3.1. Catégorisation cognitive

L’opération mentale de catégorisation intervient dans toutes les activités de perception et de pensée. Elle consiste à mettre de l’ordre, à faire un partage en classes et à ranger ensemble des choses différentes. Nous pouvons la caractériser à travers des définitions proposées par Piaget, Rosch ainsi que par Börner et Vogel.

Pour Piaget (1998), la catégorisation des objets du monde réel a lieu par une perception progressive des propriétés des objets et par leur intégration dans un filet de relations logiques. Il estime qu'un système de classes est "maîtrisé par un sujet quand celui-ci peut distinguer et coordonner en compréhension et en extension des classes impliquées" (dans : Dubois, 1991 : 56). La catégorisation logique (développée par Piaget dans son ouvrage "La genèse des structures logiques élémentaires") nécessite alors un certain niveau d’élaboration qui se développe progressivement au cours de l’enfance.

Cette approche constructiviste a été critiquée par la suite à cause du critère de la quantification de l’inclusion par des questions du type "… y a-t-il plus de marguerites ou de fleurs ?" puisque la formalisation logique (par la coordination de la compréhension et l’extension de la classe de marguerites vers la classe de fleurs) n’a pas permis d’expliquer les réponses contradictoires à propos de l’inclusion.

Rosch (1978) postule que les processus perceptifs humains peuvent repérer des discontinuités, des corrélations et des similitudes de formes. Elle suppose également que la mémoire humaine les représente dans une organisation catégorielle. Les principes de catégorisation postulés par Rosch (dans : Dubois, 1991) conduisent à un éclatement du concept classique de structuration des connaissances par une "abstraction". A leur base se situent deux processus élémentaires et antagonistes, c’est-à-dire la généralisation (en négligeant les différences sur la base de la ressemblance) et la discrimination qui s’appliquent sur le plan perceptif, moteur, comportemental et symbolique. Une autre différence par rapport au modèle piagétien réside dans la finalité d’adaptation cognitive, alors que Piaget postule une nécessaire évolution vers la rationalité. Ainsi, pour Rosch (dans : Dubois, 1991 : 33), le but de la catégorisation est la structuration du monde perçu : il s'agit de "fournir le maximum d’informations pour le moindre effort cognitif". Chaque individu range les informations qu'il perçoit à travers un filtre personnel, dans un système cognitif qui lui est propre, en tenant compte du degré de familiarité avec un objet dans le monde réel correspondant à une unité lexicale. Ainsi, la catégorisation vise une organisation des informations sur la base d'une distinction de traits sémantiques et d'un rangement par catégorie.

Quant à Börner et Vogel (1997 : 2), ils supposent que l'activité de catégorisation se base sur trois principes généraux : la capacité de l'apprenant à percevoir des caractéristiques invariables, la capacité à organiser des classes d'objets dans des séquences hiérarchiques et celle de relier les différents concepts à la structure d'un objet. Ces activités cognitives sont exercées aussi bien en langue maternelle qu'en langue cible, mais d'un sujet à l'autre, elles varient dans leur vitesse et leur efficacité. Afin de mieux comprendre l'approche de cette organisation cognitive par classes, nous proposons une présentation de l'évolution de différents modèles que nous commenterons par la suite.