Introduction

Dans la vie actuelle, la communication en langue seconde et le recours aux technologies numériques connaissent une importance croissante. Aussi l'utilisation de l'informatique et de la communication pour l'apprentissage des langues est-il dans l'air du temps. Cette tendance se comprend lorsque l'on considère les nombreuses possibilités offertes par les ordinateurs (lire et écrire des documents extrêmement variés qui peuvent être accompagnés de sons et d'images fixes ou animées, ou encore utiliser différentes fonctions techniques). Un nouvel horizon semble donc s'ouvrir pour l'apprentissage des langues. Or, chaque invention est accompagnée d'avantages et d'inconvénients, voire de risques majeurs dans le cas d'un emploi inadapté. Ainsi, l'arrivée d'ordinateurs dans les établissements scolaires et les universités a ouvert un débat entre deux positions opposées : la première est celle des partisans de l'introduction de la modernité dans les établissements scolaires et de l'exploitation de la technique des ordinateurs. La seconde position est celle des humanistes traditionnels qui postulent que l'enseignement n'est pas une affaire de machines. Ces derniers estiment que chaque relation pédagogique est individuelle et qu'elle ne peut pas être programmée. Cependant, peut-on aborder ce problème d'une manière globale, ou convient-il plutôt d'analyser dans chaque domaine les effets engendrés par l'utilisation de ordinateurs ? Il est plutôt difficile de formuler une opinion générale permettant de trancher dans cette discussion et une réponse spécifique en fonction des applications spécifiques paraît plus adaptée.

L'objectif principal de ce travail est d'analyser l'usage des TIC (Technologies de l'Information et de la Communication) dans les activités concrètes proposées par les produits multimédia et d'aborder les nombreuses questions qu'il soulève. En effet, la possibilité d'un enregistrement des scénarios de travail langagier consultables à distance et "en différé" font du support numérique un outil qui se prête tout particulièrement à une utilisation en autonomie guidée. De plus, la connexion à l'Internet permet le contact et un échange prometteur avec des personnes possédant les mêmes intérêts ou encore des compétences complémentaires. Pour assurer un ajustement optimal des dispositifs de travail langagier, deux facteurs sont essentiels : la contribution de l'ordinateur et le rôle de l'enseignant de langues. Ainsi, il convient de se demander dans quelle mesure la machine propose-t-elle de bonnes conditions de compréhension du sens lexical (par la présence d'indices multiples) et si elle offre des possibilités d'entraînement (dans des exercices fermés et ouverts) suffisantes pour l'apprentissage de l'encodage des unités lexicales. Il importe également de cerner les limites de la machine quant à sa capacité à fournir une interactivité constructive et à fonctionner en tant que médiateur du savoir-faire lexical. Le second objectif de ce travail est d'identifier le rôle de l'enseignant de langues dans le cadre de l'utilisation des TIC. Il convient d'explorer comment l'enseignant doit organiser et soutenir le processus de l'apprentissage lexical et quels changements l'intégration des produits multimédia implique pour son travail.

La première partie de ce travail est destinée à préciser les notions fondamentales pour une analyse du travail lexical effectué par les apprenants de la langue allemande. Dans un premier chapitre, nous chercherons à cerner les éléments langagiers à l'intérieur du système lexical de cette langue et de comprendre les mécanismes intervenant pour la construction du sens lexical. En effet, la signification lexicale est loin d'être claire dans toutes les circonstances et le contexte semble avoir une influence non négligeable. Enfin, d'un point de vue pragmatique, la langue sert à communiquer et nous expliciterons les réactions nécessaires d'un locuteur pour maintenir l'échange langagier et pour transmettre un message.

Le deuxième chapitre nous permettra d'étudier le traitement de l'unité lexicale dans la mémoire. Il faudra en particulier montrer le déroulement des opérations cognitives nécessaires à un enregistrement des informations lexicales, ainsi que la représentation des unités lexicales dans la mémoire. Il conviendra aussi d'étudier l'impact du comportement perceptif de l'apprenant et de l'intensité du traitement cognitif. Ensuite, c'est par la connaissance des processus cognitifs et des réactions neuro-psychologiques chez l'apprenant que le didacticien pourra justifier ses méthodes d'enseignement.

Dans un troisième chapitre, nous chercherons à cerner les dimensions pédagogiques et didactiques conditionnant apprentissage lexical. Pour cela, il paraît incontournable d'éclaircir quatre éléments : l'intervention de la langue maternelle, le feedback donné à l'apprenant en réponse à une production langagière, l'importance de l'erreur ainsi que la nécessité d'engager chez l'apprenant un processus métacognitif. Et, dans la mesure où la motivation est un moteur de l'apprentissage, il conviendra montrer les facteurs déterminant son intensité. Enfin, la qualité des supports pédagogiques influence les possibilités de transfert d'informations lexicales et une réflexion sur l'input linguistique semble s'imposer.

En vue d'une analyse des produits multimédia, un quatrième chapitre se propose d'aborder l'environnement multimédia et les caractéristiques du travail avec des supports numériques. Pour notre recherche, il est essentiel de comprendre comment l'apprenant peut communiquer avec la machine, comment il prend connaissance des informations proposées et ce qui se cache derrière la notion du travail en autoformation. De plus, le type de rapport pédagogique choisi par l'enseignant ne peut pas être sans incidence sur le travail de l'apprenant. Nous discuterons l'adaptation des réactions du pédagogue en fonction du produit multimédia et par rapport aux besoins évolutifs des apprenants.

La deuxième partie de notre réflexion aura pour but de mettre en œuvre les éléments théoriques développés dans les chapitres précédents. Pour cela, nous étudierons trois applications concrètes : les cédéroms, les sites Internet et une méthode de travail en tandem utilisant les échanges de courriers électroniques. Nos expériences ont été effectuées au Centre de langues de l'université Lumière Lyon 2 qui assure d'une part, des formations dans sept langues (allemand, anglais, arabe, catalan, espagnol, italien, portugais) et d'autre part, des formations spécialisées en didactique des langues. Il accueille environ 5.000 étudiants de l'université Lumière Lyon 2 et il se situe d'emblée sur le terrain de l'autoformation en utilisant le support des nouvelles technologies. En effet, il possède un centre de ressources comprenant, en plus d'une salle de documentation et d'une salle vidéo, deux salles multimédia destinées à accueillir des étudiants travaillant en autoformation guidée et une salle de cours équipée d'ordinateurs. Dans le cadre des modules "Autonomie guidée" (horaire annuel : 42 heures), les apprenants y effectuent un parcours personnel en autonomie (30 à 35 heures annuelles) sur les équipements du Centre de langues. En complément, ils participent à des ateliers de conversation orale ainsi qu'à des tutorats avec un enseignant de langues. En outre, plusieurs enseignants sont impliqués dans des projets de recherche concernant l'utilisation des ordinateurs pour l'apprentissage des langues.

Les trois outils sélectionnés (cédéroms, sites Internet et le travail en tandem) font partie des produits multimédia couramment utilisés par les étudiants inscrits au Centre de langues. Nous nous sommes ici volontairement limitée aux produits multimédia pour lesquels le Centre de langues possédait, au démarrage de nos recherches, les moyens techniques suffisants. La fonction de publication sur Internet ouvre cependant la voie vers d'autres applications comme, par exemple, les échanges sur les forums de discussion entre différents groupes d'apprenants. Leur souplesse, leur fonctionnalité ainsi que la convivialité et l'authenticité de la communication en langue cible semblent être intéressants pour une transmission mutuelle de connaissances. Ainsi, le développement de ces échanges avec un encadrement conséquent fait l'objet de projets de recherches récents.

Le premier chapitre de cette deuxième partie aura pour but de montrer les mécanismes cognitifs engagés par un travail avec les cédéroms. Le problème central est de savoir si la multicanalité contribue au décodage des unités lexicales ou si l'on peut craindre une surcharge cognitive de l'apprenant. Par rapport à l'encodage des unités lexicales, nous souhaitons vérifier si les exercices proposés par les cédéroms sont adaptés à un entraînement de l'utilisation libre des unités lexicales et si la correction automatique constitue un atout important des cédéroms. Il conviendra également d'étudier si les cédéroms se prêtent à une autoformation et si l'encadrement d'un enseignant de langues demeure indispensable. Enfin, un autre point de recherche sera le développement des compétences métacognitives qui se justifient précisément pour un cadre de travail en autonomie guidée. Afin de permettre aux apprenants d'évoluer progressivement, nous proposons une méthode qui vise à amener les apprenants à prendre du recul par rapport à leur propre travail.

Au cours du deuxième chapitre, nous examinerons le travail de décodage et de l'encodage lexical avec les sites Internet. Il nous importe de savoir si l'ouverture vers des documents authentiques constitue effectivement un intérêt majeur pour l'apprentissage lexical et si l'organisation hiérarchique des informations peut donner lieu à de nouvelles stratégies de décodage. En outre, il s'agit d'examiner l'aspect de la médiatisation technique et de la médiation humaine. Dans quelle mesure l'ordinateur peut-il être considéré comme un assistant de l'enseignant de langues ?

Un dernier chapitre est consacré au développement d'une méthode de travail en tandem, constituée d'un échange de courriers électroniques entre un apprenant francophone et un natif de la langue allemande. Notre but est d'analyser en quoi le rapport direct avec le partenaire tandem ouvre des possibilités pour la compréhension du message textuel et les significations des unités lexicales inconnues. De plus, nous chercherons à savoir si la correction individualisée envoyée par le partenaire natif constitue une base de travail enrichissante pour l'apprentissage de l'encodage des unités lexicales.

Les résultats empiriques obtenus nous conduiront à reposer dans la conclusion la question des interactions de l'apprenant avec le support numérique, avec d'autres apprenants et avec l'enseignant de langues.