Dans l'enseignement des langues étrangères, les enseignants demandent aux apprenants d'une part, de savoir formuler des règles et d'autre part, de savoir s'exprimer à l'oral ou à l'écrit. La contribution de la mémoire est ici double : la récitation des règles (par exemple, les tableaux de déclinaison) fait appel aux connaissances déclaratives, alors que l'application des règles, c'est-à-dire la déclinaison des unités lexicales au cours d'un travail de production langagière, demande la maîtrise des connaissances procédurales.
La mémoire déclarative est chargée, tout en gardant une grande flexibilité et une capacité d'adaptation à des situations variées, du rappel conscient de différents faits et événements. Ce sont des connaissances explicites. Parmi les connaissances déclaratives, nous distinguons les informations enregistrées dans la mémoire à court terme, les connaissances sémantiques et finalement les connaissances épisodiques. Nous avons déjà mentionné que la "mémoire à court terme" ou "mémoire de travail" assume un rôle de sélection des informations. Celles jugées inutiles sont détruites aussitôt, les autres restent disponibles pour un traitement plus approfondi. La "mémoire sémantique" rassemble l’ensemble des données de la construction du monde réel. Eustache (1996 : 132) propose de la définir comme une "représentation interne des expériences que nous avons fait par rapport aux états du monde". C’est tout ce que nous savons en ayant oublié comment nous l’avons appris. Par rapport au lexique d’une langue, la mémoire sémantique est constituée des significations des unités lexicales, ainsi que de la génération d'informations par rapport au concept mental d'un mot dans un contexte donné. A l’opposé, la "mémoire épisodique" enregistre la chronologie des événements de la vie. Le souvenir est daté à partir des indices fournis par le contexte spatio-temporel.
La mémoire non déclarative rassemble d'une manière implicite ou inconsciente différentes formes de mémoires qui dépendent de systèmes cérébraux multiples. Une partie de ces systèmes concerne l'aspect procédural, c'est-à-dire l'acquisition d'habiletés de type motrice, percepto-motrice et cognitives. D'un point de vue neuro-pychologique, cette "mémoire procédurale" permet de retenir des connexions entre les stimuli et les réponses et de répondre d'une façon adaptée à notre environnement. Elle se développe en accumulant des expériences (Eustache, 1996) et à chaque fois qu'une information lexicale est activée, cette activation dévient plus rapide.
En fonction du contrôle exercé par le sujet, nous distinguons deux processus différents : les processus contrôlés et les processus automatisés. Un processus contrôlé a lieu, par exemple, quand une personne cherche un mot précis dans un texte. Il se déroule souvent consciemment et sous le contrôle du sujet. Néanmoins, un processus contrôlé "n'implique pas obligatoirement un processus conscient" (Shiffrin et Schneider, dans : Bogaards, 1988 : 28). Lors de la recherche contrôlée, les nœuds (permettant, d'un point de vue bio-chimique, un passage des informations) ne forment que temporairement une séquence et chaque séquence demande l'attention spéciale de l'individu. Par ce fait, ce processus est très souple puisque les connexions peuvent être modifiées. Néanmoins, dans la mesure où la mémoire de travail a une capacité limitée, l'individu ne peut contrôler qu'une séquence à la fois. Cela explique pourquoi la réaction des sujets est moins rapide que lors du déroulement des processus automatisés. Le processus contrôlé est freiné quand un domaine cognitif a été activé d'une manière incorrecte ou quand l’attention de l'apprenant est orientée autrement. Ainsi, l'utilisation des processus contrôlés demande une certaine concentration de l'apprenant.
Les processus automatisés ne sont pas influencés consciemment. Ils interviennent lors de l'activation des neurones et ils concernent l'ensemble des connaissances lexicales (Shiffrin et Schneider, dans : Bogaards, 1988 : 27). Les processus automatisés sont assez rapides et permettent donc l'accomplissement d'un grand nombre de tâches en peu de temps. Une particularité est leur acquisition par des activités d'entraînement (Seitz, dans : Eustache, 1996 : 162). Ainsi, un apprenant qui a reçu un entraînement pour un certain type de tâche (par exemple, chercher la terminaison d'un adjectif), est capable de l'exécuter par la suite sans y prêter une attention particulière. Il peut même "anticiper sur ce qui va suivre et d'en tenir compte dans l'exécution de la tâche" (Bogaards, 1988 : 27). Néanmoins, il semble y avoir des différences entre l'utilisation des connaissances en langue maternelle et en langue cible. Une étude entreprise par Laughlin (dans : Jisa, 1994 : 31) concernant la rapidité de reconnaissance de la signification de mots en langue étrangère, a fait apparaître que l'accès à un lien en langue cible s'automatise comme pour la langue maternelle sans que l'individu puisse atteindre le même niveau d'automaticité. Une fois appris, il est ensuite difficile de supprimer ou de changer un processus automatisé. Ce fait permettrait d'expliquer pourquoi il est souvent plus difficile de désapprendre une information lexicale que de l'apprendre. Le didacticien doit en tenir compte pour les actions pédagogiques qui visent à corriger les erreurs.
L'apprentissage langagier met à contribution aussi bien des processus contrôlés que des processus automatiques. De plus, l'intervention d'un processus contrôlé semble être fondamental pour le développement du processus automatisé : Shiffrin et Schneider (dans : Bogaards, 1988 : 29) affirment que l'apprentissage a lieu grâce à un processus contrôlé. Dans un premier temps, le processus contrôlé demanderait une attention toute particulière de l'individu. Par la suite il se transforme, "grâce à l'entraînement", en processus automatisé" (Bogaards, 1988 : 29). Ainsi, une activité de construction des formes graphiques ou sonores des unités lexicales peut commencer par un processus contrôlé. Au cours de l'entraînement à la recherche de la terminaison correcte, le sujet se souvient de plus en plus vite des règles. Ensuite, ce cheminement devient de plus en plus "voilé" jusqu'à ce que l'apprenant ne s'en rende plus compte et que l'application devienne finalement un processus automatisé. Sur le plan didactique, le développement des processus automatisés soulève la question si la théorie des béhavioristes (qui est actuellement souvent rejetée par les didacticiens comme étant "démodée") peut comporter des éléments nécessaires à l'apprentissage langagier. Ainsi, la répétition pendant les exercices de "drill" peut jouer en faveur de l'augmentation des connaissances procédurales.
Par ailleurs, les connaissances procédurales participent activement à une réorganisation permanente des connaissances lexicales. A cet effet, on note la contribution des habiletés motrices, perceptivo-motrices et cognitives. Leur importance devient claire lorsque nous comparons les performances d'un adulte en matière de mémorisation des informations lexicales avec celles d'un enfant. Un adulte possédant des capacités cognitives bien développées (comme la capacité d'organisation et de distinction), connaît des facilités relatives au niveau de la mémoire procédurale. Par rapport au comportement des enfants qui sont souvent considérés comme des "génies" dans l'acquisition des langues étrangères, il fait preuve d'une plus grande rapidité de mémorisation grâce à un meilleur développement des capacités cognitives. En outre, il convient de tenir compte d'une caractéristique spécifique de l'intelligence humaine : elle est structurante et tout sujet doit faire un effort de réflexion intellectuelle (qu'il va oublier par la suite) pour organiser une activité nouvelle. Il utilise à ce sujet un schéma moteur qui restructure la totalité de son comportement en fonction d'une nouvelle acquisition.
Un autre processus intervenant pendant le rappel des informations lexicales est l'amorçage. Cambier et Verstichel (1998 : 124) le définissent comme "facilitation de la détection ou du traitement d’un objet soumis à la perception par une expérience récente relative à cet objet". Comme les processus automatisés, le processus d'amorçage est généralement invisible et échappe au contrôle du sujet. Dans une forme spécifique de lapsus, nous pouvons cependant le pressentir : lorsqu'un élève, lisant à haute voix, prononce un mot qui ne se trouve pas dans le texte. Pendant la lecture des premières lettres de ce mot, la mémoire active plusieurs formes phonétiques et, par manque d'attention et en raison de l'intervention du processus d'amorçage, il se peut que le sujet sélectionne une forme phonétique qui ne corresponde pas à l'unité lexicale lue dans le texte. Ainsi, dans les activités perceptives, le processus d'amorçage intervient comme identificateur de la forme auditive ou visuelle des unités lexicales, d’une figure complexe ou encore lors de la reconnaissance des visages. Il permet l’identification visuelle d’une unité lexicale à partir des trois premières lettres, l’identification d’une forme complète à partir d’une figure dégradée ou encore l'identification d'une unité lexicale à partir d'une image. Dans le domaine sémantique, l’amorçage peut influencer le choix d’une unité lexicale et exercer même un effet dans une modalité autre que celle qui a été initialement sollicitée.
Pour la conception des supports pédagogiques, il est possible de prévoir des processus d'amorçage pour la rapidité de reconnaissance des unités lexicales. En y intégrant des identificateurs (images, son), on peut faciliter leur reconnaissance lexicale. En contrepartie, il convient d'éviter une perturbation de l'apprenant par des stimuli contradictoires.
Enfin, l'amorçage perceptif peut être opposé au conditionnement classique 4 , c'est-à-dire au processus visant le développement progressif d'une certaine réaction du sujet face à un stimulus qui est présenté à plusieurs reprises. Pour l'apprentissage lexical, les deux processus peuvent être utilisés en fonction du type de réaction visée, sans pour autant "exagérer" le recours au conditionnement classique. En effet, d'après les résultats de la psychologie cognitive (Legros et Crinon, 2002), les compétences entraînées sont difficilement transférables lors d'une situation de communication. Néanmoins, nous estimons que l'apprenant a besoin de développer des automatismes de base pour, par exemple, pouvoir correctement construire dans une communication une forme graphique ou phonétique d'une unité lexicale.
Le terme de conditionnement classique fait référence aux expériences qui ont été réalisées dans le domaine de la biologie par Skinner. On a constaté que l'on pouvait provoquer une certaine réaction chez l'animal en lui présentant à plusieurs reprises un même stimulus. Si on associait le stimulus de la présentation de nourriture avec un autre stimulus, par exemple, le son d'une cloche, pendant que l'on présentait quelque chose à manger à l'animal, on pouvait obtenir la même réaction qui a été provoquée par la présentation de la nourriture par le son de la cloche.