1.1. Les caractéristiques multimédia

En profitant des possibilités d'enregistrement de données textuelles, iconiques et sonores, les cédéroms peuvent réagir, à travers de l'ordinateur et de leur interface, à certaines demandes de l'utilisateur. Peut-on alors attribuer aux cédéroms un certain niveau d'interactivité ? S'agit-il d'une interactivité suffisante pour que les utilisateurs puissent progresser dans leur développement lexical ? Nous tenterons de préciser ce point en étudiant les caractéristiques des quatre cédéroms mentionnés quant à l'accompagnement du processus d'apprentissage, aux possibilités de dialoguer avec le cédérom, aux fonctions permettant une adaptation aux besoins d'apprentissage et à la qualité du feedback fourni par la machine.

En ce qui concerne l'accompagnement du processus d'apprentissage de l'utilisateur, nous constatons qu'à travers de l'interface de l'ordinateur, un cédérom présente des consignes et explications de son auteur et il ouvre ainsi l'échange entre la machine et l'apprenant. Les consignes sont généralement placées en haut de l'écran en tant qu'instruction fermée, comme par exemple, "Ecoutez puis cliquez sur la réponse de votre choix" (cédérom "Tell me more") ou "Führen Sie den Zeiger auf die Wortlücke und ergänzen Sie das richtige Wort per Mausklick" (cédérom "Einblicke"). L'apprenant est alors guidé d'une manière très directive sans posséder une marge de réflexion par rapport à la construction de son savoir et sans être accompagné d'une manière individuelle.

En outre, comme la gestion du temps peut être un problème pour certains apprenants, le cédérom "Tell me more" propose un service de gestion du temps d'apprentissage. Au début de l'utilisation, il demande à l'utilisateur quel temps il souhaite consacrer à l'apprentissage avec le cédérom. Chaque séance commence ensuite par la communication du temps restant pour l'apprentissage et le retard éventuel pris. C'est une fonction originale et ludique, mais le respect du calendrier prévu dépend surtout de l'attitude générale de travail de l'apprenant.

Ensuite, le dialogue avec un cédérom se fait par la manipulation de l'interface (cliquer sur un bouton, relier des unités lexicales ou phrases, tirer des images ou lettres par la technique drag & drop, écrire des lettres). Dans beaucoup de cas, les cédéroms se contentent d'un simple affichage de données : ainsi, les quatre cédéroms prévoient des liens hypertextuels vers différentes leçons comportant des textes didactisés, vers des dictionnaires bilingues, des glossaires, des grammaires ou encore vers des explications culturelles.

L'échange avec la machine devient plus complexe pendant la simulation d'un dialogue. Pour le cédérom "Tell me more", cette simulation se déroule de la manière suivante : après la présentation d'une situation, l'apprenant a le choix entre trois réponses fixes et dès qu'il clique sur une réponse, le "dialogue" continue avec une réplique de la machine et la possibilité pour l'apprenant d'orienter la suite du dialogue. Dans l'exemple ci-dessous, le cédérom demande à l'apprenant d'imaginer qu'il vient d'acheter une nouvelle voiture et qu'il souhaite partir en week-end. Il a le choix entre les trois réactions : "Bitte anschnallen !", "Auf geht's !" et "Sind alle da ? ":

Figure 12 : Dialogue par rapport à la voiture (cédérom "Tell me more")
Figure 12 : Dialogue par rapport à la voiture (cédérom "Tell me more")

Par rapport à la lecture d'un texte linéaire, on note bien sûr une suite d'interactions entre la machine et l'apprenant. Cependant, l’utilisateur dirige le déroulement du dialogue à l'intérieur des voies prévues (comme pour un train électrique qui roule sur des rails). Une intervention de l'apprenant non prévue par les concepteurs, comme, par exemple, "Es kann losgehen!", n'est pas acceptée puisqu'il n'existe aucun champ permettant à l'apprenant d'intégrer une telle réponse dans le dialogue. En outre, une intervention non prévue ne peut pas être traitée par la machine, ce qui limite fondamentalement le degré d'interactivité rencontré.

En ce qui concerne les possibilités d'adaptation aux besoins individuels d'apprentissage, nousobservons différents degrés d'adaptation. En proposant, par exemple, un seul niveau de difficulté pour l'ensemble des activités langagières, comme dans le cas du cédérom "Infolangue", il est impossible de s'adapter à différents niveaux linguistiques des utilisateurs. La prévision de trois niveaux de difficultés (cédérom "Einblicke") permet, au contraire, une adaptation minimale à différents utilisateurs. Néanmoins, manque de test préalable, les apprenants ne peuvent pas savoir quel niveau de difficulté correspond à leur état d'interlangue ce qui complique considérablement le choix d'un niveau adapté. Il est donc plus judicieux de comprendre les trois niveaux de difficulté comme une progression langagière que l'utilisateur suit à l'intérieur des activités proposées autour d'un même thème.

Afin de rendre le travail langagier plus ciblé par rapport à un projet d'apprentissage, certains cédéroms intègrent des fonctions techniques permettant à l'utilisateur de travailler par objectif. Ainsi, le cédérom "Tell me more" propose de travailler par compétences langagières (compréhension orale ou écrite, expression orale ou écrite) : lorsque l'utilisateur a saisi les compétences langagières qui sont prioritaires pour lui, le cédérom lui indique les exercices susceptibles de correspondre à l'objectif sélectionné. Néanmoins, un simple travail par compétence ne garantit pas une adaptation au niveau langagier de l'apprenant du fait de l'absence d'un test préalable.

En proposant un accès modulaire aux différentes activités, le cédérom "Reflex' Deutsch" permet une sélection plus précise des activités langagières. Ainsi, l'utilisateur peut sélectionner des activités en fonction de l'intérêt qu'il porte sur un thème ou par rapport aux difficultés langagières spécifiques. Néanmoins, le travail par difficulté langagière (par exemple, les synonymes ou les noms composés) rend difficile une organisation d'un travail langagier cohérent et l'utilisateur risque d'effectuer un travail lexical par rapport à plusieurs thèmes qui ne contiennent aucun lien contextuel. Un "assemblage" d'activités langagières peut donc devenir un problème. Nous le constatons par ailleurs pour le cédérom "Reflex' Deutsch" puisque les activités proposées dans les différentes leçons ont un caractère artificiel et relativement incohérent dans leur ensemble.

Enfin, une bonne adaptation aux difficultés des utilisateurs consiste, à notre avis, dans la proposition d'aides lexicales (dictionnaire bilingue, glossaire de traduction et les notes culturelles) que l'utilisateur consulte à volonté. De cette manière, le cédérom prévoit une adaptation simple aux difficultés lexicales prévisibles.

En ce qui concerne le feedback proposé par les quatre cédéroms, nous constatons différentes réactions des programmes. Pour la correction des exercices, le programme barre souvent simplement chaque réponse qui ne correspond pas exactement à la réponse type prévue par le concepteur ("Reflex' Deutsch"). Ainsi, le programme n'admet pas la réponse si l'utilisateur a, par exemple, oublié une majuscule en début d'une phrase. Dans certains cas, il pourrait alors être utile de prévoir plus qu'une réponse type en laissant une certaine marge d'erreur à l'utilisateur qui pourrait être signalée par un feedback adapté.

La prévision d'une fonction de vérification d'orthographe (pour lesquels il convient de renseigner par écrit les unités lexicales correspondantes) pourrait aussi résoudre ce problème. Lorsque l'apprenant commet une erreur d'orthographe, le programme le lui indique en marquant l'endroit où il faut ajouter ou supprimer une lettre.

Figure 13 : fonction de vérification d'orthographe (cédérom "Einblicke")
Figure 13 : fonction de vérification d'orthographe (cédérom "Einblicke")

En invitant l'apprenant à recommencer l'exercice, le programme l’incite à une autocorrection et à une réflexion par rapport à l'erreur commise.

En proposant de revoir la séquence du film contenant la réponse, le cédérom accompagne l'utilisateur dans la recherche de la solution. En faisant attention aux paroles du narrateur, il entend les unités lexicales qu'il convient de renseigner dans les champs vides de l'exercice :

Figure 14 : revoir la séquence du film (cédérom "Einblicke")
Figure 14 : revoir la séquence du film (cédérom "Einblicke")

De cette manière, l'apprenant peut lui-même trouver la réponse et il est amené à s'investir plus que lors d'une simple consultation de la solution par le programme.

Un rapport d'activité qui est affiché lorsque l'exercice est terminé, peut indiquer le nombre de réponses correctes, le nombre d'erreurs et un pourcentage de réussite de l'exercice. Ainsi, il fournit un feedback quantitatif :

Figure 15 : Rapport d'activité / vérification automatique (cédérom "Reflex' Deutsch")
Figure 15 : Rapport d'activité / vérification automatique (cédérom "Reflex' Deutsch")

L'utilisateur obtient ainsi une indication par rapport à ses compétences sans que le rapport puisse fournir une aide suffisante pouvant servir pour établir un programme de révision lexicale. Ce rapport d'activité ne contient pas non plus de fonction d'analyse d'erreurs indiquant à l'apprenant l'origine de ses erreurs. Cela supposerait la détection des hypothèses lexicales que l'apprenant a pu faire. Or, une telle réaction du programme est difficile à programmer puisqu'il demanderait d'une part la prévision d'un grand nombre d'erreurs et d'autre part, la capacité de raisonnement pour expliquer les transferts interlinguaux et intralingaux que l'apprenant a pu faire.

Dans l'ensemble, le feedback fourni par les cédéroms se réduit majoritairement à une comparaison de la réponse de l'apprenant avec une réponse préenregistrée et l'affichage de "juste" ou "faux" accompagné d'un son avec une connotation agréable (des applaudissements) ou désagréable (les verres qui se cassent). Une répétition des mêmes sons de feedback tout au long du travail avec le cédérom peut finir par lasser l'apprenant. On aurait souhaité un feedback varié et adapté à la difficulté de l'exercice.

Les cédéroms proposent effectivement un certain degré d'interactivité aux utilisateurs puisqu'il existe un échange d'informations entre la machine et l'utilisateur. Cet échange se déroule cependant dans un cadre pré-enregistré duquel il est difficile de sortir. Pour profiter des informations affichées par le programme, l'utilisateur doit activement traiter les données langagières sans se contenter d'une simple exécution des consignes affichées à l'écran de l'ordinateur. Par ailleurs, même si la machine peut fournir différents types de feedback, elle ne sait pas réagir aux interventions non prévues par le concepteur du programme. Certains cédéroms (comme, par exemple, "Tell me more" ou "Reflex' Deutsch") tentent de résoudre ce problème en proposant la possibilité de contacter un tuteur humain qui se tient à la disposition de l'apprenant pour répondre à des questions moyennant un abonnement payant. Ainsi, le cédérom "Reflex' Deutsch" propose un service "professeur" gratuit pour les utilisateurs inscrits avec la licence attribuée lors de l'achat du cédérom. L’utilisateur peut y envoyer des rédactions écrites par rapport aux questions posées sur le cédérom et consulter des exemples de rédactions émanant d'autres utilisateurs qui ont été corrigées et commentées par un enseignant. Cette possibilité de correction par le professeur semble être une solution intéressante, mais les concepteurs du cédérom ont exprimé une réserve à ce sujet en écrivant dans le manuel d'utilisation (Reflex' Deutsch : 22) "Néanmoins, l'éditeur ne garantit pas la réponse systématique à toutes les activités et à tous les utilisateurs". Enfin, ce cédérom prévoit un lien vers un "forum" où les différents apprenants peuvent communiquer entre eux et envoyer des commentaires par rapport à un sujet traité dans une des leçons. Ceci est une autre piste permettant à l'apprenant de sortir de l'univers fermé du cédérom, à condition que l'apprenant soit suffisamment curieux pour connaître d'autres apprenants et disposé à exposer ses travaux à des gens inconnus.