VII.3. Les caractéristiques de la stratégie interactionnelle des enseignantes

Il nous faut rappeler ce que dit C. Germain sur les types des activités didactiques. Selon lui, le didactème, unité minimale de l’étude de l’enseignement des langues, est composée de deux parties simultanées : « forme et contenu ». Le contenu d’enseignement est exprimé en formes différentes, et les différentes formes assurent le contenu d’enseignement pour l’enseignant et celui d’apprentissage pour l’apprenants. C’est ainsi que C. Germain a répertorié selon le corpus constitué essentiellement de la leçon « L2 » enregistrée sur cassette, plusieurs formes d’activités didactiques : présentation / pratique / transposition / exploitation / révision / correction / vérification.

Pour tenter d’interpréter clairement la situation linguistique de nos trois corpus, nous proposons le tableau ci-dessous pour localiser les trois différentes classes  prises en charge par nos trois enseignantes:

       
Didactèmes Classe (1) Classe (3) Classe (2)
Présentation      
Pratique      
Transposition      
Exploitation
     

     

Ce tableau expose clairement que les deux classes en forme traditionnelle (1) et (2) se situent dans l’étape de la pratique et la classe (3) dans celle de la transposition selon le didactème proposé par C. Germain.

Selon C. Germain, la pratique constitue une activité indispensable de l’apprentissage de la langue étrangère dans le cadre universitaire. Cette étape, située immédiatement après la présentation de l’information de savoi, consiste à faire dire, faire produire. Elle est donc la deuxième étape du processus. Si apprendre une langue étrangère, c’est apprendre à parler, comment en effet le faire sans pratiquer.

La pratique construit en classe de langue une scène linguistique et communicative, dans laquelle chaque élève joue son rôle de  musicien linguistique  à partir des activités didactiques : tout comme la répétition d’un concert avant sa présentation en public.

L’observation des interactions en classes (1) et (2) permet de voir comment les enseignantes exploitent la pratique langagière des apprenants pour mener les activités didactiques en situation pédagogiquement différente. De plus, notre observation révèle, de façon évidente, que les enseignantes accordent, toutes, une grande attention à la pratique des apprenants au cours de leur travail. Pour elles, la pratique linguistique en forme interactionnelle constitue une étape importante, après la présentation du savoir. C’est en pratiquant qu’on apprend à parler, à communiquer, ce qui nous permet d’envisager la classe de langue étrangère comme une scène tournante, dont une facette est consacrée à l’apprentissage du savoir, et l’autre est destinée à sa pratique sous la direction de l’enseignant. Cette dernière acquiert une importance considérable, car la présentation du savoir est une étape individuelle, qui concerne le discours et les exemples de l’enseignant. La scène de pratique, elle, exige non seulement une participation nombreuse, mais aussi complexe à gérer, parce qu’elle doit prendre en compte facteurs imprévus. Il est facile de comprendre pourquoi l’enseignant y attache beaucoup de son énergie et pourquoi la pratique constitue une étape indispensable dans l’enseignement de la langue étrangère. C’est pourquoi C. Germain l’a mise au deuxième rang dans sa division des activités didactiques.

La pratique provoque la production des élèves. Il s’agit de faire d’une pierre deux coups : assurer la maîtrise de la langue par l’interaction, tout en approfondissant un point du programme d’enseignement, et élever la compétence communicative des apprenants.

Dans sa recherche sur les formes des activités didactiques, C. Germain (2001 :460) définit le terme « transposition » comme un étape importante, en affirmant que « la transposition a pour but de faire transposer dans la vie personnelle de l’élève les éléments nouvellement appris et le cas échéant, pratiqués. Il s’agit d’une sorte d’activité d’appropriation personnelle impliquant directement les élèves dans leur vie. Cette activité se rapproche de l’usage de la langue visé dans la vie réelle ». D’après lui, nous pouvons considérer la transposition comme pré-communication réelle avec le savoir-faire que les apprenants viennent d’apprendre. C’est le prolongement de la pratique dans le processus de l’apprentissage. En effet, le but de notre enseignement n’est pas seulement l’information portant sur le savoir, comme on le dit souvent, mais de faire comprendre, de dire faire et de faire dire, c’est-à-dire de faire incorporer le savoir dans la communication.

L’observation de la classe (3) en étape de transposition nous permet de voir comment l’enseignante, organisatrice des activités didactiques, met son groupe d’apprenants dans les meilleures situations pour apprendre à communiquer. Il est nécessaire d’indiquer que la transposition est différente de la pratique, car cette dernière est plutôt une copie ou une répétition mécanique du savoir-faire, et la première, une application individuelle et réelle de savoir-faire même en situation didactique. En raison de l’avantage didactique de la transposition dans l’apprentissage, l’enseignante l’utilise souvent comme facteur d’animation pour susciter l’envie des apprenants à participer à la communication et pour animer le « savoir utiliser » (L. Porcher 1995 :62) de la langue. Ce corpus nous permet de remarquer, durant la même séance, deux interactions qui se développent simultanément : une interaction de type didactique entre l’enseignante et son public et une autre, de type conversationnel entre les apprenants.

En raison de la place considérable de la transposition dans l’enseignement de la langue étrangère, tous les enseignants lui accordent une grande attention. Ils essaient de saisir le moment approprié pour conduire la classe à la transposition si les facteurs extérieurs le permettent, comme par exemple, le temps, le contenu de l’enseignement, le niveau linguistique des apprenants etc.

Il nous faut indiquer qu’au moment de la transposition qui est souvent considérée, en cadre didactique, comme communication temporairement réelle, il existe provisoirement un changement de la relation interpersonnelle entre l’enseignant et son groupe d’apprenants. Si nous exceptons l’évaluation réactive de l’enseignant après la production des apprenants, nous pouvons dire que les échanges verbaux entre eux traduisent la relation communicative au lieu de la relation didactique : ils se trouvent momentanément en position égale, comme deux interlocuteurs dans une communication réelle.