Le travail de l'enseignant s'est développé depuis les quatre dernières décennies et nous notons l'influence de différentes approches théoriques, dont le béhaviorisme et le constructivisme. Ces deux approches ont apporté des idées significatives pour les supports de travail lexical que nous analyserons pas la suite. Nous mentionnerons également quelques théoriciens importants qui ont contribué à faire avancer la réflexion en matière de didactique des langues et dont les concepts se prêtent à expliquer les processus psychiques intervenant dans les situations d'apprentissage avec les TIC.
L'approche béhavioriste se base sur la théorie de l'imitation et les expériences biologiques comme celles entreprises par Skinner, Thorndikes et Pawlow 8 . L'apprentissage est conçu avant tout comme une réaction systématique face à un stimulus extérieur. Il s'agit d'obtenir une certaine réponse à partir d'un "stimulus" donné. Un piler important est pour cela l'apport d'un renforcement positif pour les bonnes réponses. C’est grâce à lui que le processus d’apprentissage est soutenu. La probabilité d'une action augmente après une récompense et la répétition d'une même action provoque une intensification des conséquences. Les résultats des observations des béhavioristes ont été ensuite transposés sur l'acquisition des langues étrangères en milieu institutionnel. Là, ils ont servi pour la création d'exercices spécifiques. Un type d'exercice est le "drill" qui se caractérise par une demande de reproduction des énoncés présentés auparavant dans un modèle.
L'approche béhavioriste n'est pas restée sans critique puisqu'en privilégiant l'observation du résultat, le traitement cognitif permettant de trouver la bonne réponse n'est pas pris en compte. Comme il restait inexpliqué, il a été représenté par une "boîte noire" dont le contenu est inconnu. L'ignorance des processus de traitement devait forcément falsifier les conclusions didactiques. Elle a même provoqué une "confusion grave entre la notion d'information et celle de connaissance" (D. Legros, (2002 : 26).
Avec l'émergence de l'approche constructiviste et les travaux des théoriciens importants comme Piaget (1998), Bruner (1983) ou encore Vygotsky (1985), la situation a changé sans pour autant donner lieu à des inventions complètement nouvelles. En effet, les idées de base sont anciennes : l'idée duconstructivismeremonte à la philosophie kantienne qui confère aux connaissances un statut subjectif puisqu'elles sont le résultat des expériences du monde de chaque individu. De la même façon, le constructivisme s'appuie sur l'idée que la réalité du monde se construit chez le sujet à partir de son activité perceptive. Aussi, la construction des connaissances nouvelles a lieu dans des contextes de la vie réelle ayant servi de base à la construction des connaissances antérieures. C'est donc, comme le formule Piaget, un des pères fondateurs de cette théorie, un ensemble de processus "d'assimilation" des informations nouvelles aux schémas anciennes. Par opposition aux béhavioristes, les cognitivistes s'intéressent aux processus cognitifs et à la représentation des connaissances. Même si le traitement cognitif par la mémoire reste toujours difficilement explicable par des modèles, l'approche cognitiviste paraît proche du fonctionnement réel de l'apprentissage langagier. Ainsi, elle ouvre des perspectives intéressantes pour des idées didactiques.
Enfin, deux théories développées par Bruner et Vygotski par rapport au concept de "l'étayage" et concernant la "zone proximale de développement" permettent de mieux cerner les conditions d'apprentissage dans un paradigme constructiviste : la conception de l'apprentissage de Jérôme Bruner est issue de la conception piagétienne (Perraudeau, 1996 : 39). En effet, les deux chercheurs postulent qu'un concept ne peut se former autrement que par construction. L'apport de Bruner est ensuite que la construction des connaissances s'effectue en interaction entre les individus. Le concept de "l'étayage" où l'adulte intervient pour réduire la difficulté intellectuelle pour l'enfant est le résultat de cette réflexion :
‘"[Scaffolding] refers to the steps taken to reduce the degrees of freedom in carrying out same task so that the child can concentrate on the difficult skill she is in the process of acquiring." (Bruner, dans : Réseau, 2001 : 61)’Bruner (1983) emploie le terme "étayage" pour décrire le comportement des parents par rapport à leur enfant qui acquiert sa langue maternelle. Les parents incitent l’enfant à parler, lui posent des questions et terminent éventuellement pour lui une phrase que l’enfant n’a pas su dire en entière. Ils lui donnent aussi des mots qui lui manquent lorsqu’il veut exprimer quelque chose. Ainsi, le concept "d'étayage" met l'accent sur la réduction active d'une difficulté cognitive par le médiateur. Transposé dans le domaine didactique, il est important que l'enseignant connaisse le développement cognitif de l'apprenant, ainsi que la structure conceptuelle des connaissances qui sont au cœur de la situation d'apprentissage. Ainsi, il peut adopter un comportement d'étayage facilitant pour l'apprenant le processus d'apprentissage. Cela peut être réalisé en définissant une relation de "tutorat" entre l'apprenant et celui qui maîtrise les connaissances (l'enseignant) ou en organisant une interaction entre deux personnes de compétences complémentaires.
Vygotski (dans Bruner, 1983 : 287) postule qu'un enfant peut se livrer à un travail autonome en résolvant des difficultés intellectuelles, s'il se situe, avec la collaboration de l'adulte, dans une zone de développement qui se trouve juste au-dessus du stade précédent. Transposé sur la situation d'un apprenant, il faudrait que le médiateur puisse créer des conditions d'apprentissage qui correspondent à cette "zone proximale de développement" de l'apprenant. Pour obtenir, dans une approche socio-culturelle, une co-construction des connaissances, il convient de plus de développer l'interaction sociale et le partenariat entre les élèves cognitivement proches.
Quelle est maintenant l'influence des théories citées ci-dessus sur la conception du rôle de l'enseignant ? Dans une approche béhavioriste, le travail de l'enseignant est réduit à une analyse des réponses des apprenants et une déduction des habiletés qui les produisent. Elle ne permet pas de proposer à l'apprenant des activités qui lui permettent d'intervenir dans la construction de son interlangue. Dans une approche constructiviste, l'activité de l'enseignant consiste, au contraire, à apporter de l'aide pour la construction des connaissances et non, comme le revendiquent les béhavioristes, à transmettre des connaissances. Ainsi, l'apprentissage constructiviste se caractérise par cinq principes fondamentaux (D. Legros, 2002 : 36) : l'apprentissage est cumulatif puisque les sujets construisent leurs connaissances sur la base des acquis. L'apprentissage est autorégulé parce que les sujets prennent le contrôle de leur propres activités. L'apprentissage et orienté vers un but défini par l'élève. L'apprentissage est situé parce que les situations d'apprentissage sont ancrées dans des contextes de la vie sociale. Enfin, l'apprentissage est collaboratif puisqu'il se produit à travers des interactions.
Une expérience connue en matière de conditionnement est celle d'un chien qui entend à plusieurs reprises une cloche juste au moment où son repas lui est servi. Il finit par associer le son de la cloche avec le repas, et lorsqu'il entend, à la fin de la période de l'expérience, le son de la cloche, il secrète de la salive dans sa bouche sans que le repas lui ait été présenté.