégulièrement autour du thème dans lequel la conversation s’engage.

Nous remarquons d’après l’analyse de la structure des informations des corpus mentionnés ci-dessus que les savoirs des enseignantes s’intègrent dans l’interaction entre les apprenants et les enseignantes et que la structure des informations est déterminée par la finalité didactique. Il existe donc une relation dialectique entre la forme et la finalité : la finalité détermine la forme, et la forme sert la finalité.

Pour le corpus ECy classe (1), la finalité didactique est de demander aux apprenants de mettre les éléments syntaxiques dans un contexte fictionnel ou imaginaire afin que les apprenants puissent employer cette expression dans leur future communication. Il nous faut indiquer ici que cette finalité des activités didactiques est prédéterminée par le manuel qu’utilisent les apprenants et l’enseignante. La structure des informations est objectivement manifestée, il est impossible pour l’enseignante de s’éloigner du manuel.

Pour le corpus EFp classe (2), la finalité didactique est d’enrichir la connaissance des apprenants sur la Fête de Noël, laquelle est connue par les apprenants, qui ignorent toutefois comment elle se passe traditionnellement en France. Les informations données par l’enseignante concernent le vocabulaire relatif à la Fête de Noël, la civilisation française en passant par la grammaire du français. Sans manuel, la structure des informations de l’enseignante native est subjectivement formée et favorise la réalisation de la finalité des activités didactiques. Nous voyons que l’enseignante française a beaucoup de liberté dans l’organisation de la classe et dans la transmission des informations de savoir.

Pour le corpus ECg classe (3), la finalité didactique est de faire dire et de faire comprendre aux apprenants de FLE. L’enseignante n’est pas l’interactant principal des activités didactiques, elle devient, dans cette situation, souffleuse - informatrice pour aider les apprenants dans la conversation, s’ils en ont linguistiquement besoin. La structure des informations de l’enseignante suit le déroulement de la conversation des apprenants et la réalisation de l’objectif didactique est assurée par la stratégie interactionnelle de l’enseignante.

Nous pouvons dire que l’enseignant possède une place dominante socialement et linguistiquement par rapport à celle des apprenants. Son statut est celui d’un représentant de l’institution éducative, d’un vecteur de connaissance, d’un vecteur du savoir-faire. L’enseignant est toujours initiateur des échanges verbaux. Son statut exerce une influence sur sa manière de parler devant les apprenants, mais il a aussi une place dominante dans la constitution et la gestion de la classe.

Notes
17.

C. Germain, Analyse conversationnelle et structure hiérarchique d’une leçon de la langue étrangère, In Discours d’enseignement et discours médiatique pour une recherche de la didactique, Cediscor 2, 1994, Presse de la Sorbonne Nouvelle, Paris.

18.

Le syndrome respiratoire aigu sévère