VIII. 1.1. Etude contrastée de l’évaluation formative dans les trois corpus

L’évaluation formative se développe de manière individuelle dans les activités didactiques. Elle est révélatrice de beaucoup d’éléments implicites et explicites sur le plan didactique, par exemple, de la qualité des relations interpersonnelles entre l’enseignant et les apprenants, de la forme des activités didactiques, des niveaux d’apprentissage, de l’objectif de l’intervention interactionnelle et de la motivation du locuteur.

Insistons sur le fait que l’évaluation différencie l’apprentissage guidé de l’acquisition naturelle. S’il n’y avait pas d’évaluation de l’enseignant, l’apprentissage deviendrait plus aléatoire et les apprenants devraient faire une auto-évaluation, laquelle est difficile surtout pour l’apprentissage d’une langue étrangère. Dans le cas des fautes causées par l’inatention des apprenants, les apprenants peuvent les corriger eux-mêmes quelquefois, après l’indication ou la sollicitation de l’enseignant, parce qu’il y a une infraction par rapport à des règles qu’ils connaissent. Par contre, dans le cas des erreurs, ils ne peuvent pas les corriger, parce qu’elles sont le résultat des règles qu’ils se sont données et qu’ils croient justes ; ils pensent qu’ils ont fait fonctionner un système de règles, mais ces règles ne correspondent pas à celles utilisées par les natifs. Pour la correction de ces erreurs, ils ont besoin d’un regard extérieur. L’évaluation de l’enseignant est cette fois-ci indispensable et nécessaire. 

Dans l’évaluation formative, le traitement des erreurs traduit l’expérience professionnelle de l’enseignant. Pour nous, l’erreur peut avoir un rôle positif dans l’apprentissage et l’enseignement ; l’erreur est à utiliser, et non simplement à éliminer. Elle est l’indication d’un processus, et doit donc être considérée comme productive. Elle n’est pas un écran, un obstacle, mais un générateur, un véhicule. Pédagogiquement parlant, l’erreur devrait avoir un statut autre que celui de la  faute  à sanctionner, car l’analyse des erreurs, pratique évaluative, est à la fois un objectif pédagogique et une pratique. 

D’après le contrat didactique, l’évaluation formative se manifeste en général d’une manière unilatérale, c’est-à-dire que, dans la plupart des cas, c’est toujours l’enseignant qui fait l’évaluation. En réalité, pendant l’apprentissage, l’évaluation de l’enseignant peut se manifester didactiquement sous des formes variables : appréciation, correction, forme indirecte... Elle prend aussi des fonctions variables : sollicitation, information, aide linguistique, et animation de la classe.

En classe de FLE, la situation interactionnelle n’est pas toujours la même sur le plan linguistique. L’enseignant peut adresser, après la production des apprenants, une évaluation positive quand la production est correcte, et une évaluation négative quand la production comprend une faute. Cette évaluation est inscrite dans le contrat didactique, elle constitue une partie de la responsabilité de l’enseignant. C’est pour cette raison que nous disons que dans l’apprentissage d’une langue étrangère, dans le cadre institutionnel, l’évaluation professorale est nécessaire dans la communication  guidée  en classe. Normalement, l’évaluation formative de l’enseignant en classe de langue se manifeste lors de la troisième intervention verbale sous la forme suivante :

Dans ces trois interventions qui se déroulent entre l’enseignant et un apprenant en classe de FLE, c’est l’enseignante qui pose la question aux apprenants en 13 : « qu’est-ce que c’est la fête de Noël ? » L’apprenant A2 répond tout de suite en 14 à cette question en disant « le Père Noël ». Après cette réponse, l’enseignante fait immédiatement en 15 une répétition de la réponse de l’apprenant A2 suivie de la réaction évaluative « très bien ». Ici nous constatons que l’enseignante officialise l’information. L’intervention de l’enseignante est nécessaire pour que toute la classe prenne en compte la réponse.

De plus, dans notre corpus, en classe traditionnelle, nous observons après le moment évaluatif, que l’enseignante écrit au tableau l’information donnée par l’apprenant « le père Noël »; son comportement didactique veut dire à toute la classe qu’il faut mémoriser et noter également cette information. La double utilisation de l’oral et de l’écrit, au même moment, attire l’attention de toute la classe et précise la bonne réponse donnée sous cette double forme.

Cette sorte d’évaluation formative est souvent rencontrée au cours de l’observation de nos trois classes de langue étrangère. Mais ces caractéristiques évaluatives ne sont pas les mêmes chez les professeurs natifs ou non natifs en fonction de leur expérience d’enseignement, de leur mode d’appropriation de la langue-cible, de leurs habitudes, du contrat didactique et du contenu d’enseignement.

Dans la communication quotidienne, il est rare d’entendre une évaluation au cours de l’interaction verbale entre deux natifs ou entre un natif et un non-natif. Même si un interlocuteur étranger parle mal la langue locale, le natif ne peut faire, en face, une évaluation sur la langue parlée pour des raisons sociales telles que la politesse et le respect individuel. Il est rare d’entendre un natif corriger au cours de la communication la faute faite par un non natif inconnu s’ils se comprennent mutuellement dans l’interaction verbale. Par contre, s’ils rencontrent un obstacle verbal dans la compréhension mutuelle, ils utilisent, d’une façon amicale le plus souvent, la demande de répétition ou la reformulation afin de vérifier leur compréhension et d’assurer la continuation de leur communication.

Dans l’apprentissage d’une langue étrangère, en classe, la situation a changé. Parce que les relations triangulaires : enseignant-apprenants-savoir sont implicitement intégrées dans le contrat de didactique. Au cours de la transmission du savoir en vue de le transformer en savoir-faire, l’évaluation de la production de l’apprenant fait partie de la fonction professorale, et les fautes ou les erreurs doivent être corrigées didactiquement. En classe de langue étrangère, professeur et étudiants communiquent, en partie grâce à l’évaluation : le professeur indique la faute, les étudiants usent de cette correction pour améliorer leurs compétences linguistique et communicative.