VII.2.3. La stratégie favorable à la production des apprenants

Nous avons dit que le rôle de l’enseignant en classe de langue étrangère est de faire dire les apprenants en langue cible. Un bon enseignant en langue n’est donc pas celui qui parle beaucoup, c’est celui qui fait dire, qui rend son public conscient de l’acte d’apprentissage. Il en résulte que l’enseignant doit essayer de saisir toutes les occasions pour solliciter la parole des apprenants afin qu’ils puissent pratiquer la langue cible en classe.

En ce qui concerne l’intervention de l’enseignant en classe de langue, nous nous posons les questions suivantes: Comment intervient-on? Quand intervient-on? Si l’intervention de l’enseignant s’effectue à un moment défavorable, il en résultera pour l’apprenant plus d’embarras que de désir de parler. Par contre, si l’enseignant fait son intervention à un moment approprié, dans la production d’un apprenant, cela stimulera non seulement la production mais encore l’animation dans la classe.

En classe (3), nous observons que ces échanges entre l’enseignante et l’apprenant Jl, sont composés de 6 tours de parole en forme alternative. En 23, Jl joue le rôle d’animateur puisque c’est lui qui pose une question à toute la classe ; Il a d’abord exprimé, dans la première partie de son intervention, son accord avec la locutrice précédente et l’argumentation qu’il developpe provoque le rire de tous.

La production de Jl en 23 nous expose 3 relations interactionnelles constituées en éléments : A + B0 + ( B1 + B2 ) + C.

La question de Jl joue ici le rôle de sollicitation pour toute la classe.

En 24, nous voyons la réaction de l’enseignante, en tant qu’organisatrice d’une activité collective, par rappport à la sollicitation « c’est une bonne question ». L’intervention du professeur en 24 remplit deux fonctions interactionnelles  à la fois: l’encouragement pour Jl et l’animation de la classe. Jl a posé une bonne question et la question est intéressante pour toute la classe. L’enseignante espérait que la question pourrait susciter dans la suite de la conversation une discussion passionnée et une participation active.

Jl a repris la parole en 25 pour exprimer son avis personnel (euh mais / je crois que …). En 26, l’intervention de l’enseignante (en fonction de souffleur) « réputation » est évidemment l’apport d’une aide linguistique. L’enseignante a continué après la reprise de Jl en 27, à animer la classe, en appréciant que la réputation soit importante pour une femme. Le double emploi du connecteur illocutoire « n’est-ce pas » dans le même tour de parole réalise deux relations interactionnelles : d’abord la confirmation de l’avis de Jl et ensuite le renvoi du tour de parole à celui-ci pour solliciter l’accord des autres.

En classe (2), l’enseignante française developpe une stratégie différente : son objectif est de construire une scène linguistique qui facilite les pratiques langagières des étudiants.

En 19, l’enseignante pose une fausse question pour solliciter de l’apprenant une argumentation qui vise à la réalisation de sa production langagière. L’écriture « la neige » par l’enseignante au tableau officialise la production de cet apprenant.

Il est certain que le rôle de l’enseignant est essentiel dans le rapport enseignement / apprentissage même si les apprenants sont amenés à occuper la scène linguistique dans la classe de conversation. Comme le rappelle L. Porcher, « le rôle de l’enseignement est alors celui d’une aide à l’apprentissage et consiste à mettre l’élève dans les meilleures situations pour apprendre. » (L. Porcher 1995 :26). L’enseignant, en position dominante sur le plan linguistique et social, demeure l’expert et le maître qui dirige l’interaction. F. Cicurel (1991 :262) précise : « Le professeur est en position haute (il dit de faire, il donne un jugement, des consignes de travail etc.). L’apprenant, lui, exécute, doit accepter la clôture de son champ de parole ».