VIII.1.5. Les évaluations formatives en classe (3) 

Dans la classe de langue étrangère, l’enseignant organise de temps en temps des activités didactiques en appuyant sur un support thématique pour mettre les apprenants sur la scène communicative durant laquelle ils vont jouer un rôle central dans la communication. L’enseignant recule alors derrière le rideau  pour jouer simplement le rôle de souffleur. Dans ces activités didactiques, l’évaluation de l’enseignant a généralement une finalité dynamisante : animer positivement l’interaction sans distinguer le juste du faux puisqu’il s’agit, comme ici à propos du SRAS, d’exprimer en langue cible des points de vue individuels.

Le corpus que nous avons enregistré dans la classe de conversation montre les comportements des apprenants et de l’enseignante au cours d’une conversation en langue française. Ce qui nous intéresse dans cette partie, ce sont les opérations évaluatives de l’enseignante chinoise pendant la production discursive des apprenants. Dans la classe de conversation, l’enseignante chinoise s’écarte d’une certaine façon du centre de la classe et de son rôle habituel de vecteur d’informations linguistiques pour jouer un simple rôle de souffleur-évaluateur. Prime est donnée au réemploi de ce qui a déjà été appris. L’objectif de la conversation, c’est que les étudiants s’approprient ce qu’ils ont déjà appris en échangeant en français sur ce qu’ils ont envie et besoin de dire, en tant qu’individu. C’est la communication qui est importante. Ils doivent montrer qu’ils arrivent à communiquer, pas forcément dans les règles, mais de manière efficace.

Dans cette classe non traditionnelle, la conversation des apprenants est aussi accompagnée d’opérations évaluatives de l’enseignante qui sont principalement appréciatives.

L’évaluation « d’accord très bien » intervient après une longue intervention en 6 (cf. corpus ECg, tome 2) de l’apprenante Jne qui non seulement développe son point de vue en ce qui concerne l’attitude des êtres humains devant une catastrophe naturelle, mais qui l’étaye au moyen d’une histoire émouvante. La cohérence discursive de Jne s’ajoutant au fait qu’il s’agit de la première prise de parole dans la conversation mérite cette appréciation positive. Mais celle-ci peut être aussi considérée comme un encouragement à poursuivre la conversation.

L’évaluation appréciative de l’enseignante chinoise s’observe régulièrement tout au long du discours des apprenants pour animer la conversation et inciter au développement de la discussion. En 23, Jl lance une question intéressante mais en classe très inhabituelle qui provoque le rire de tout le groupe. L’enseignante chinoise officialise la pertinance de cette question par une évaluation appréciative en 24 (cf. corpus ECg, tome 2).

L’évaluation appréciative de l’enseignante chinoise porte encore sur la compétence linguistique des apprenants. Dans son discours, Jne a correctement transformé un adjectif en adverbe. Il semble que cette preuve de compétence linguistique a beaucoup surpris son enseignante. Elle s’associe en 31 alors au discours de Jne en opérant une répétition appréciative de l’adverbe (cf. corpus ECg, tome 2).

Nous constatons par ailleurs que la structure du discours des enseignantes dans ces trois classes différentes est typiquement ternaire : question de l’enseignant + réponse de l’apprenant + réaction évaluative de l’enseignant.

Ces trois exemples sont globalement de forme ternaire, et particulièrement les deux premiers composés de trois interventions : question-réponse-évaluation. Le troisième exemple nous paraît intéressant en ce que l’évaluation de l’enseignante ne joue pas la même fonction dans la pratique des activités didactiques. En 3, la réaction évaluative de l’enseignante concerne une correction grammaticale. En 5, c’est la réaction évaluative visant à la confirmation. En 7 nous avons séquentiellement une évaluation appréciative de l’enseignante.

Au niveau de la structure de l’évaluation, nous voulons préciser également que quelquefois la structure de la réaction évaluative de l’enseignant n’est pas la même dans la classe traditionnelle que dans la classe conversationnelle. Par exemple, nous découvrons dans la classe conversationnelle que l’évaluation de l’enseignante ne s’opère pas dans le troisième temps de l’échange, elle est inscrite dans l’intervention de l’apprenant.

Nous ne devons pas pourtant négliger le rôle de la réaction évaluative de l’enseignant dans la classe traditionnelle. C’est l’intervention évaluative de l’enseignant qui a une double fonction : officialisation du savoir et démarrage d’un nouvel échange.

Nous voyons dans cet exemple que la réaction évaluative de l’enseignante en 27 a deux fonctions en même temps : officialisation du savoir dans la première partie de son intervention (alors oui ↓c’est bien la musique↓), ouverture d’un nouvel échange dans la deuxième partie de l’intervention (il y a↑).

Pour cette raison, la réaction évaluative est souvent étudiée dans l’organisation des activités didactiques pour améliorer la qualité de l’enseignement. L’évaluation formative décrit le comportement langagier de l’enseignant au cours de l’enseignement / apprentissage de la langue étrangère ; inscrite implicitement dans le contrat didactique, elle manifeste aussi la responsabilité de l’enseignant. L’évaluation sommative concerne, elle, une évaluation générale après un moment d’enseignement / apprentissage. Elle a deux fonctions pédagogiques en même temps : l’évaluation sommative peut aider l’enseignant à mesurer sa qualité et sa méthode de l’enseignement ; elle aide l’apprenant à vérifier son acquisition des connaissances. Dans la partie suivante, nous focalisons donc notre attention sur l’évaluation sommative qui est très importante dans l’institution universitaire en Chine.