VII.2.1. La distribution des tours de parole par l’interpellation

Pour les enseignantes, l’interpellation correspond à l’acte de nomination (J. Mc. H. Sinclair et R. M. Coulthard 1975) 23 et répond à des impératifs didactiques d’organisation. L’interpellation implique souvent, dans l’animation de la classe de langue étrangère, une particularité dans l’échange, un passage du tour de parole en force, et initie la plupart du temps un ou plusieurs échanges décentralisés.

Nous remarquons, dans notre observation des activités didactiques en classes de FLE, que les enseignantes, native et non natives, ont employé l’interpellation dans l’animation pour démarrer les activités didactiques ou pour passer le tour de parole aux autres.

Cet exemple est issu de la classe de conversation dont l’objectif est de mettre les apprenants sur la scène linguistique particulièrement construite. L’enseignante chinoise se met de côté,en retrait et joue le rôle d’un souffleur. Les apprenants ont une grande responsabilité de parole pour exprimer leur point de vue individuel, sur un thème déterminé par l’enseignante.

L’enseignante sollicite la parole des apprenants «qui veut commencer ↑ »,  après l’introduction du préambule comprenant « qui » « quoi » et « comment ». L’acte sollicitatif consiste à trouver un volontaire de manière non impérative. Un moment de silence a suivi la question, tout au début de l’échange. Si l’enseignante laisse durer le silence, cela peut entraîner un risque d’échec pour l’animation de la classe et pour l’organisation de la conversation. En effet, dans la culture chinoise, le problème de face personnelle empêche, dans la plupart des cas, la participation active devant un public si l’atmosphère n’est pas détendue. Dans ce cas, l’interpellation de l’enseignante paraît nécessaire pour le démarrage des activités afin d’éviter un risque d’échec de l’animation de la classe.

Dans l’acte suivant, c’est après un moment de silence que se situe l’interpellation de l’enseignante, ponctuée par un marqueur de structuration des échanges « bon ». Ce « bon », appui du discours, considéré comme « articulateur », signale que l’on va passer immédiatement à un autre acte langagier pour animer la conversation, « on laisse la parole à Jeanne ». Nous trouvons que l’interpellation de l’enseignante joue un rôle de démarrage impératif de la conversation dans l’animation de la classe et assure le retrait de l’enseignante  derrière le rideau  sur la scène de la classe.

Il est facile de trouver d’autres exemples d’interpellation des enseignantes dans la classe (1) et la classe (2). La gestion des tours de parole est souvent réalisée en classe de langue par cette stratégie interactionnelle. Il est à noter que les enseignantes native et non natives font leur interpellation par le prénom français des apprenants.

Notes
23.

J.Mc.H. Sinclair, R.M. Coulthard, Toward an Analysis of Discourse. The English used by Teacgers and Pupils, 1975, cité par M.H.Morsel dans Un exemple d’analise des échanges langagiers en situation didactique:La grille de Sinclair et Coulthard , In Les échanges langagiers en classe de langue, page 16, Ellug, 1984.