2.3.3. Rôle de l'erreur

Les connaissances langagières de l'apprenant qui ne correspondent pas à la norme linguistique de la langue cible apparaissent sous forme "d'erreurs". Les béhavioristes ont postulé que l’erreur est à éviter à tout prix, mais les travaux de Corder (dans : Rieussec, 1996) ont déclenché un changement de la considération de l'erreur. Rieussec (1996) montre dans ses travaux que l'erreur ne peut pas seulement être considérée comme un phénomène de surface observable à partir de la production linguistique, mais qu'il est révélateur des processus mnésiques et témoin d'une activité cognitive de l'apprenant. Il semble probable que l'apprenant ait, dans beaucoup de cas, transféré des éléments de sa langue maternelle ou d'une autre langue étrangère. Dans d'autres cas, il peut avoir construit une hypothèse sur le fonctionnement de la langue cible suite à une observation de cette dernière. Ainsi, l'erreur permet à l’apprenant d’avancer dans le développement de son interlangue. Il convient alors de ne pas dramatiser l'erreur et d'adopter une attitude positive. Néanmoins, il semble être important de proposer une correction de l'erreur qui préserve la "face" de l'apprenant et d'éviter des risques inutiles par une adaptation des tâches au niveau linguistique des apprenants.

En ce qui concerne les démarches didactiques de l'enseignant, on peut regretter avec Rieussec (1996 : 112) que la description et de l'analyse du processus d'apprentissage contienne "peu de suggestions thérapeutiques" directement applicables en classe de langues. Le message de l'utilité de l'erreur pour une progression langagière reste néanmoins souvent inconnue aux apprenants et il semble donc être utile, comme le propose Bogaards (1988), de travailler en classe de langue sur la connotation négative de l'erreur. Ainsi, une atmosphère sécurisante permettrait de diminuer le niveau d'anxiété des apprenants face à l'erreur et de faciliter son traitement comme "intake" grâce à une influence sur le "filtre affectif". Pour confirmer son hypothèse, Bogaards rapporte que les expériences menées à ce sujet ont fait ressortir des résultats de tests inférieurs pour les apprenants anxieux, émotionnels et avec un conflit interne.

En outre, il semble être important de soutenir la prise de conscience de l'apprenant face à l'erreur. Une analyse de l'erreur par un travail cognitif visant la compréhension des règles nécessaires à la construction correcte des formes peut permettre un traitement cognitif intensif suivi d'une modification des structures mnésiques. Enfin, l'attitude de travail de l'apprenant devrait déterminer les progrès lexicaux : seulement un apprenant travaillant activement, aussi bien pour chercher ses erreurs que pour comprendre ses lacunes, peut progresser.