2.4. Les unités lexicales dans la phrase : la syntaxe

Dans une communication langagière, les unités lexicales n'apparaissent pas comme une entité isolée mais comme des éléments qui s'enchaînent pour former des phrases, puis un texte. Elles obéissent à des règles sous-jacentes à la structure des phrases et des conventions de combinaisons spécifiques. C'est là que se trouve un défi important à relever en didactique des langues puisqu'il convient de transmettre le savoir-faire de la construction d'une phrase correcte. La compréhension des relations existantes dans le système langagier constitue pour cela un premier pas. Nous aborderons cette organisation syntaxique des unités lexicales par une définition de la phrase et les relations pouvant exister à l'intérieur de la phrase.

En étudiant la nature de la phrase, nous pouvons dégager un certain nombre d'informations sur les unités lexicales. Le dictionnaire "Wahrig" (1991) propose, par exemple, la définition suivante :

‘"Der Satz ist ein sprachlicher, nach bestimmten Regeln aufgebauter, sinnvoller Ausdruck eines in sich abgeschlossenen Gedankens." (Wahrig, Gerhard, 1991)’

Le dictionnaire de linguistique (2001) propose une définition plus complète :

‘"Selon la grammaire traditionnelle, la phrase est une unité de sens accompagné à l'oral, par une ligne prosodique entre deux pauses et limité, à l'écrit, par les signes typographiques que sont en français la majuscule et le point. La phrase peut contenir plusieurs propositions (phrase composée et complexe). […] La phrase peut ne comporter qu'un élément qui est le thème (la phrase est alors incomplète, ou le prédicat, comme dans "Formidable !" ou le thème n'est pas évoqué; ou bien deux éléments sans verbe comme dans "Bon", "ce gâteau". (Dubois, Jean et al., 2001 : 365)’

Ces deux définitions ont en commun de mettre en avant la possibilité de construire et d'exprimer des événements complexes par rapport au monde imaginatif ou concernant les expériences du locuteur. Avec la mention des règles de construction des phrases, la première définition est plus restreinte, mais elle reflète une représentation globale des usagers natifs et des apprenants de la langue.

La deuxième définition est une description linguistique de la phrase qui fait ressortir que chaque élément linguistique entretient un rapport avec un autre élément de la phrase. Par ailleurs, les phrases complexes comportent plusieurs membres (appelés "propositions"). Ces derniers sont soit juxtaposés, soit coordonnés, soit subordonnés. En ce qui concerne le niveau conceptuel d'une phrase, Pöring et Schmitz (1999 : 82-90) définissent plusieurs modèles permettant de rendre compte des intentions variées des locuteurs. Ainsi, il est possible de distinguer différents schèmes d'événements et différents rôles d'acteurs comme, par exemple, les "schèmes d'actions, les schèmes de processus ou encore des schèmes de mouvement (Handlungsschema, Vorgangs- oder Prozeßschema, Bewegungsschema).

Comment les éléments langagiers sont-ils organisés dans la phrase ? Une phrase est composée de plusieurs unités significatives, c'est-à-dire de morphèmes lexicaux et grammaticaux qui appartiennent à différentes catégories grammaticales (verbe, nom, adjectif) et qui sont alignés d'une manière systématique (Pörings et Schmitz, 1999 : 80) :

‘"Die Syntax einer Sprache umfaßt die Anordnungsmöglichkeiten sprachlicher Elemente in Sätzen nach einer begrenzten Anzahl von Satzmutern". (Pörings et Schmitz, 1999 : 80)’

Dans cette optique, il est possible de dégager deux types de structures : une structure hiérarchique et une structure linéaire (Pörings et Schmitz, 1999 : 92-93). La structure hiérarchique montre que les composants de la phrase peuvent être organisés à plusieurs niveaux et que leur nombre varie en fonction de la complexité de la phrase. L'exemple suivant montre trois niveaux :

Figure 5 : structure hiérarchique d'une phrase (Pörings et Schmitz, 1999 : 92)
Figure 5 : structure hiérarchique d'une phrase (Pörings et Schmitz, 1999 : 92)

Dans cette structure, les différents éléments de la phrase sont en relation les uns avec les autres. Au niveau inférieur, le verbe "schenken" est, par exemple, en relation avec les groupes nominaux "Blumen" et "Petra" et ces éléments forment ensemble une phrase verbale à laquelle s'ajoute, au deuxième niveau, l'auxiliaire "möchte". Au troisième niveau, le pronom "er" est en relation avec la phrase verbale entière (Prädikatsphrase) pour former, avec lui, la phrase complète (Satz).

En outre, il est possible de distinguer les différents composants d'une phrase dans une structure linéaire. Pörings et Schmitz (1999 : 93) présentent pour cela six modèles principaux:

Figure 6 : modèle de composition de phrases (Pörings et Schmitz, 1999 : 93)
Figure 6 : modèle de composition de phrases (Pörings et Schmitz, 1999 : 93)

Dans ces modèles, nous observons plusieurs manières de combiner les unités lexicales. Tous les modèles comportent un sujet et un verbe exprimant un concept par rapport au sujet. Une phrase est "transitive" lorsqu'elle contient un objet direct, et "intransitive" lorsqu'elle comporte un objet indirect. Néanmoins, peut-on construire toutes les phrases allemandes à partir de ce modèle ? Le sujet et le verbe semblent avoir, a priori, une place fixe (première position pour le sujet et deuxième position pour le verbe). Cela correspond effectivement à une règle pour la construction des phrases "énonciatives". Or, pour les phrases de type "interrogative" ou pour les phrases "subordonnées", ce modèle n'est plus valable puisque dans ces deux cas, le verbe a une autre position que celle mentionnée par le modèle.

Par ailleurs, ce modèle peut faire croire que les unités lexicales dans la phrase sont interchangeables pourvu qu'elles appartiennent à la catégorie grammaticale évoquée. Or, tel n'est pas le cas puisqu'il convient de respecter la "valence des lexèmes". Il s'agit là d'un concept qui, à l'origine, est emprunté à la chimie. Dans cette science, la "valence" désigne le nombre de liaisons qu'un atome établit avec d'autres atomes. En linguistique, la valence est la capacité d'un lexème (verbe, nom, adjectif) de pré-structurer son environnement syntaxique en exigeant à ses co-occurrents des caractéristiques spécifiques (Bussmann, 2002 : 728). Ainsi, il existe des verbes qui sont liés à un cas spécifique comme, par exemple, "anrufen + accusatif" ou "ähneln + datif". En outre, nous observons le même phénomène pour les verbes impliquant un pronom réfléchi (par exemple, "sich [dat] etwas [acc] vorstellen"), pour les prépositions (par exemple, "mit + datif" et "gegen + accusatif") et pour les adjectifs (par exemple, "abhängig sein + von + datif"). D'autres unités lexicales doivent être accompagnées des compléments de lieu (par exemple, "in einem Haus wohnen").

Une étude plus approfondie de la valence des verbes nous amène ensuite à évoquer différents types de relations. On peut distinguer les verbes en fonction du nombre de leurs compléments (cf. entre autres, Bussmann, 2002 : 728). Il existe des lexèmes verbaux "n'exigeant aucun membre", ainsi que des lexèmes "monovalents", "divalents" et "trivalents". Les lexèmes a n'exigent aucun membre (par exemple, "schneien, donnern". Néanmoins, cette caractérisation est problématique puisque ces verbes nécessitent l'ajout de "es" qui peut être considéré comme un élément grammaticalement obligatoire. Les lexèmes verbaux monovalents prévoient au minimum un membre (par exemple, "schlafen", "träumen"). Les lexèmes verbaux divalents ont au minimum deux membres (par exemple, "jemanden suchen"). Enfin, les lexèmes verbaux trivalents comprennent au moins trois membres (par exemple, "jemandem etwas schenken", "jemandem etwas mitteilen"). Les travaux plus récents tentent à différencier davantage la classification des unités lexicales. Il s'agit de tenir compte, en plus du nombre de compléments, des caractéristiques sémantiques et grammaticales des lexèmes. Plusieurs tests ont été développés (élimination, commutation, association, ajout libre d'autres éléments), mais aucun de ces tests ne paraît, d'après Bußmann, très fiable. Ainsi, il reste encore difficile de décrire précisément la valence des verbes. En outre, le concept de valence se recoupe avec les termes plus traditionnels comme "rection" (caractéristique de verbes, adjectifs, noms et prépositions de déterminer une catégorie morphologique des éléments dépendants) ou "transitivité" (caractéristique des verbes qui nécessitent un objet direct comme "lesen", "suchen", "sehen"). Le concept de "valence" montre donc une certaine hétérogénéité qui rend utile des recherches futures dans différents domaines linguistiques comme la syntaxe, la sémantique, la pragmatique et le lexique.