Les unités lexicales d'une langue varient dans leurs formes et leurs fonctions et c'est grâce à la morphologie que nous pouvons comprendre la structure des mots. La plus petite unité ayant une signification est appelée "morphème" (Pöring et Schmitz, 1999 : 51) et parmi les morphèmes, nous distinguons d'une part, des morphèmes lexicaux (lexèmes) et d'autre part, des morphèmes grammaticaux. Pour les deux types de morphèmes, il existe des morphèmes libres (des mots) et des morphèmes liés (des affixes). Les morphèmes libres peuvent apparaître seuls et ils sont donc indépendants. Les morphèmes liés sont, au contraire, dépendants du mot auquel ils sont reliés. Grâce à eux, il est possible de construire des mots complexes ainsi que des unités grammaticales dont nous verrons ci-dessous les règles de construction.
Les morphèmes lexicaux sont soumis à des processus de construction de mots (Wortbildungsprozesse) appelés globalement "dérivation". A l'intérieur de ces processus de construction de mots, nous distinguons deux autres processus : la composition et la dérivation 1 :
Pour le processus de composition, on utilise soit des morphèmes libres (comme, par exemple, "Frucht" + "Saft" "Fruchtsaft"). Au contraire, nous parlons de dérivation lorsque l'on joint un morphème libre à un morphème lié (comme, par exemple, "frucht" + "bar" "fruchtbar").
La composition est un procédé très usité en allemand et il constitue une caractéristique fondamentale de la langue allemande. Il permet au locuteur de former, sous le principe d'économie, des unités lexicales sur la base de morphèmes libres existants. De cette manière, le nombre d'unités lexicales augmente considérablement et il est possible d'être plus précis ou encore de nuancer son dire. Il existe différents modèles d'après lesquels les mots peuvent être composés comme, par exemple, le modèle de la composition des substantifs évoqué par Pörings et Schmitz (1999 : 57) :
N° | Principe de composition | exemple |
(1) | substantif + substantif | Küchenstuhl, Segelboot |
(2) | verb + substantif | Schaukelstuhl, Tretboot |
(3) | adjectif + Substantif | Großstadt, Hochstuhl, Schnellboot |
Dans les trois cas, nous observons une composition entre un substantif et une des trois classes morphosyntaxiques (nom, verbe, adjectif). En principe, le premier élément est accentué et il représente, sur le plan sémantique, une précision du deuxième élément qui lui, représente le sens premier du terme composé. Ainsi, le terme "Schaukelstuhl" est une chaise permettant de se balancer et un "Hochstuhl" est une chaise qui permet à un bébé d'être assis d'une manière rehaussée à la hauteur de la table. Pour pouvoir réunir les deux mots, il convient de rajouter, dans certains cas, un élément supplémentaire que Pörings et Schmitz (1999 : 56) appellent "Fugenelement". Ceci est le cas, par exemple, pour le terme "Küche n stuhl" et "Les e buch" pour lesquels l'ajout du "n" ou du "e" devient nécessaire.
En outre, la langue allemande connaît des processus de composition de mots faisant intervenir plusieurs morphèmes libres ou plusieurs morphèmes liés comme, par exemple, dans les cas de "Tischtennisplatte" et "Hochspannungsleitung".
En fonction de leur place dans le mot, les morphèmes liés sont appelés "préfixes" lorsqu'ils sont placés devant un morphème libre (comme dans l'exemple "un-" + "klug" "unklug") ou "suffixes" lorsqu'ils sont placés juste après un morphème libre (par exemple "frucht" + "-bar" "fruchtbar").
La dérivation consiste à ajouter un ou plusieurs morphèmes liés à un morphème libre (Pörings et Schmitz, 1999). Dans l'exemple ci-dessous, nous observons ce processus pour les morphèmes libres "los" et "frei" :
sorglose Arbeit | * sorgfreie Arbeit |
arbeitsloser Lehrer | * arbeitsfreier Lehrer |
arbeitsloser Tag | arbeitsfreier Tage |
glücklos | * glückfrei |
furchtlos | * furchtfrei |
sorgenloses Leben | sorgenfreies Leben |
Pour ces différents adjectifs, on lie un "affixe" à la racine des mots "los" et "frei" et on obtient différentes formes dérivées des adjectifs. Une comparaison des unités lexicales dérivées dans les deux colonnes montre cependant que l'on ne peut pas créer des formes dérivées à volonté. En effet, le locuteur est limité par les usages de la langue et les unités lexicales marquées d'un "*" ne sont pas acceptables. Même si un apprenant connaît alors les règles de dérivation, il convient de rester prudent quant à leur utilisation en situation de production langagière.
Comment se forment maintenant les unités grammaticales ? Comme pour les mots complexes, il existe des morphèmes libres (das, ein, zu) et des morphèmes liés (par exemple, "-en" pour l'infinitif ou "-t" dans "geh-t" pour la conjugaison des verbes). En outre, on peut distinguer les groupes syntaxiques et les formes flexionnelles (Pörings et Schmitz , 1999 : 54) :
Les groupes syntaxiques peuvent comporter deux types de morphèmes libres : les mots fonctionnels ou "Funktionswörter" (comme, par exemple, les articles déterminés "der", "die", "das") et les mots à contenus ou "Inhaltswörter" (comme, par exemple, "Buch" ou "Haus"). Le rôle des "mots fonctionnels" est surtout de lier des "mots à contenus" et ils permettent ainsi de former des unités syntaxiques comme, par exemple, "Grammatik der deutschen Sprache".
Ensuite, lorsqu'un morphème libre est attaché à un morphème lié, nous avons affaire à une flexion (Pörings et Schmitz, 1999 : 54). Il s'agit là d'un procédé morphologique consistant à pourvoir les racines (verbales, nominales, adjectivales) d'affixes ou de désignences. De cette manière, la flexion permet d'exprimer les cas, les catégories grammaticales du nombre, du genre et de la personne. Pour la langue allemande, la flexion inclut la déclinaison (flexion nominale et adjectivale) et la conjugaison (flexion verbale). La flexion relève donc des règles de grammaire et elle montre que le lexique et la grammaire peuvent être étroitement liés.
Le terme "dérivation" est polysémique puisqu'il désigne d'une part, le processus général de construction des morphèmes lexicaux et d'autre part, la réunion d'un morphème libre avec un morphème lié.