VII.4.2. Le rire conjoint et le rire collectif

Dans la communication, il n’y a pas seulement le rire solitaire, mais aussi le rire conjoint ou le rire collectif qui manifeste avec une fonction interactionnelle bien différente du précédent. Dans l’enseignement / apprentissage du FLE en classe, le rire collectif peut créer une ambiance agréable et légère pour faciliter le déroulement des activités didactiques, il peut aussi simplifier la relation interpersonnelle entre l’enseignant et les apprenants. En résumé, le rire collectif constitue un élément interactionnel pour l’animation d’une classe de langue.

  1. Comme fonction interactionnelle, le rire collectif peut rendre la classe animée et créer une ambiance harmonieuse.

C’est un extrait du corpus EFp issu de la fin de la classe. Les apprenants sont fatigués dans leur apprentissage comme leur professeur dans son enseignement. Ils ne veulent pas continuer l’apprentissage de mots nouveaux, alors que l’enseignante veut poursuivre son plan d’enseignement. Le problème est de concentrer l’attention des apprenants au plan d’enseignement, selon le contrat didactique, dans une situation où l’animation de classe paraît très importante pour finir le travail du jour. En 271, elle montre donc intentionnellement une fausse indication d’objet en langue gestuelle, pour attendre une réponse négative et provoquer le rire de toute la classe en 272. Cet acte humoristique anime ses activités didactiques d’une part et chasse la fatigue des apprenants d’autre part. L’humour peut entraîner un rire collectif et aussi assurer la qualité du travail d’enseignement / apprentissage en classe.

  1. Comme fonction interactionnelle, le rire collectif peut marquer un accord commun dans la discussion. Dans l’enseignement du FLE, l’enseignant organise toutes sortes de discussions auxquelles participent les apprenants et à travers lesquelles s’améliorent les compétences linguistiques et communicatives des apprenants. Généralement, on exprime dans la discussion, le désaccord par le tumulte et l’accord par le rire collectif.

Ce discours de l’apprenant en 46 est argumentatif, qu’est-ce qui est le plus important, y compris pour une vieille dame dans cette situation : la réputation ou la vie ? Il trouve que si la réputation est importante, la vie l’est plus encore (je crois que si / si tu meurs comment tu / tu / comment tu as la repu / la réputation encore). Le premier rire de la classe manifeste l’accord partagé par tous les apprenants. Et le deuxième rire est né d’une interruption rapide du discours, car les autres trouvent son argumentation intéressante et raisonnable. Nous croyons que le vrai rire est spontané et chargé d’une fonction interactionnelle.

  1. 3) Nous remarquons que le rire conjoint, comme fonction interactionnelle, est manifestation de politesse et de gentillesse dans la conversation. Il réduit la distance dans la relation interpersonnelle, surtout dans la conversation entre inconnus.

Dans les tours de parole 30 et 31, nous rencontrons deux formules de politesse accompagnées de rire conjoint, l’une est un remerciement, l’autre est la réaction au remerciement. Le rire en 30 marque tacitement l’infériorité relationnelle : je suis apprenant, je ne parle pas bien, mais vous m’écoutez avec patience. Par contre, le rire en 31 est expression de la supériorité relationnelle d’une part et de la gentillesse, de la patience de l’enseignant d’autre part. Les rires en deux tours de parole assurent le déroulement de leurs échanges verbaux et simplifient aussi leur relation interpersonnelle : enseignant vs apprenants.

D. Boissat a signalé, dans l’analyse des interactions didactiques, la récurrence inattendue de facteurs vocaux tel que le rire dont l’interprétation reste problématique dans un cadre institutionnel. En activités didactiques, nous pouvons considérer, les rires comme des signes communicatifs qui se chargent naturellement d’une fonction interactionnelle : dans les moments difficiles, le rire rend l’interaction moins menaçante et les enjeux de la communication moins pesants. Toujours dans ce contexte, il exprime la reconnaissance d’une infraction aux règles linguistiques ou communicatives et l’attente de la correction. C’est pour cela que nous devons accorder une grande attention aux rires institutionnellement spécifiques dans l’analyse des interactions des activités didactiques.

Au sujet de l’animation en classe de langue, nous avons interactionnellement beaucoup de points à développer, parce que c’est une activité didactiquement compliquée. L’animation de classe dépend de problèmes d’organisation du temps, d’organisation des rôles et d’organisation du savoir. Dans cette partie, nous avons étudié comment l’enseignant remplit sa fonction de meneur de jeu dans l’interaction didactique.