3.1.3. Les images

Les images constituent un support pédagogique fréquemment utilisé pour l'apprentissage lexical puisqu'il permet de véhiculer un nombre important d'informations pouvant assurer plusieurs fonctions. Après une présentation historique de l'intégration des images dans les processus de décodage des unités lexicales, nous aborderons leur traitement cognitif à travers des activités de perception, leurs limites de leur fonction d'illustration, la vitesse de compréhension des images par rapport à un texte écrit, ainsi que la contribution des images à la mémorisation des informations lexicales et la motivation de l'apprenant.

En ce qui concerne l'utilisation des images dans l'enseignement des langues, on constate que le rôle de l'image a considérablement changé au cours des dernières décennies. Pendant les années 60, les images avaient pour vocation d'illustrer le plus possible le signifié linguistique. On y ajoutait même divers symboles (flèches, points d'interrogation, bulles) pour mieux reproduire les schémas linguistiques. Cependant, cette démarche a suscité des critiques puisque l'image ne s'inscrivait "ni dans l'environnement immédiat de la classe, ni dans un univers proche de la réalité" (Viallon, 2002 : 11). De plus, l'interprétation des images ne pouvait pas garantir une explication des unités lexicales inconnues. En effet, les images simplifiées (censées de ne pas détourner l'attention de l'apprenant) sont souvent plus difficiles à interpréter que les images complexes construites selon les règles avec lesquelles les apprenants ont été familiarisés par les médias. Ainsi, dans les années 70, l'image a perdu son rôle de référent linguistique pour devenir "situationnelle" en représentant le monde réel. Elle est devenue plus indépendante et expressive et on note une dissociation de l'image et du son (Viallon, 2002 : 11). Dans les années 80, on a commencé à utiliser des images authentiques pour déclencher l'expression de l'apprenant. Enfin, vers les années 90, de nouvelles modalités d’apprentissage ont été créées et en combinaison avec les outils électroniques tels que les cédéroms et Internet, des images numériques sont apparues.

En ce qui concerne le traitement cognitif des images sur la base des caractéristiques perçues, les théories de l'école de Gestalt évoquent différentes situations de perception :en fonction de leur construction, les images exigent des efforts de perception plus ou moins grands (loi de la clôture et de symétrie). On observe également une interaction entre deux éléments perçus (loi de la proximité). En outre, il convient de tenir compte de l'importance de la direction du regard et du traitement cognitif des images :

‘"Der Blick konzentriert sich bei der Auswertung [der Bilder] immer zuerst auf die bekannten Elemente. Dabei werden sogenannte Schemata aktiviert, das heißt, das Wissen über Dinge, die in unserem Erfahrungsbereich häufig auftreten, die uns vertraut sind. Diese Schemata sind nicht bei jedem Menschen gleich. Sie hängen ab vom jeweiligen Wissen und von der Kultur in der man lebt. (W. Hosch / D. Macaire, 1991 : 21)’

Par ailleurs, Lancien (1986) postule que lorsque l'on regarde une image, le regard se concentre tout d'abord sur les éléments connus et on ne voit que "ce que l'on cherche". Il justifie cette thèse en rapportant la description d'une expérience sur l'eau potable menée dans un village africain. Après l'observation de la scène, l'unique question posée par les villagois concernait un poulet qui n'avait rien à voir avec l'eau potable mais que quelqu'un était en train de faire bouillir. Les villagois avaient perçu l'élément connu et se sont inquiétés du sort du poulet. Cette expérience montre que l'on peut ignorer des éléments importants sur une image si on n'a pas les connaissances du monde adaptées pour les traiter cognitivement. Par ailleurs, les images sont souvent associées à des connotations culturelles ou personnelles. En les regardant, on active des schèmes cognitifs qui ont été construits au cours d'expériences personnelles. Ce qui est effectivement vu sur une image (fixe ou animée) et l'interprétation qui en est faite peut, par conséquent, varier d'une personne à une autre.

Comment l'apprenant réagit-il face aux images qu'il rencontre sur des supports pédagogiques ? Par sa fonction d'illustration, l'image sert de référent vers un concept mental existant ou encore pour la création d'un concept nouveau, permettant le décodage d'une unité lexicale inconnue. Quelques réserves s'imposent bien sûr : une image ne peut que rarement visualiser tous les traits sémantiques d'un signifié et la présentation d'une image est surtout efficace pour des objets ou acteurs concrets, ou encore pour certaines actions. Des concepts abstraits sont plutôt difficiles à représenter. En outre, il existe des problèmes de représentation pour les termes polysémiques sachant qu'une image ne peut normalement refléter qu'un concept à la fois.

En comparant l'utilisation d'une image par rapport à un texte, Sturm (1991 : 10) postule que la vitesse de compréhension d'une image peut être plus rapide que pour un texte puisque :

‘"Anders als beim Text läßt sich bei realistischen, monozentrischen Bildern (die sich also auf einen wesentlichen Vorgang beschränken) ein Globalverständnis der Bildmitteilung bereits in wenigen Sekunden (und häufig noch rascher) erreichen." (Sturm, 1991 : 10)’

La vitesse de compréhension dépend vraisemblablement de la construction de l'image utilisée et semble être plutôt favorable à une compréhension globale du message textuel. En raison de son authenticité et de sa représentation de la réalité, une image peut cependant être aussi plus précise et aider ainsi au décodage linguistique, à condition qu'il soit possible d'établir une relation d'équivalence entre l'image et l'unité lexicale à décoder. En étudiant le rapport entre l'image et le texte, on constate une certaine complémentarité entre les deux. L'image permet de fournir des informations complémentaires, elle peut "traduire" ou expliquer des passages difficiles et d'organiser un texte (W. Hosch / D. Macaire, 1991 : 24-25).

Dans le cas d'une redondance sémantique entre le texte et l'image, cette dernière devrait avoir, dû au double traitement cognitif évoqué par Paivio (1971), une influence positive sur la mémorisation des informations lexicales. Enfin, lorsque la couleur des images évoque des émotions positives, elle devrait contribuer à la motivation de l'apprenant pour travailler avec un texte.