VII.2.2. La gestion de la prise de la parole sans nomination

En classe chinoise de langue étrangère, par exemple dans celle de FLE, l’enseignant organise ses activités d’enseignement devant un public composé d’une vingtaine d’apprenants. L’objectif d’animation de la classe est de rendre tous les étudiants actifs dans la participation aux activités didactiques. Or, si l’interpellation est importante, elle n’est pas suffisante. Elle souligne la position dominée des apprenants dans l’animation de la classe et l’échec d’organisation de l’enseignant du point de vue didactique, s’il y a trop recours. Au cours des activités didactiques, l’interpellation n’est pas l’objectif principal de l’enseignant. Son attente est la participation active des étudiants.

Une autre stratégie de gestion de la prise de la parole est marquée dans nos corpus enregistrés en classes de FLE par la libre prise de parole, c’est-à-dire que les enseignantes lancent une question sans préciser qui doit répondre : c’est une question pour toute la classe. Cette stratégie didactique permet aux enseignantes d’obtenir des réactions différentes non seulement au niveau de la réponse, mais aussi au niveau du décalage de temps de réaction des apprenants. Elles gagnent ainsi une grande liberté dans l’organisation des activités. Par exemple, elles peuvent choisir la bonne réponse pour donner un exemple, ou bien elles sélectionnent une mauvaise réponse pour analyser la cause de l’erreur.

Cet échange est composé de trois tours de parole pris respectivement par l’enseignante et certains apprenants en classe (1). En 116, l’enseignante focalise la question sur « la conjugaison du verbe feindre » dans le premier acte langagier de son intervention ; le deuxième lance la fausse question « c’est comme quel verbe ↑ », pour toute la classe, sans préciser qui doit donner un autre verbe pareil à la conjugaison de « feindre ». Il est clair que l’intervention de l’enseignante consiste à savoir si les apprenants peuvent conjuguer correctement le verbe feindre. L’enseignante obtient en 117 tout de suite les deux réponses interrompre et atteindre. Certains apprenants pensent qu’il faut conjuguer le verbe feindre comme le verbe interrompre, et d’autres comme le verbe atteindre. Nous voyons clairement que l’élément d’animation de la classe se trouve dans l’intervention de l’enseignante en 118 ; c’est à ce moment qu’elle peut réorganiser les activités didactiques.

Elle peut alors reprendre la réponse incorrecte pour développer ses activités, Nous remarquons qu’en 118 l’enseignante repose sous forme de chiasme la question selon la production de certains apprenants « interrompre / c’est comme feindre↑ ». Elle exploite la réponse incorrecte dans la première partie de son intervention pour attirer l’attention de ceux qui ont mal répondu. Dans la deuxième partie de son intervention, l’enseignante juge la réponse en en affirmant « feindre c’est comme atteindre ↓». La dernière partie de son intervention replace les apprenants dans l’animation des activités didactiques. Le connecteur du discours « alors » marque une pause d’officialisation et prépare l’enchaînement pertinent avec la question «comment conjuguer le verbe » qui n’est autre qu’une reformulation de la première interrogation.

Le caractère commun des stratégies de ces trois enseignantes nous paraît suffisant à étayer notre analyse sur ce problème.