3.1.2. Méthodes d'analyse du sens lexical

Le sens lexical peut être décrit par deux caractéristiques essentielles qui sont d'une part, le caractère décomposable des unités lexicales et d'autre part, leur caractère différentiel. Ensuite, les linguistes cherchent à analyser, comparer et distinguer les unités lexicales (ou sémèmes) par une décomposition en unités de sens (sèmes). Ils supposent pour cela qu'un signifié est constitué de différents traits.

On distingue deux approches d'analyse du signifié lexical : l'approche différentielle et l'approche référentielle. Dans l'approche différentielle, "les sémèmes sont analysés par leurs différences au sein d'une classe sémantique minimale" (Rastier, 1991 : 141). Afin de constituer cette classe minimale, il convient d'appliquer des critères stricts; le nombre et la nature des composants d'un sémème sont déterminés par le nombre et la nature des autres sémèmes que comprend sa classe de définition. Dans l'approche référentielle, les sémèmes sont analysés par leurs différences au sein d'une classe constituée par des critères d'expression (Rastier, 1991 : 141). Ainsi, il est possible de regrouper dans une même classe les sémèmes permettant d'exprimer un même objet dans la réalité comme, par exemple, "assiette". Les composants d'une classe ne sont donc pas choisis à partir d'un critère linguistique et le nombre des composants d'une classe n'est pas limité.

En outre, nous distinguons les traits contextuels et les traits inhérents à l'unité lexicale, c'est-à-dire les propriétés extrinsèques et les propriétés intrinsèques (Mortureux, 1997 : 64). Les propriétés intrinsèques désignent tout ce qui revient à un terme lui-même, ils renvoient à un savoir immédiat et non-contextuel de la part du locuteur. Il est, par exemple, possible de déterminer "hors contexte" la classe grammaticale (un terme est un "nom" ou un "verbe"). Il est également possible de décrire les caractéristiques généraux d’un concept qui est désigné par un terme "hors contexte". En effet, cette approche lexicale renvoie à la différence entre les unités lexicales. Ainsi, "dans la langue, il n'y a que des différences" (Saussure, 1995 : 166) et "chaque sémème se distingue de tout autre par au moins un sème" (Mortureux, 1995 : 71). Les propriétés extrinsèques reviennent à l'influence du contexte puisque dans un texte, chaque unité lexicale tire sa valeur de l'opposition réciproque avec les autres membres du système. Aussi, le sens d’un mot en contexte dépend à la fois de ses co-occurrents et des unités lexicales absentes dans un énoncé, mais évoquées dans un projet global. Afin de dégager les différents traits sémantiques, il existe deux méthodes d'analyse du sens lexical que nous présentons par la suite : l'analyse distributionnelle et l'analyse sémique.

L'analyse distributionnelle cherche à dégager des oppositions distinctives en étudiant les unités lexicales en fonction des critères "animés", "non animés", "humain" et "non-humain". De cette manière, il est possible de distinguer les unités lexicales "Steiftier" [- animé], "Fohlen" [+ animé, - humain] et "Kind" [+ animé, + humain]. Même si cette méthode ne permet pas d'épuiser le sens lexical, elle a "le mérite d'expliquer des intuitions, de substituer, dans un certain nombre de cas, des indications au terme de nuance que faute de mieux, on emploie autrement" (Mortueux, 1997 : 64).

L'analyse sémique constitue une comparaison des unités lexicales faisant partie d'un même champ sémantique. Son but est de dégager des traits communs d'une unité lexicale ainsi que des traits distinctifs. Cette analyse sémique proposée, entre autres, par Galisson (1970), cherche à opposer deux termes relativement proches sémantiquement afin de dégager ces différences qui eux permettent de préciser le sens lexical. Chaque unité lexicale est composée de plusieurs "traits sémantiques" qui sont aussi appelés "sèmes". Plusieurs sèmes composent un "sémème". L’analyse sémique se déroule en deux temps. On sélectionne d’abord deux termes à comparer (et qui, dans la pratique de l’apprentissage du lexique, peuvent être confondus). Galisson (1970) suggère de prendre à chaque fois les parasynonymes les plus proches parce qu’ils ont de nombreux traits communs et parce que leurs traits spécifiques entretiennent des relations de correspondance qui les rendent plus faciles à identifier. Ceci est, par exemple le cas pour "Containerschiff" et "Passagierschiff". Ensuite, il convient de décomposer chaque terme en traits sémantiques distinctifs, c’est-à-dire en sèmes : le mot "Containerschiff" peut se décomposer en "moyen de transport" plus "par mer" plus "pour les marchandises". Pour l'unité lexicale "Passagierschiff", nous obtenons les sèmes "moyen de transport", "par mer" et "pour les personnes". En reportant l’ensemble des traits distinctifs dans un tableau, on peut facilement visualiser les différences entre les deux termes. Le signe "+ " représente l'existence du trait sémantique et le signe "-" son inexistence :

  moyen de transport par mer pour marchandises pour personnes
Containerschiff + + + -
Passagierschiff + + - +

Une comparaison des signes "+" et "-" dans le tableau permet de dégager les sèmes génériques et spécifiques à une unité lexicale. Le trait sémantique existant pour tous les termes constitue le sème générique et il est commun à l'ensemble des unités lexicales du champ sémantique. Les traits sémantiques qui sont valables uniquement pour certaines unités lexicales sont, au contraire, des sèmes spécifiques servant à distinguer les unités lexicales du champ sémantique.