VIII.3.4. L’analyse de l’évaluation sommative

En Chine, l’examen des compétences linguistiques et communicatives des apprenants en langue étrangère tient une place assez importante dans l’enseignement  / apprentissage des langues étrangères comme dans celui de la langue maternelle. A la fin de chaque semestre et de chaque année scolaire, les apprenants sont soumis à des examens respectivement écrits et oraux. Celui qui rate son examen est obligé de redoubler la classe. De plus, les résultats des examens sont étroitement liés à l’obtention des allocations universitaires et aux choix des postes de travail pour les apprenants à la fin de leurs études universitaires. Ils constituent un facteur décisif du classement des étudiants au cours de leurs études universitaires. L’examen tient une telle place que la plupart des apprenants s’accrochent aux résultats de l’examen : c’est le but de leur apprentissage. Ils font tout leur possible pour obtenir une bonne note. 

Dans ce sens, on comprend que l’enseignant et les apprenants accordent une attention particulière à l’évaluation. Pour l’enseignant, il ne doit pas encourager les apprenants à ne faire des efforts que pour obtenir une bonne note. Il doit orienter ses étudiants vers l’acquisition d’une compétence de communication durable. Pour cela l’évaluation ne devrait pas porter seulement sur l’acquisition de la compétence linguistique. Voilà pourquoi l’enseignant lance à la fin de l’examen oral une question plus ouverte pour permettre à ses apprenants de s’exprimer librement, et voilà pourquoi l’enseignant reprend au cours de l’examen ses stratégies pédagogiques : sollicitation, répétition et reformulation pour favoriser exposer leur compétence de communication.

L’examen oral tient toujours une place particulièrement importante dans l’enseignement du français, surtout pour les apprenants débutants. Dans l’enseignement du français en Chine, on pratique habituellement deux méthodes pour examiner l’expression orale des apprenants : la première consiste à organiser un entretien guidé entre l’enseignant et l’apprenant sous forme questions et réponses par le tirage au sort pour déterminer le sujet de l’examen, la seconde consiste à demander à l’apprenant de faire un exposé oral sur un sujet choisi par lui-même. L’auteur de l’examen prépare une liste de sujet. Chaque apprenant va tirer au sort pour choisir le sujet sur lequel il doit faire un exposé oral après quelques minutes de préparation.

Dans l’entretien guidé, c’est presque toujours le questionneur qui pose les questions déterminées auxquelles répond le questionné. Souvent ces questions sont cadrées dans le thème tiré. Les examens de ce type mettent l’accent sur l’acquisition de formes linguistiques au lieu de l’acquisition de la compétence de communication. L’entretien guidé et l’exposé oral sont mis dans un cadre de communication presque réelle. Ils correspondent plutôt aux objectifs d’apprentissage.

Pour le nouvel enseignement du français, les examens oraux doivent mettre l’accent sur la formation de la compétence de la communication des apprenants. Et les transcriptions sur lesquelles nous travaillons se trouvent justement entre les deux, car pour les apprenants débutants, sont nécessaires les éléments linguistiques sans lesquels, leur compétence communicative est impossible. L’examen oral se divise donc en principe en deux parties, la première pour examiner la compétence linguistique en partant de la question simple à la question plus difficile, la deuxième s’étend vers l’examen de la compétence de la communication par la vraie question favorable à l’exposé oral sur le sujet courant.

Jusqu’à aujourd'hui, dans l’enseignement du français en Chine, on suit toujours les principes définis par R. Lado (1961) à propos de l’examen. Celui-ci porte surtout sur l’acquisition de la compétence linguistique de l’apprenant, puisque l’on considère que la langue est un système composé des trois éléments fondamentaux: la phonétique, le lexique et la grammaire.

Voici la structure des deux examens passés respectivement à l’issu du premier semestre et du troisième semestre:

Premier semestre fin décembre 2001.

dictée
vocabulaire et conjugaison grammaire et orthographe compréhension

écrite
transformation

syntaxique

traduction

rédaction
20% 20% 20% 10% 10% 10% 10%
Troisième semestre juin 2002.

dictée
conjugaison

des verbes
pronoms

relatifs
choix des mots convenables correction

des fautes

prépositions

thème
15% 15% 10% 10% 10% 20% 20%

Nous remarquons facilement par la structure de ces deux examens de FLE que l’enseignement actuel du français en Chine vise surtout l’acquisition des connaissances linguistiques. Il est nécessaire de voir brièvement la théorie structuraliste sur laquelle sont basés les examens.

Ce qui caractérise d’abord le structuralisme taxonomique, c’est son lien avec la pratique du manuel rédigé par des experts chinois. L’apport du structuralisme taxonomique à l’enseignement des langues étrangères et du même coup à la mesure des performances en langues étrangères a résidé essentiellement dans deux domaines:

Selon les structuralistes, un examen d’évaluation de l’oral se compose de sous-tests qui portent sur des éléments et structures chaque fois différents ainsi que sur la fluidité de l’expression. Même sous la forme de  Questions et réponses, on examine plutôt la structure grammaticale et non l’adéquation communicative d’un énoncé. De même les autres techniques pour évaluer les performances orales prennent en compte des éléments de la langue et non le comportement langagier et son adaptation à certaines situations de communication.

Pour examiner l’expression écrite, on utilise souvent des exercices à choix multiple et des rédactions. Les objectifs d’évaluation de la ponctuation, de l’orthographe, du lexique et des structures grammaticales se composent, par exemple, de phrases à trous. C’est le cas dans les examens décrits ci-dessus. Il faut remplir ces trous par un élément à choisir parmi un ensemble qu’on propose à chaque fois à l’examen. Actuellement, dans l’enseignement des langues étrangères comme dans celui du français langue étrangère, les enseignants chinois continuent à utiliser des examens de ce type. Par exemple, on demande aux apprenants de remplir les trous par des articles définis ou indéfinis, des prépositions, des conjonctions, des pronoms, de mettre les infinitifs aux temps et aux modes qui conviennent...

Quant à l’examen oral tenu à la fin de chaque semestre, il est intéressant d’en faire l’analyse, parce que cette activité a pour le but d’ «instaurer un entretien de type " clinique " avec chaque élève»,c’est-à-dire de « prendre conscience de ce qu’il sait et de ce qu’il ne sait pas. » (L. Allal, D. Bain, P. Perrenoud1993 :103). L’évaluation sommative mesure au travers de l’examen oral un ensemble déterminé de phénomènes déjà appris, l’examen porte donc sur une masse de connaissances que les apprenants doivent avoir acquise.

L’université en est un lieu particulièrement crucial et délicat, parce que l’examen constitue une étape importante et indispensable dans les activités pédagogiques. L’examen semestriel mesure non seulement ce que les apprenants ont appris, mais aussi ce que l’enseignant a enseigné et donc la qualité de son enseignement. C’est pour cette raison que les enseignants et les apprenants, et même l’administration universitaire accordent tous une grande attention à l’examen de semestre.

En ce qui concerne le contenu de l’examen oral, il porte sur les connaissances linguistiques et sur les textes étudiés dans le semestre. Les thèmes de l’examen oral se limitent à la vie courante parce que tous les apprenants possèdent un certain vécu. Selon S. Bolton (1987) ce lien entre le cursus d’enseignement des langues étrangères et les types et contenus de l’examen vaut également pour l’enseignement scolaire et pour le contrôle scolaire des progrès des apprenants. Les questions que l’enseignant a préparées dans nos corpus concernent souvent dans l’examen oral des connaissances grammaticales ou textuelles des étudiants : la morphologie temporelle (présent-passé composé-imparfait) ou adjectivale (comparaison et superlatif) d’une part et la reformulation orale d’un texte (la France) d’autre part. Nous retrouvons ces phénomènes grammaticaux dans tous les corpus issus de l’examen oral :

Certaines questions sont clairement de  fausses  questions qui visent simplement à vérifier une maîtrise grammaticale ponctuelle (le comparatif ici)

 Exemple issu du corpus ECh (la cinquième séance):

15. E : …est-ce que la France est un pays plus grand que la Chine ­

ou à évaluer d’autres types de connaissance…

Exemple issu du corpus ECh (la cinquième séance):

D’autres questions, par contre, sont apparemment de vraies questions portant sur la vie quotidienne de l’apprenant (cf. exemple ci-dessous).

En ce qui concerne la structure interactionnelle, l’examen oral prend principalement la forme : question-réponse+/-évaluation. Il nous faut indiquer que l’évaluation de l’enseignant n’est pas nécessaire au cours de l’examen oral. Pour la bonne ou mauvaise réponse, elle n’est pas indispensable. Le comportement langagier de l’enseignant au cours de l’examen oral est différent de celui au cours de l’interaction didactique en classe. Dans l’interaction didactique, l’évaluation de l’enseignant est obligatoire pour officialiser le savoir. Mais ce n’est pas le même cas à l’examen oral. Nous observons que parfois l’enseignant n’a fait aucune évaluation vis à vis d’une mauvaise réponse de son partenaire au cours de l’examen.

Un autre exemple pour montrer que l’enseignant ne fait aucune évaluation (correction ou sollicitation) par rapport à la faute que l’apprenant a commise dans la production.

  • La correction formelle (grammaire + lexique).

La détermination de la gravité de la faute s’effectue sur la base du classement des fautes. Les fautes de vocabulaire et de grammaire sont considérées comme des erreurs graves dans l’évaluation sommative à l’oral comme à l’écrit. Si dans la communication normale, on peut accepter le fait qu’un interlocuteur réponde à la question de son partenaire à l’aide de mot sans syntaxe, dans les activités pédagogiques, l’enseignant demande souvent à l’apprenant de faire une phrase complète même s’il a parfaitement compris son intention communicative. La production grammaticale des apprenants doit être impeccable (cf. exemple ci-dessous).

  • L’adéquation de la communication.

L’adéquation d’un énoncé au contexte devrait constituer un élément indispensable de l’examen oral, si on désirait évaluer la compétence communicative de l’apprenant. En effet la conformité de l’intervention de l’apprenant aux règles de l’expression ne peut se constater que sur la base de son insertion dans un contexte :« si l’on considère la compétence communicative dans la langue étrangère comme l’objectif primordial, la première question qu’il nous faut poser pour évaluer une faute n’est point de savoir si elle porte sur une règle générale ou un mot ou encore une construction fréquente mais de quelle manière elle affecte la communication ». Il n’en est rien dans les épreuves d’examen que nous avons observées.

  • La prononciation et l’aisance.

La prononciation et l’aisance verbale pendant le déroulement de l’examen oral en Chine constituent un élément important de l’évaluation, mais un élément marginal. Elles ne présentent pas de fautes à proprement parler si elles ne brouillent pas la compréhension. Si elles conduisent à une mauvaise compréhension ou si elles constituent une déformation évidente, elles exercent une légère influence sur la notation.  Cela se rencontre le plus souvent lors de l’examen oral du premier semestre pour les apprenants débutants.

  • Les autres critères (richesse d’expressions, longueur de l’énoncé).

Ces critères sont souvent destinés aux apprenants qui sont capables de s’exprimer clairement sans distorsion en FLE, avec une grande liberté et richesse d’expression. Ce comportement langagier sera évalué positivement par l’enseignant en notation.

D’après S. Bolton, au cours de l’examen oral, les apprenants doivent dans leurs réponses aux questions de l’enseignant 

  • Suivre les règles de grammaire:
  • Tenir compte des contenus divers (linguistiques mais aussi culturels) des enseignements suivis, contenus partagés par l’enseignant et l’étudiant.
  • Correspondre aux questions issues des textes déjà étudiés pendnat le semestre en cours. Il faut répondre à ces questions de façon cohérente, tenir des propos pertinents et ne pas donner d’information fausse :

Exemple issu du corpus ECh (séance cinq) :

Nous allons maintenant analyser plus en détail deux séances d’évaluation sommative au cours de l’examen oral et les manières dont l’enseignant et les apprenants coopèrent interactionnellement afin de communiquer en français dans le cadre de cette évaluation de la connaissance linguistique.