4.2.2. Guider l'apprenant

Compte tenu de la complexité du travail langagier et des connaissances nécessaires pour effectuer un travail efficace, nous pouvons supposer que l'apprenant n'est pas en mesure d'organiser lui-même l'ensemble de ses activités langagières. Même si l'enseignant écoute les désirs et les idées des apprenants, il semble important qu'il soit là pour guider, aider et encadrer le travail langagier des apprenants. Or, comment un enseignant peut-il guider ses apprenants ?

D'après le Robert Méthodologique (1989 : 665), le terme "guider" signifie "accompagner en montrant le chemin". Ce terme est-il pertinent pour décrire les actions pédagogiques d'un enseignant de langues ? En effet, en fonction du rapport pédagogique considéré, le terme "guidé" a une connotation plus ou moins stricte. Sa compréhension au "sens strict" laisse peu de liberté à l'apprenant, ce qui n'est pas compatible avec l'autonomie accordée à l'apprenant lors d'un travail avec les produits multimédias. Néanmoins, le terme "guider" peut être compris sur une échelle avec différents degrés de directivité permettant une adaptation au degré d'autonomie des apprenants. Ainsi, pour leur laisser plus de temps pour développer progressivement une attitude de travail autonome, on pourrait imaginer une organisation de différents dispositifs. Dans un dispositif guidé par l'enseignant, celui-ci indique exactement les différents points à traiter, ainsi que l'ordre à respecter. Il fixe également le but à atteindre par l'apprenant. Dans un dispositif semi-guidé A , l'enseignant fournit des indications précises pour le démarrage du travail tout en laissant l'apprenant libre de poursuivre. Un dispositif semi-guidé B permet à l'apprenant de démarrer son travail librement tout en poursuivant un but final très précis. Enfin, dans un dispositif complètement libre,l'apprenant est libre dans la gestion de son travail et du but final. Dans une telle situation, il est amené à bien réfléchir sur ses besoins d'apprentissage, les matériaux à utiliser et l'organisation de son parcours. Il doit également s'auto-contrôler pour ne pas se disperser.

Dans quelles activités langagières précises cet encadrement se traduit-il dans la pratique ? Un volet important consiste dans la proposition de scénarios, de projets, d'activités ou de tâches. Ces dernières se distinguent sur le plan de la production finale et du nombre d'apprenants travaillant ensemble. Ainsi, Mangenot (2003) définit le scénario comme "un ensemble d'activités et de tâches comportant une dimension de mise en situation et de jeu de rôle" alors qu'un projet est, plutôt "une tâche conduisant des groupes différents (distants) à communiquer".

En outre, on note que le terme "tâche" revient aussi bien dans la définition de "projet" que dans celle de "scénario". Il convient de le préciser et de le distinguer du concept de l'activité langagière. Numan (dans : Mangenot, 1998) suggère de considérer pour la tâche six paramètres : "les objectifs pédagogiques, les données, l'activité, les rôles respectifs de l'enseignant et de l'apprenant et le dispositif". Ainsi, une tâche contient des données riches et authentiques. Elle comprend des activités d'un bon niveau cognitif avec des interactions variés (notamment - mais pas exclusivement) pendant et après l'exécution de la tâche. De plus, on peut distinguer la "tâche" d'une "activité" dans le sens où la dernière aboutit vers une production fermée, alors que la tâche vise une production (écrite ou orale) ouverte (Mangenot, 2003). Nous pouvons donc définir une tâche comme "une consigne visant une production langagière ouverte qui assure une implication de l'apprenant et l'utilisation du matériel authentique".

Comment peut-on maintenant organiser une tâche sur le plan pratique ? Hanna Thomsen (1996) décrit l'exemplede réalisation d'une pièce de théâtre par des élèves d'allemand de 13 ans de niveau de débutant. Cette tâche comprend deux phases : une première phase qui est constituée d'une production ouverte en langue cible et une deuxième phase destinée à une auto-évaluation des apprenants. Les élèves sont amenés à décrire des images, à lire un texte, à écouter une cassette audio ou à travailler avec des cartes de vocabulaire. Au fur et à mesure, ils s'expriment de plus en plus en langue cible et ils prévoient des activités nouvelles.

‘" Allmählich wird immer mehr Deutsch gesprochen. Das Vertrauen in die eigenen Fähigkeiten wächst. Neue Aktivitäten werden geplant …". (Thomson, 1996 : 14)’

Dans la phase finale, les apprenants procèdent à une auto-évaluation et ils discutent en classe sur les apports qu’ils ont pu tirer des différents projets. Les réflexions concernant le travail sur la langue peuvent être effectuées d’abord en langue maternelle, mais assez rapidement, les apprenants s'expriment en langue étrangère. En outre, Thomson (1996) rapporte que ses élèves sont amenés à répondre aux questions suivantes :

  • comment avez-vous travaillé ? (les élèves décrivent le plan dans leurs journaux de bord, ils expliquent leurs choix)
  • qu'est-ce que vous avez appris ? (par rapport à la langue allemande, les différents types d’apprenants, sur eux-mêmes)
  • qu’est qui vous a plu ou pas plu ? (le matériel, le travail en équipe, pourquoi ?)
  • qu'est ce que l’on pourrait améliorer la prochaine fois ?
  • comment pourrait-on profiter des expériences des autres ?

On note que ces questions visent une réelle implication de l'apprenant dans sa production langagière puisqu'il est amené à parler de lui-même ainsi que de ses acquisitions langagières. L'apprenant ne produit donc pas un texte "artificiel", mais la langue étrangère lui sert à exprimer ses idées. La production langagière devient significative et a un sens.

En proposant aux apprenants de telles activités langagières, l'enseignant guide tout d'abord le démarrage du développement de l'interlangue. A cette fin, il didactise du matériel de travail et il explique la méthodologie à adopter. Ensuite, les apprenants travaillent avec une certaine autonomie. Néanmoins, l'enseignant reste présent afin d'assurer une continuité dans les acquisitions. Il peut alors adopter des stratégies de soutien en distribuant des "guides de travail" et en encourageant les apprenants à prendre de l'initiative. Par ailleurs, il peut mettre en œuvre des stratégies d'optimisation en formant les apprenants aux possibilités de résolutions de problèmes. Ainsi, le rôle de l'enseignant demeure important : même, s'il leur cède une partie de son influence sur le travail langagier, il garde la surveillance de l'apprentissage linguistique et il contribue à la responsabilisation des apprenants. Enfin, il s'occupe de l'évaluation et de la certification des résultats des apprenants.