VII.1.2. L’animateur d’activités didactiques et ses trois domaines

Dans l’apprentissage collectif en classe, le rôle principal de l’enseignant reste incontestable. L’enseignant se manifeste de façon permanente dans toutes les activités de classe. La fonction d’animateur de l’enseignant a été mentionnée respectivement dans la recherche didactique par L. Dabène et a été reprise par F. Cicurel. Pour elles, la fonction d’animateur de l’enseignant s’effectue dans la responsabilité de la gestion des activités didactiques. L’animateur, considéré comme médiateur entre les apprenants et les informations portant sur le savoir linguistique, prend une importance particulière dans l’événement d’enseignement / apprentissage en classe de langue.

Comme tout enseignement / apprentissage réalisé par un enseignant et des apprenants, ce processus est une interaction entre deux ou plus de deux personnes dans un espace particulier de  communication  pédagogique. Apprendre, ce n’est pas simplement acquérir une somme définie de savoirs et de savoir-faire, mais aussi s’engager dans une interaction personnelle avec l’enseignant et d’autres apprenants. L’apprentissage d’une langue étrangère est doublement pris dans des processus d’interaction verbale qui en sont à la fois le moyen et l’objet. Ceci prouve que l’enseignant, en tant qu’animateur des activités en classe, se charge de rôles évidemment importants, qui peuvent se rencontrer dans trois domaines qui comprennent respectivement l’espace, le sujet et le contenu :

  • En ce qui concerne l’espace, il s’agit de créer un climat favorable à l’apprentissage de la langue française, surtout pour les adultes tels que les apprenants chinois 20 . Dans cette ambiance, l’enseignant qui a un rôle de conseiller et de guide institutionnel aide les apprenants à construire un espace favorable à l’apprentissage. L’atmosphère d’encouragement et le soutien mutuel sont indispensables dans ce milieu particulier, car la face personnelle  (C.Kerbrat-Orecchioni1992) est considérée comme une chose importante. Personne ne peut dire qu’il ne fait jamais devant le public de  bêtise  durant son apprentissage d’une langue étrangère. Il est nécessaire à l’enseignant d’aider les apprenants à surmonter psychologiquement les difficultés de leur apprentissage collectif. Comme G. Vigner (2001 :40) l’a dit « Il est bon que les maîtres en soient conscients, pour interpréter les conduites de leurs élèves et les aider à surmonter, par des activités appropriées, les difficultés rencontrées. »
  • Le deuxième domaine concerne le sujet, comme l’indique J. Rigaud (1975 :79) en parlant de l’animation : « Animer, c’est d’abord éveiller ». C’est éveiller la responsabilité d’apprentissage des apprenants. C’est éveiller l’initiative des apprenants dans la participation aux activités didactiques en classe de langue. Nous remarquons que certains apprenants sont tout prêts à prendre la parole en classe alors que d’autres sont différents ou ont besoin d’une interpellation de l’enseignant. Le statut de l’enseignant dans l’organisation de la classe est de provoquer la participation et de déclencher des réactions des apprenants à partir d’une activité didactique. Les changements que nous observons dans la conception du rôle de l’enseignant découlent d’une compréhension plus approfondie des processus d’apprentissage. Des conceptions plus anciennes et plus traditionnelles considéraient l’enseignant quasiment comme seul responsable du succès ou de l’échec de cet apprentissage. Mais les conceptions actuelles de l’éducation font désormais de l’apprenant le responsable essentiel. Apprendre est considéré comme un processus actif, centré sur des objectifs précis, au cours duquel les apprenants transforment et adaptent les informations de savoir qui leur sont transmis. Nous devons dire que l’enseignant, animateur de la scène linguistique, doit éveiller la responsabilité d’apprentissage et l’initiative des apprenants dans la participation aux activités. Nous pouvons considérer l’animateur de classe comme chef d’orchestre, il anime tous les musiciens linguistiques  sur la scène de classe pour exécuter un concert dans lequel chaque musicien doit  prendre  sa fonction.
  • Le troisième domaine a trait au contenu. Dans l’organisation du programme d’enseignement, un autre rôle de l’enseignant en classe de langue, surtout s’il s’agit d’un enseignan natif, est aussi de choisir le savoir linguistique qu’il souhaite faire acquérir aux apprenants. Au cours de l’organisation de son travail d’enseignement, avec ou sans manuel, l’enseignant sait à quel moment et sur quoi il lui faut motiver les apprenants. Si le contenu choisi par l’enseignant est disposé au moment approprié ou adapté aux besoins des apprenants, ceux-ci peuvent y puiser sans difficulté dans l’animation des activités. Par exemple dans notre corpus EFp, si la lectrice française organisait une séance sur la fête de Noël en plein été, la classe ne serait pas animable. C’est pourquoi elle lance ce sujet justement le lendemain de Noël. Si en classe de conversation, l’enseignante non native demandait aux apprenants de discuter sur un sujet éloigné de leur vie quotidienne, le déroulement de la conversation serait sans doute difficile. En tant qu’animateur de la classe, l’enseignant doit savoir bien utiliser le manuel et organiser l’enseignement non seulement sur le contenu, mais aussi sur la forme.

En résumé, dans les activités didactiques, le rôle principal de l’enseignant s’effectue dans trois domaines : créer une atmosphère favorable, éveiller la responsabilité des étudiants et déterminer le contenu d’enseignement. Simplement, nous pouvons dire aussi que le rôle prépondérant de l’animateur dans l’enseignement de la langue étrangère est de « faire produire » et de « faire comprendre » (L. Dabène, F. Cicurel1990). Si nous interprétons en d’autres termes cette expression selon le thème du séminaire auquel nous participons régulièrement pendant toute la préparation de la thèse, le rôle de l’enseignant en classe de langue étrangère est à la fois de dire faire et de  faire dire. Cela nous montre que l’organisation de la classe par l’enseignant comprend tout le processus de l’apprentissage de la langue étrangère. C’est ainsi que l’explique A. Prost (1985) : « un bon enseignant n’est pas celui qui travaille beaucoup mais celui qui fait bien travailler les élèves. » 21 Cette citation induit deux étapes : celle de l’organisation du dire faire  et celle de l’animation du faire dire. C’est une des raisons qui nous amène à travailler sur la fonction de l’enseignant, meneur des activités didactiques en classe de FLE.

Notes
20.

En Chine, on apprend le français comme langue étrangère à l’université à l’âge de 18 ans normalement, après avoir passé avec succès le concours national.

21.

A. Prost, Eloge des pédagogues, Seuil, 1985, cité par Louis. Porcher. Le français langue étrangère, page 27, Hachette, 1995, Paris.