VI.4.5. La planification et l’improvisation des informations

L’enseignement obéit à des régularités au niveau du savoir : il va de la simplicité à la complexité. Ces régularités exigent de l’enseignant la planification d’informations venant tant de lui-même que du programme suivi ou du manuel utilisé. Mais, cette planification va à la rencontre de toute tentative d’improvisation au niveau des informations de savoir, car la rétroaction des apprenants est imprévisible. L’improvisation modifie le plan du cours et sa structure hiérarchique. Le problème linguistique rencontré par un apprenant dans la production peut entraîner une déviation par rapport à la planification antérieure de l’enseignant.

Suite à la réaction des étudiants au cours des activités didactiques, l’enseignante chinoise est confrontée à ce qu’elle n’avait pas prévu dans son plan de travail. Cela demande à l’enseignante, d’une part, une compétence linguistique, considérée comme support linguistique, pour répondre au besoin de l’apprenant, et, d’autre part, une capacité de guider les activités didactiques hors de son plan d’enseignement. Par exemple, lors d’un des moments de l’exercice de transformation d’une proposition, « ce sont des avis / moins importants / je pense // » avec l’expression « pour des prunes », l’enseignante a rencontré une réaction inattendue de la part de son apprenante. Ce que l’enseignante attendait, c’est que l’apprenante formerait une phrase correcte grammaticalement en utilisant l’expression « faire quelque chose pour des prunes », une production telle que N’écoute pas ces avis, sinon tu feras pour des prunes est acceptable pour l’enseignante.  Mais, l’apprenante en question, n’a pas choisi le bon verbe pour former la phrase que l’enseignante attendait (elle a utilisé le verbe faire). Dans ce cas, nous observons que la production de cette apprenante rend le travail didactique plus compliqué. Dans cette situation, l’enseignante est obligée de lui indiquer d’une part, ce qui ne va pas linguistiquement, et d’autre part, l’orienter dans la bonne direction.

En 12, l’apprenante essaie de transformer l’expression proposée avec le verbe « faire » qui ne va pas avec le complément d’objet direct « avis ». L’enseignante demande à cette apprenante de changer le verbe en 13, l’incapacité des apprenants en 14 perturbe un peu le plan de l’enseignante, qui est obligée d’expliquer « avis » en chinois en 15, face à cette improvisation. Le verbe « recevoir » qui est prononcé en 16 par cette apprenante n’est pas celui attendu par l’enseignante. En 17, l’enseignante oblige l’apprenante à faire cette phrase avec le verbe pronominal « se méfier à » 19 qui ne se trouve pas dans la planification des informations de l’enseignante. Cette improvisation de l’information née dans la production inattendue de l’apprenante entraîne une déviation par rapport à la planification des informations de l’enseignante en classe.

Dans le corpus EFp classe (2), nous pouvons remarquer que les informations linguistiques et culturelles de l’enseignante native sont données autour du thème « la fête de Noël » en fonction de la réaction des apprenants, c’est-à-dire que dans le cadre thématiquement déterminé avant la classe, elle offre à toute la classe des informations à l’improviste, sans avoir besoin de support linguistique et culturel, parce qu’elle a l’avantage de la langue et de la culture française par rapport aux enseignants non natifs. La différence de connaissances linguistiques et culturelles entre l’enseignant natif et l’enseignant non natif est sans doute une des différences les plus évidentes dans la transmission des informations en classe de langue.

Pour le corpus que nous avons recueilli dans la classe (3), les informations sont aussi transmises à l’improviste par l’enseignante, comme sa collègue française. Mais cette improvisation de la transmission du savoir se manifeste dans une connaissance linguistique limitée avec l’objectif d’offrir aux apprenants un soutien linguistique leur permettant de mieux exprimer leur avis individuel en langue française. Par exemple, en 38, Jne croit qu’on doit rester « tranquille » au moment du tremblement de terre. Comme elle a mal sélectionné le mot « tranquille » dans son discours, l’enseignante lui a proposé, à l’improviste, un autre terme, « calme », pour qu’elle puisse mieux exprimer son opinion individuelle.

Au niveau de l’organisation des informations, le professeur ne peut pas faire un plan précis des réactions des apprenants, car elle ne peut pas prévoir concrètement ce qui va se passer et ce dont les apprenants auront besoin au cours de la conversation. On comprend que la compétence linguistique et la compétence communicative soient très importantes pour l’enseignant de langue étrangère.

Notre observation nous permet de signaler que le plan des informations est souvent déterminé avant la classe, soit par le manuel, soit par l’enseignant lui-même, avec parfois de petites modifications. L’improvisation des informations est plutôt une initiative individuelle de l’enseignant, car elle doit suivre la réaction et le besoin des apprenants que l’enseignant ne peut pas prévoir avant la classe ni même au cours des activités didactiques. De plus, l’improvisation exige de l’enseignant une connaissance suffisante en savoirs et en savoir-faire, surtout pour l’enseignant non natif.

Notes
19.

Il faut mettre la préposition « de » après le verbe pronominale « se méfier ».