1.4. Motivation de l'apprenant

L'apprentissage d'une nouvelle langue est une tâche "laborieuse" nécessitant le développement d'une réelle compétence. Ainsi, la motivation des apprenants est un problème éternel pour les professeurs de langues. De nombreuses théories sur la motivation distinguent la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque. La motivation intrinsèque vient de l'intérieur de l'apprenant et le pousse à faire un effort. Brink (1997) évoque, en se basant sur les travaux de Malone/Lepper (1987), différents facteurs internes : le défi, la curiosité, la possibilité d'exercer un contrôle ou une influence sur quelque chose, la fantaisie, la coopération, la compétition et la reconnaissance. La motivation extrinsèque a plutôt une valeur fonctionnelle : l'apprenant estime alors, par exemple, qu'un travail lexical est utile parce qu'il pourra utiliser ses connaissances langagières à un moment ultérieur ou parce que ces connaissances lui procurent des avantages. D'un point de vue psychologique, la motivation représente un ensemble de processus psychologiques qui vont générer et contrôler les activités humaines (Brink, 1997 : 56). Bogaards (1988) la définit par "tendance spécifique" qui peut être plus ou moins forte. Elle est également une variable qui incite l'apprenant à faire un effort et qui se distingue de l'attitude et l'aptitude.

En synthétisant les travaux au sujet de la motivation, il est possible de dégager trois domaines d'influences majeures : les croyances, les expériences affectives et l'état émotionnel momentané. Ils vont jouer, à travers l'attitude, sur la motivation et l'aptitude, sur la perception du sujet et sur le traitement cognitif des informations langagières :

Figure 1 : influences sur la motivation et les conséquences sur la perception et le traitement cognitif
Figure 1 : influences sur la motivation et les conséquences sur la perception et le traitement cognitif

Les attitudes sont "des sentiments et des appréciations à propos de l'objet X" (Bogaards, 1988 : 49). Elles sont formées par des croyances et d'après Krashen (1988), elles sont plutôt liées à l'apprentissage inconscient. L'attitude et la motivation présentent donc des ressemblances puisqu'elles influencent toutes les deux le comportement de l'apprenant en poussant le sujet vers l'action d'apprentissage. Ensuite, notons les différences suivantes : la motivation en tant que tendance peut varier entre 0 (absence totale) et 1 (présence maximale) et elle tend nécessairement vers un but (Bogaards, 1988 : 51). L'attitude se caractérise, au contraire, par un jugement. Au lieu de varier sur un continuum, elle est polarisée positive ou négative. Le but sélectionné par l'apprenant portera la marque de l'attitude. Ainsi, l'intensité de la motivation est influencée par l'intensité de l'attitude. L'aptitude, c'est-à-direla dispositionnaturelle pour faire quelque chose est directement liée à un apprentissage conscient (Krashen, 1988). Onpeutdistinguer trois composantes essentielles pour l'aptitude (Caroll, dans : Schwarze et Wunderlich, 1985 : 338) : l'habileté phonétique pour enregistrer des sons dans la mémoire, la sensibilité grammaticale qui montre la conscience pour la syntaxe des phrases et habileté inductive qui permet de déduire des règles grammaticales et sémantiques de la langue cible.

Les croyances comprennent ici toutes les informations dont dispose l'apprenant par rapport à la langue cible et son apprentissage. Ces informations peuvent être objectivement vraies ou n'être qu'une opinion personnelle ou un stéréotype. Des croyances positives vont générer une attitude positive concernant l'apprentissage de la langue étrangère alors que les croyances négatives produisent l'effet contraire. En outre, nous distinguons deux types de croyances : premièrement, il convient de considérer les croyances qui relèvent du domaine social et celles qui ont un rapport avec l'utilité de la langue étrangère dans une situation ultérieure. Ainsi, une croyance sociale positive reflète le désir du sujet de s'intégrer dans une communautélinguistique. Une croyance peut également avoir un effet négatif lorsque la langue cible connaît une dévalorisation sociale (Hamers et Blanc, 1983 : 102) : l'apprentissage de l'arabe a, par exemple, en France une valeur différente de celle de l'allemand. Deuxièmement, les croyances peuvent être influencées par l'utilité de la langue cible ce qui est, d'une manière générale, le cas des étudiants à l'université. Gardner et Lambert (dans : Bogaards, 1988 : 58) parlent alors d'une motivation instrumentale.

Les expériences affectives que l'apprenant a connu en rapport avec la langue cible constituent également un facteur important. Il s'agit ici des réactions affectives en provenance de l'environnement social du sujet et nous distinguons le succès et l'échec. Bogaards (1988 : 55) remarque à ce sujet :

‘"Aucun enseignant expérimenté n'ignore … qu'une bonne motivation peut aussi être le résultat de succès antérieurs, et qu'un individu hautement motivé peut être découragé par des échecs successifs." (Bogaards, 1988 : 55)’

Ainsi, un succès personnel va se traduire probablement par une augmentation de la motivation et un échec va plutôt diminuer la motivation de l'apprenant.

L'état émotionnel momentané constitue aussi bien les émotions positives (le plaisir, l'espoir, l'intérêt, le soulagement, la fierté, le fait d'être content) que les émotions négatives (la peur, le désespoir, le mécontentement, l'ennui). Les émotions contribuent d'une manière décisive sur la motivation d'un apprenant dans une situation d'apprentissage spécifique (Gläser-Zikuda, 2001 : 41). Un apprenant angoissé devant un examen peut donc être très motivé pour apprendre les notions sur lesquelles porte cet examen. En se référant aux travaux de Pekrun (1998), Gläser-Zikuda (2001 : 40) distingue des émotions qui engagent une activité de l'apprenant et celles qui produisent l'effet contraire :

‘"Da davon auszugehen ist, daß Emotionen einen tiefgreifenden Einfluß auf Lernen und Leistung haben, deshalb ist es theoretisch von Vorteil, Emotionen nach dem implizierten Grad an Aktivation und ihrem Tätigkeitsbezug zu differenzieren. Pekrun schlägt vor, zwischen aktivierenden Emotionen (z.B. Lernfreude, Angst, Ärger) und desaktivierenden Emotionen (z.B. Langeweile oder Hoffnungslosigkeit) zu unterscheiden." (Gläser-Zikuda, 2001 : 40)’

L’émotion agit sur l’intensité et la rapidité et la profondeur du traitement cognitif des informations lexicales. Une signification affective peut influencer la rapidité du traitement cognitif de la signification d'une unité lexicale (Schwarze et Wunderlich, 1985 : 339). Ainsi, les mots désagréables sont reconnus moins vite que les mots agréables. Le traitement de la signification cognitive des mots émotionellement positifs est accéléré, alors que le traitement cognitif des mots émotionellement négatifs est ralenti. Cela peut être expliqué par le fait qu’une signification agréable déclenche une excitation générale et que cela influence l’intensité de la réaction. Il semble alors que les contenus agréables agissent sur l’état affectif et qu'ils soient traités plus profondément et mieux retenu. Le contraire se passe pour les contenus désagréables.

Enfin, Schwarze et Wunderlich (1985 : 340) postulent que les émotions provoquent une analyse cognitive profonde

‘"Emotionen haben offenbar zur Folge, daß bestimmte ihnen korrespondierende Inhalte genauer bzw. tiefer analysiert werden und besser behalten werden ." (Schwarze et Wunderlich, 1985 : 340)’

En fonction de l'intensité de l'émotion, le concept correspondant à une unité lexicale est alors plus ou moins bien analysé et mémorisé. Par ailleurs, Schiefele (dans : Brink, 1997 : 62) a trouvé une relation entre l'intérêt que portaient des apprenants au cours d'une expérience pour un sujet et la profondeur du traitement cognitif. Ainsi, plus une personne montre de l'intérêt à un sujet, plus le traitement cognitif est profond. Schiefele explique ce phénomène par le choix des stratégies d'apprentissage : les personnes intéressées par un sujet auraient essentiellement utilisé des stratégies d'élaboration et de recherche, alors que les personnes moins intéressées auraient davantage eu recours aux stratégies d'apprentissage par cœur, assez éloignées d'un traitement cognitif profond.