3.1. Apprentissage en autoformation

L'apprentissage langagier avec les produits multimédia se déroule, dans le cadre des cours institutionnalisés, habituellement dans un centre de ressources, c'est-à-dire dans un lieu qui met à la disposition de l'apprenant différents types de matériel (cédéroms, accès à Internet, vidéo, cassettes audio, livres, magazines). Lorsqu'un apprenant (inscrit dans un cours de langue qui inclut un travail en autonomie guidée) rentre dans un centre de ressources, il se voit confronté à un grand choix de supports pédagogiques. Il lui appartient d'en choisir un qui correspond à son niveau linguistique et à ses besoins d'apprentissage. Il doit également comprendre comment il convient de travailler avec le matériel choisi et il doit tenter d'être le plus efficace possible. Pour mener à bien cette entreprise, il est confronté à des difficultés considérables, mais ne peut-il pas aussi profiter des avantages ?

Pendant le travail en autonomie guidée, l'apprenant est censé "s'autoformer", c'est-à-dire travailler en "autoformation". Lorsque l'on décompose ce terme en "auto" et "formation", on pourrait penser que toute la charge pédagogique pour laquelle l'enseignant est responsable dans un cours classique, est attribuée maintenant à l'apprenant et que ce dernier travaille quasiment en autodidacte. Tel n'est cependant pas le cas dans la conception de l'autoformation défendue par Springer (1996) et Demaizière et Foucher (1998). En effet, l'apprenant est encadré par un enseignant ou un tuteur. Ainsi, il reçoit une formation initiale, il rencontre le formateur pour des séances de tutorat et il peut échanger avec d'autres apprenants lors des regroupements avec d'autres apprenants.

Concernant la formation initiale, l'apprenant est préparé à son travail dans le centre de ressources. L'enseignant lui explique le fonctionnement de la formation, le renseigne sur le matériel pédagogique et sur la méthode de travail à adopter. Or, cette préparation ne comprend pas seulement une formation méthodologique, mais aussi un travail sur les représentations. En effet, il peut être très valorisant pour un apprenant de contribuer activement à sa progression linguistique et c'est à l'enseignant de lui confier des responsabilités pour la gestion de la formation langagière. Le travail individualisé comprend l'essentiel du temps de travail de l'apprenant, c'est-à-dire environ 80 % des heures prévues pour un module de cours. Ce travail nécessite une participation active de l'apprenant qui commence avec la réservation d'une machine pour un jour et une heure donnée. Ensuite, l'apprenant est amené à s'interroger sur son processus d'apprentissage, sur les notes à prendre et des points qu'il souhaite éclaircir dans un entretien avec un tuteur. En outre, il peut être important de réfléchir sur la culture (la culture étrangère d’une part, et la propre culture d’autre part). Cela facilité la compréhension de certains aspects de la langue cible et une utilisation confiante de celle-ci. Les séances de tutorat (ou "entretiens deconseils" avec l'enseignant) servent pour discuter avec l'apprenant de son projet d'apprentissage, du matériel de travail qui lui conviendrait et pour trouver des solutions aux problèmes méthodologiques. Les échanges sur l'avancement des projets peuvent ensuite être intégrés dans les séances de regroupements d'apprenants. Celles-cisont des moments favorisés pour organiser des ateliers d'expression orale. En effet, ces derniers viennent en petits groupes et ont ainsi de nombreuses occasions pour s'entraîner en production orale en langue cible.

Néanmoins, le travailindividuel de l'apprenant peut faire resurgir quelques craintes : l'apprenant ne se sent-il pas seul devant la machine et face à la difficulté de prendre des décisions par rapport à son apprentissage ? L'apprenant est-il privé d'un partage des activités avec ses camarades de classe ? Evidemment, dans un centre de ressources, chaque apprenant effectue des tâches différentes et le maître n'a plus l'entière responsabilité du contenu d'apprentissage. De ce point de vue, on peut comprendre que les apprenants peuvent ressentir une certaine solitude pendant leur autoformation. En contrepartie, ils ne sont pas "seuls" devant un ordinateur, ils travaillent généralement dans une salle avec plusieurs apprenants, même si chacun effectue un travail différent. L'apprenant peut aussi retrouver une certaine sécurité s'il peut intégrer son travail linguistique dans une tâche qui fait partie d'un projet établi à plus long terme (annuel, par exemple). La prise de notes, un feedback fréquent et un échange avec d'autres apprenants sont des facteurs supplémentaires pour garder un cadre de repères. Enfin, pour que cette forme de travail soutienne les progrès lexicaux, l'apprenant et l'enseignant doivent accomplir leurs rôles respectifs. Ainsi, il appartient à l'apprenant de réfléchir sur ses besoins d'apprentissage. Il détermine, avec l'aide de l'enseignant, ses buts d'apprentissage et les moyens pour y parvenir. Il essaie de chercher du matériel adapté et il pratique lui-même une auto-évaluation permettant de faire le bilan de ses compétences et difficultés langagières et/ou méthodologiques. L'enseignant doit guider l'apprenant et l'aider à résoudre les problèmes rencontrés. Il lui appartient également d'informer les apprenants des exigences externes par rapport au niveau langagier (examens) et de surveiller à ce que le processus d'apprentissage ne s'arrête pas. Evidemment, cette description des responsabilités de l'apprenant et de l'enseignant a un caractère idéalisé. Dans la pratique quotidienne telle que nous l'avons observée au Centre de langues de l'université Lumière Lyon 2, les apprenants ne sont souvent pas prêts à assumer l'ensemble des exigences formulées. Le travail en autonomie est encore un concept pédagogique peu familier pour beaucoup d'apprenants qui s'inscrivent nouvellement dans cette formation. Il faudra du temps pour qu'ils puissent s'y habituer. Même du point de vue de l'enseignant, il existe encore un besoin considérable de développement d'outils et de stratégies permettant un suivi efficace du travail de l'apprenant.

Les avantages du concept de l'autoformation se situent à différents niveaux : Weinert (dans : Nodari, 1996 : 5) considère le développement de l'autonomie comme un but éducatif :

‘"Wer die Autonomie und die Mündigkeit des Menschen sowie die Erziehung zu lebenslangem Lernen als übergeordnete Ziele verbindlich akzeptiert, wird der Förderung des selbstgesteuerten Lernens in der Schule besondere Aufmerksamkeit widmen müssen."’

Nodari (1996 : 4) postule l'importance d'une participation active de l'apprenant :

‘"Ohne die aktive Teilhabe und Teilnahme der Lernenden kann nicht wirklich von Fortschritt im schulischen (Fremdsprachen-) Unterricht gesprochen werden."’

En outre, les apprenants peuvent avancer à leur rythme, d'aborder ou d'approfondir des thèmes qui présentent moins d'intérêt pour les autres. Ils peuvent gérer leur temps de travail plus librement. L'enseignant reste "disponible à distance" et répond rapidement lorsque l'apprenant rencontre un problème.