2.5. La langue comme système de relations

A l'intérieur de ce système, deux types de relations majeures se manifestent sur deux axes différents : l’axe syntagmatique et l’axe paradigmatique. L'axe syntagmatique comprend l'enchaînement des unités lexicales dans une phrase; c'est une chaîne ordonnée de successions qu'un locuteur doit respecter pour se faire comprendre. Les signes linguistiques sur cet axe entretiennent des rapports de succession et "presque toutes les unités de la langue dépendent soit de ce qui les entoure que la chaîne parlée, soit des parties successives dont elles se composent elles-mêmes" Saussure (1995 : 176). A cet axe s'ajoute un deuxième axe, l'axe paradigmatique, ou "l'axe associatif" (Saussure, 1995). Il l'explique par la métaphore d'un réservoir :

‘"Notre mémoire tient en réserve tous les types de syntagmes plus ou moins complexes, de quelque espèce ou étendu qu'ils puissent être, et au moment de les employer, nous faisons intervenir les groupes associatifs pour fixer notre choix" (Saussure, 1995 : 179).’

En choisissant une unité lexicale dans les "groupes associatifs", l'énonciateur puise dans un "réservoir" ou "paradigme" contenant différentes unités lexicales échangeables. Le schéma suivant situe les deux axes par rapport au lexique d'une langue :

Figure 7 : l’opposition entre l’axe syntagmatique et l’axe paradigmatique
Figure 7 : l’opposition entre l’axe syntagmatique et l’axe paradigmatique

Au niveau de l'axe syntagmatique, les unités lexicales se situent au niveau d’une phrase comme dans l'exemple " Heute reitet Monika den schwarzen Hengst". Elles sont en co-occurrence puisqu'elles coexistent dans un même énoncé (Galisson, 1979 : 182). En outre, les co-occurrents se situent au niveau du discours puisqu'ils peuvent changer en fonction de l'énoncé produit.

L’axe paradigmatique comprend, au contraire, les unités lexicales qui se situent hors de la chaîne discursive (Galisson, 1983 : 72), c'est-à-dire au niveau de la langue. Ainsi, pour la phrase " Heute reitet Monika den schwarzen Hengst", les mots "Pony", "Doppelpony", "Hengst", "Stute" et "Wallach" détiennent des relations paradigmatiques. Galisson (1979 : 185) les appelle correlés, puisqu'ils sont en corrélation de sens et qu'ils entretiennent entre eux des rapports de parenté sémantique. Nous trouvons des correlésparmi les synonymes, les antonymes, les hyperonymes et les hyponymes. Ils possèdent un dénominateur sémantique commun et appartiennent à la même catégorie syntaxique. En outre, le correlé présent dans un énoncé peut être remplacé par les correlés absents. Dans notre exemple, on pourrait alors remplacer "Hengst" par "Wallach" tout en gardant une phrase correctement construite.

L'intérêt des paradigmes lexicaux se situe au niveau du discours : ainsi, lorsque nous cherchons le mot "correct" en écrivant un texte, il se peut que plusieurs alternatives nous viennent à l’esprit. Le "paradigme des mots" peut alors être compris comme un choix qui se présente au locuteur. De plus, c’est de l’opposition du contenu de certains mots appartenant au même paradigme que naît la prise de conscience analytique. Si, par exemple, l’un des termes formant un paradigme manque, les autres risquent d’être mal employés. Prenons le paradigme "Pferd, Esel, Maultier" : un enfant qui ne connaît pas les mots "Esel" et "Maultier", va dire "Pferd" pour les trois animaux parce qu’il ne dispose pas d'assez de mots et de concepts.