2.1. Acquisition du sens en langue seconde

Une unité lexicale a uniquement un intérêt lorsqu'elle signifie quelque chose et que le sujet parvient à lui attribuer un sens. Mais comment l’apprenant acquiert-il le sens d'une unité lexicale nouvelle ? Lorsque l'on apprend une unité lexicale en langue étrangère, il convient d'associer, comme en langue maternelle, la forme acoustique et graphique avec le contenu sémantique. Dans une majorité de cas, l'apprenant découvre d'abord le signifiant (par exemple, dans un texte). Ensuite, il doit construire le signifié ou le lier avec un concept mental existant. Dans une deuxième possibilité, l'apprenant prend connaissance du signifié (à l'aide d'une explication) et il découvre ensuite le signifiant.

En ce qui concerne la construction de la signification d'une unité lexicale, nous pouvons distinguer trois cas : si le concept mental n’existe pas,la création d’un nouveau concept mental devient nécessaire. Cela est le cas lorsque, pour des raisons culturelles, l'apprenant n'a pas encore été en contact avec lui. Lorsque le concept existe en partie (au cas où la langue seconde "découpe la réalité" d’une autre manière que la langue maternelle de l’apprenant), il peut être nécessaire d'ajuster le concept mental pour la langue cible. Enfin, si le concept existe déjà en langue maternelle, le sujet peut s'en servir pour la langue seconde et établir, comme le formule I.H. Ijjaz (dans : Bogaards, 1994), une "hypothèse d'équivalence sémantique". L'apprenant suppose alors que le concept mental à acquérir correspond à celui construit pour la langue maternelle. Le schéma suivant montre les différentes possibilités sur un continuum :

Figure 2 : liens lexicaux et conceptuels entre deux langues dans le lexique mental 
Figure 2 : liens lexicaux et conceptuels entre deux langues dans le lexique mental 

Nous distinguons trois types de concepts : les concepts qui sont valables pour la langue maternelle, les concepts qui sont valables aussi bien pour la langue maternelle que pour la langue étrangère et les concepts qui sont valables uniquement pour la langue seconde.

Par rapport à la création d'un lien cognitif entre les formes acoustiques et graphiques avec le concept mental, nous distinguons deux types de liens différents : les liens indirects crées par la traduction en langue maternelle et la création de liens directs obtenus par une association entre le concept mental et le signifiant. Pendant la traduction, la langue maternelle sert d’aiguilleur vers le concept mental correspondant. Cette méthode a l'inconvénient que l’apprenant reste dépendant de la langue maternelle. Il doit à chaque fois "faire un détour" par la langue maternelle sans pouvoir directement activer le concept mental. Par la suite, il peut alors connaître des difficultés pour "penser" en langue étrangère. En outre, une traduction constante des concepts mentaux pendant une utilisation ultérieure des unités lexicales peut bloquer des capacités cognitives limitées de la mémoire de travail : au lieu de les utiliser pour l'organisation et la présentation de ses idées, le sujet les emploie pour la traduction.

Ensuite, il est possible de s'aider des images pour accéder directement au concept mental à activer. Cela est possible pour les concepts qui renvoient à un référent concret. Or, dès qu'il s'agit d'un référent abstrait, ce procédé devient impossible. Enfin, l'apprenant peut de recourir aux explications de vocabulaire. Comprendre une telle explication est sûrement l'option la plus exigeante et fatiguante et elle nécessite déjà des connaissances en langue cible lorsque l'explication a lieu dans cette langue. En outre, le sujet doit participer activement pour combiner les traits sémantiques et il est incité à effectuer un traitement cognitif profond. Un tel accès à la signification d'une unité lexicale a l'avantage de créer des bonnes conditions de mémorisation de l'unité lexicale en question et de permettre à l'apprenant d'acquérir en même temps des mécanismes qui lui serviront pour deviner la signification d'une unité lexicale à partir d'un contexte.