2.2. La profondeur de traitement

Une variable importante pour la didactique des langues est le concept de la profondeur du traitement que l'on trouve dans des activités de réflexion et de résolution de problèmes. A ce sujet se pose la question de l'intensité d'une activité cognitive. Peut-on effectivement obtenir de meilleurs résultats chez les apprenants s'ils sont amenés à réfléchir sur l'organisation lexicale et les mécanismes sous-jacents à la construction d'une unité lexicale ? Ou faudrait-il plutôt compter sur les processus inconscients qui se déroulent plus rapidement ? Craik et Lockhard (1972) s’opposent à la théorie des mémoires multiples selon laquelle on distingue la mémoire à court terme et la mémoire à long terme 6 . Ils voient la rétention / l’enregistrement des mots dans la mémoire avant tout comme un effet de la compréhension des mots. Les différents stocks de mémoire sont remplacés par des processus de traitement agissant à des niveaux différents. Ainsi, la présentation d’un mot déclenche une suite de processus d’analyse qu’on peut placer, en fonction de la profondeur du traitement, sur un continuum. Globalement, on peut distinguer cependant deux niveaux d’analyse : un niveau sensoriel avec l’analyse graphique et l’analyse phonologique, ainsi qu'un niveau sémantique qui traite les informations sémantiques.

Figure 10 : deux niveaux d’analyse des informations lexicales
niveau concerné  analyse concernée  mémoire concernée 
niveau sensoriel l’analyse graphologique
l’analyse phonologique
mémoire à court terme ou mémoire de travail
niveau sémantique   mémoire à long terme

Le temps de rétention des informations lexicales semble dépendre d'une part, du niveau de traitement concerné et d'autre part, de la profondeur de traitement : les produits des processus de traitement graphologique et phonologique restent disponibles moins longtemps que les résultats de traitement des processus sémantiques. En outre, la qualité de rétention des informations augmente avec la profondeur du traitement (Craik et Lockhard, 1972) : plus un traitement sémantique est élaboré, plus il est favorable à la rétention des informations. Les résultats des expériences menées par Cambier et Verstichel (1998 : 119) vont dans le même sens. En effet, ils postulent que "plus une expérience a été intensément vécue, plus le travail sur l’information a été approfondi, renouvelé et diversifié, plus le souvenir a des chances de rester accessible de façon durable et d’être rappelé en temps utile."

Les résultats des recherches citées permettent alors de préconiser une réflexion approfondie par rapport au fonctionnement lexical afin de rendre probable une rétention des informations lexicales à long terme. Afin de favoriser des traitements intensément vécus (et donc d'une manière plus profonde), il semble de plus être favorable d'utiliser sur les supports pédagogiques des couleurs vives ou des contenus bizarres et de faire appel à l'émotion (Sperber, 1989 : 80-82).

Notes
6.

D'après cette théorie, un mot arrive d’abord dans un registre sensoriel où il reste très peu de temps pour pouvoir être identifié. Le mot est ensuite conduit dans la mémoire à court terme et recodé dans une forme phonologique. Par un processus de répétition, le mot peut arriver finalement dans la mémoire à long terme où il est transféré en un code sémantique.