3.2. Les associations artificielles

Les associations artificielles peuvent être utiles lorsque les éléments lexicaux à apprendre ne permettent pas de recourir à une intégration logique dans la base de connaissance existante. Comme le montre Saussure (1995) dans ses explications par rapport à "l'arbitraire du signe", il existe dans une langue des associations arbitraires qu'il convient d'apprendre, comme par exemple, la réunion "d'une forme graphique ou phonologique" avec "un concept mental". Il en est de même pour les co-occurrents dont l'emploi n'obéit pas toujours à une règle généralisable. Il convient de les apprendre par le biais des associations artificielles qui sont complémentaires à la catégorisation.

Une technique d'apprentissage utilisant les associations artificielles, est la mnémotechnique. Cette pratique remonte à l'antiquité; aussi bien Aristote que Ciceron utilisaient une technique de chaînes d'associations (Sperber, 1989 : 15) pour retenir leurs discours. Ainsi, Ciceron semble avoir imaginé le tour imaginaire de sa maison : l'introduction était probablement associée à la porte d'entrée, le premier paragraphe au hall et la suite du discours aux différents meubles ou pièces de sa maison. Cette technique est connue aujourd'hui sous le nom de "Loci-Technik" (Sperber, 1989 : 30). D'autres techniques se basent sur la création d'un lien associatif à l'aide des images interactives (lorsqu'il convient, par exemple, de retenir les unités lexicales "Zahnbürste" et "Blume", il est possible d'imaginer une fleur dont la tige ressemble à une brosse à dent). Une autre possibilité est la technique des histoires : pour le même exemple "Zahnbürste" et "Blume", il est possible d'imaginer sa sœur qui vient d'acheter une brosse à dent et qui reçoit, en guise de remerciement, une fleur. En rapportant les résultats d'une enquête menée auprès d'enseignants de langues du monde entier, l'ouvrage de Sperber (1989) présente un grand nombre de mnémotechniques pour l'apprentissage de l'allemand. Dans la plupart des exemples cités dans cet ouvrage, l'essentiel des associations artificielles consiste à associer un élément à retenir avec une image mentale. Afin de rendre les mnémotechniques les plus efficaces possible, Sperber (1989 : 80) recommande d'utiliser des images intéressantes. Il postule aussi que plus l'image est vivante, amusante et attractive, plus elle soutiendra le processus d'association.

Le succès de cette technique peut être expliqué d'une part, par les mécanismes décrits par Paivio (1971 : 7) dans sa "dual coding theory" et d'autre part, par les principes évoqués par la théorie "Gestalt", c'est-à-dire la création de groupements pour les éléments qui se ressemblent. La création des liens associatifs nécessite cependant un certain entraînement par répétition pendant lequel se développent des connaissances procédurales. Plus la relation entre les deux éléments sera répétée, plus la mémoire gagne en connaissances procédurales, permettant une activation de plus en plus rapide de l'information lexicale associée. Néanmoins, l'emploi des associations artificielles demande une certaine créativité pour trouver l'image qui pourrait être associée d'une manière pertinente à une information lexicale.