2.6. Registres de langues

Peut-on utiliser dans une communication librement les unités lexicales ayant la même signification, ou convient-il de se conformer aux conventions sociales ? Si un jeune allemand salue un supérieur hiérarchique lors d'un stage en entreprise par "hi", comme s'il rencontrait un camarade de classe, il commet une erreur de politesse. Cet exemple simple montre que dans un discours, un locuteur s'exprime différemment en fonction de la situation. Il existe des variances selon qu'il écrit ou qu'il parle et selon la personne à laquelle il s'adresse. Il emploie différentes unités lexicales dont le sens peut être similaire, mais qui appartiennent à différents "registres de langues" ou différents "niveaux de langue". Dans la littérature, les auteurs utilisent souvent ces deux termes comme des synonymes, bien que l'on puisse y trouver une légère différence. Ainsi, le terme "niveau de langue" implique une hiérarchisation des unités lexicales, alors que le terme "registre de langue" paraît plus neutre et c'est celui que nous retenons pour ce travail.

Nous distinguons quatre types de registres de langue : la langue courante, la langue soutenue (terme utilisé par Mortureux, 1997), la langue familière et l'argot. La langue courante est la langue employée habituellement par un allemand moyen. Aux deux extrêmes, sont positionnés la langue soutenue et la langue familière. En employant un registre de langue soutenue, un énonciateur utilise du vocabulaire précis et plutôt rare, proche de la langue des écrivains. La langue familière reflète en quelque sorte un écart de la norme "courante" qui permet à ses utilisateurs de manifester une solidarité avec d'autres membres d'un groupe. Ainsi, on observe, par exemple, la langue familière des jeunes. L'argot se situe dans le prolongement (extrême) de la langue familière. L'emploi des unités lexicales de ce registre par un apprenant de la langue cible peut cependant choquer les locuteurs natifs et il convient donc de sensibiliser les apprenants à l'impact que peut avoir ce registre de langue.

Bien que nous ayons essayé de préciser la nature des unités lexicales qui font partie de chacun des quatre registres de langue, leur classement dans un des quatre registres garde dans la pratique un caractère approximatif : en effet, les frontières entre les registres de langue restent floues et dépendent d'une part de l'appréciation du locuteur et d'autre part, d'une norme pragmatique qui se développe au cours de l'utilisation des unités lexicales. Comment le locuteur procède-t-il pour choisir, au cours d'une communication, le registre de langue ? Le Robert Méthodologique (1989) évoque quatre critères qui influencent le choix des unités lexicales :

Selon la relation sociale, les interlocuteurs et la situation, on peut trouver dans une communication orale ou écrite tous les registres de langue cités ci-dessus qui vont servir, à exprimer, par exemple, dans le cas de la langue "soutenue" du respect ou de la courtoisie, et dans le cas de la langue "familière", une relation d'intimité. La maîtrise des registres est "inégalement développée chez les locuteurs natifs" Mortureux (1997 : 110). Aussi convient-il de laisser à chaque locuteur une certaine liberté face à la norme qui se reflète dans son style personnel. En outre, en fonction du niveau socio-culturel d'un locuteur, celui-ci a tendance à sélectionner des unités lexicales pour son discours et à employer plus ou moins fréquemment les unités lexicales en provenance d'un autre registre.

Enfin, la fréquence d'utilisation des différents registres n'est pas la même dans les discours oraux et écrits. Pour les communications orales, le registre le plus fréquent reste le registre "courant" et pour cette raison, on associe normalement la langue orale avec un registre de langue "courant". Dans les rédactions écrites, on rencontre très souvent le registre "soutenu" et on associe donc souvent la langue écrite avec le registre de langue "soutenue". Ces différences doivent aussi être apprises par un apprenant d'une langue étrangère, et l'expérience montre qu'il est parfois très délicat de saisir les nuances qui peuvent exister entre les registres de langues.