Deuxième Partie. Analyse de trois produits multimédia

Chapitre 1. Cédéroms et apprentissage lexical

Avec le développement des possibilités de stockage de données numériques, les cédéroms (acronyme du sigle anglais CD-Rom signifiant "compact disc read only on memory"), sont apparus en 1986 (Lancien, 1998 : 17). Ils peuvent contenir des données iconiques, graphiques et sonores et ils constituent donc un outil multimédia par excellence. Dans un premier temps, les cédéroms étaient réservés à des applications institutionnelles (annuaires, documents scientifiques ou juridiques), mais rapidement ils sont devenus un produit "grand public" utilisé aussi bien pour des jeux, des encyclopédies que pour l'enseignement des langues. Par opposition à un cours classique dispensé devant une classe entière et où chaque apprenant effectue les mêmes exercices, le travail avec les cédéroms se fait d'une manière asynchrone et il ouvre ainsi la voie pour une individualisation de l'apprentissage. Contrairement au travail avec les sites Internet, les cédéroms sont généralement utilisés "hors ligne" à partir d'enregistrements prévus par des concepteurs. En fonction de leur utilisation, nous distinguons deux types de cédéroms : les systèmes auteurs, permettant à un enseignant, d'une manière évolutive, de réaliser un produit multimédia à partir de ses propres documents, ainsi que les cédéroms "prêts à porter" (Lancien, 1998 : 49) qui sont développés par des enseignants de langue et vendus tels quels aux utilisateurs.

Comment les cédéroms peuvent-ils contribuer à l'apprentissage de la langue allemande et particulièrement au développement lexical ? Existe-t-il des spécificités de ce support multimédia qui sont susceptibles de favoriser l'apprentissage lexical ? Quelles sont les limites de cet outil ? Nous tenterons de répondre à ces questions en analysant quatre cédéroms utilisés avec une fréquence importante par les étudiants du Centre de langues de l'université Lumière Lyon 2. Il s'agit des cédéroms "Infolangue", "Einblicke", "Tell me more" et "Reflex' Deutsch".

Après une présentation de ces quatre cédéroms et de leurs caractéristiques liées au supports multimédia (interactivité, adaptabilité, feedback), nous étudierons le travail lexical effectué par les apprenants. Nous nous intéressons aux conditions de compréhension des unités lexicales grâce aux données disponibles sur les cédéroms, aux aides prévues par les concepteurs et à l'intérêt des exercices. Nous souhaitons également savoir si les cédéroms se prêtent à l'apprentissage de l'encodage des unités lexicales. A cette fin, nous verrons différents types d'exercices et les opportunités pour la mémorisation des informations lexicales. Enfin, il nous examinerons le rôle de l'enseignant de langues. Comment peut-il accompagner le travail des apprenants avec les cédéroms ? Doit-il assumer de nouvelles compétences ? Tout au long de notre étude, les quatre cédéroms nous fourniront des exemples par rapport au décodage et à l'encodage des unités lexicales. En même temps, nous proposons de vérifier les cinq hypothèses suivantes :

  1. L'utilisation de nombreuses photos de couleurs et le caractère ludique d'un grand nombre d'exercices nous amènent à supposer que les cédéroms constituent un outil de travail motivant apte à déclencher l'investissement de l'apprenant pour l'acquisition lexicale.
  2. L'incapacité de la machine à répondre aux questions spontanées de l'apprenant et l'exigence des cédéroms en termes de connaissances par rapport à l'utilisation efficace des cédéroms nous laissent penser que les difficultés rencontrées sur le plan affectif, technique et par rapport au choix des activités rendent indispensables les conseils et le soutien de l'enseignant de langues.
  3. La correction automatique des exercices apporte un feedback utile pour la progression lexicale sans que les apprenants l'exploitent entièrement.
  4. Puisqu'en termes d'acquisition lexicale, la création et la vérification des hypothèses langagières s'avèrent importantes pour le développement de l'interlangue, une seule présentation contextuelle des unités lexicales en rapport avec les thèmes sélectionnés ne semble pas suffire. Cela rend essentiel une utilisation libre des unités lexicales et une analyse des erreurs.
  5. Enfin, la diversité des types d'apprenants a comme conséquence différents comportements. Le degré d'utilisation des compétences métacognitives devrait donc être variable d'un apprenant à l'autre. Ainsi, proposer des activités spécifiques devrait rendre possible le développement de la conscience métacognitive et de la réflexion individuelle.

Afin de connaître le comportement effectif des apprenants dans ces différentes situations d'apprentissage, nous avons mené, au cours des années universitaires 2002/2003 et 2003/2004, diverses enquêtes auprès des étudiants (d’un niveau intermédiaire en allemand) inscrits au du Centre de langues de l'université Lumière Lyon 2. Notre corpus comprend également des fiches de travail "cédérom" sur lesquelles les étudiants ont noté les unités lexicales nouvellement rencontrées au cours du travail avec les cédéroms et des rédactions écrites organisées par nous. Enfin, les étudiants ont été mis dans des situations de correcteur des productions écrites de leurs camarades. Sur des fiches de travail "correction", ils ont noté leurs commentaires et réflexions métacognitives. Les résultats empiriques obtenus nous conduiront à reposer les questions de l'importance de l'utilisation des apports techniques du support numérique, de l'attitude de travail de l'apprenant et du rôle de l'enseignant.