2.1.1. Les images

L'apport des images pour le décodage des unités lexicales varie en fonction du type d'image (image fixe ou animé), du temps de visionnement et des conditions de référenciation. Les images fixes peuvent être visionnées aussi longtemps que l'apprenant le souhaite et elles contiennent, par rapport à la séquence d'un film, un nombre relativement limité d'éléments d'informations. Lorsque ces images accompagnent des textes écrits comme sur les cédéroms "Tell me more" ou "Reflex' Deutsch", nous observons différents rapports de référenciation.

L'exemple suivant montre un rapport d'équivalence. Sur la photo, nous voyons trois valises lorsque l’on entend une voix qui dit que les valises sont restées sur le trottoir :

Figure 17 : des valises (cédérom "Tell me more")
Figure 17 : des valises (cédérom "Tell me more")

Au cas où l'apprenant ne connaît pas l'unité lexicale "Koffer", l'image peut servir de référent direct vers le concept mental. Globalement, l'image ne reflète cependant pas le contenu du message textuel. Alors que nous voyons sur l'image trois valises seules, le texte dit que les valises sont sur le trottoir. Lorsque l'apprenant ne connaît ni l'unité lexicale "Koffer", ni "Bürgersteig", il peut avoir un problème de référenciation.

  • Un autre exemple montre un rapport de préparation à la perception des informations lexicales. C'est le cas du cédérom "Reflex' Deutsch" (leçon n° 9) où nous voyons un enfant africain à côté d'un texte qui décrit un dialogue entre une mère et son enfant capricieux :
Figure 18 : l'enfant Alupwa (cédérom "Reflex' Deutsch")
Figure 18 : l'enfant Alupwa (cédérom "Reflex' Deutsch")

L'image prépare à la perception des informations lexicales, dans le sens où elle montre un enfant d'environ trois ans dont il est question dans le texte. En voyant l'image, l'apprenant peut activer ses connaissances du monde par rapport aux enfants africains et il peut s'attendre à ce que le texte traite un thème concernant un enfant ou des enfants africains. Les associations activées par rapport à une telle image dépendent bien sûr des expériences personnelles de l'apprenant. Dans une enquête (annexe 2) auprès de nos étudiants, il est apparu que cette image les fait penser "à l'Afrique, aux enfants et leur situation difficile" (E1), "à l'enfance au-delà du critère de nationalité" (E2) et "à un enfant qui n'est pas imbibé de culture occidentale, mais plutôt de sa culture traditionnelle" (E5). Un étudiant a pensé également "à un documentaire sur un pays africain" (E3). Pour ces étudiants, l'image prépare alors surtout à la perception des informations générales par rapport à la culture africaine, sans constituer une préparation au problème précis de l'éducation des enfants dont il est question dans le texte. Ainsi, l'image ne peut servir qu'indirectement au décodage des unités lexicales : elle ne propose pas de possibilité de référence directe.

Pour les images animées, le temps de visionnement est déterminé par le film vidéo. En cas de non compréhension des paroles ou de certaines unités lexicales, il est possible de revoir la séquence du film. Par rapport à une image fixe qui ne peut représenter qu'une seule prise de vue et qui nécessite que l'apprenant reconnaisse une action connue, les images animées se caractérisent par un enchaînement d'un grand nombre d'images. De cette manière, elles facilitent la reconnaissance des actions et permettent de montrer des actions peu connues à l'apprenant et qu'il aurait du mal à reconnaître sur une image fixe.

En fonction de la relation entre les images et le contenu des paroles, nous distinguons les rapports situationnels, les rapports d'équivalence, les rapports complémentaires, les rapports d'indépendance et les rapports contradictoires.

  • Nous observons un rapport situationnel dans l'exemple des travaux de rangement visibles dans le film sur la fête de la bière (cédérom "Einblicke") :
Figure 19 : travaux de rangement dans une tente de bière (cédérom "Einblicke")
Figure 19 : travaux de rangement dans une tente de bière (cédérom "Einblicke")

L'image montre une situation générale de rangement facilement reconnaissable dans une séquence d'images animées. Afin de décoder l'unité lexicale "Schluss", il convient d'interpréter les travaux de rangement visibles dans cette séquence et d'utiliser des stratégies de déduction contextuelle. L'image situationnelle ne permet cependant pas une référence directe entre un objet/une action et une unité lexicale à décoder.

  • Lorsqu'un objet est visible en gros plan pendant qu'un narrateur prononce une seule unité lexicale, nous pouvons parler d'un rapport d'équivalence. Ceci est le cas pour des cœurs en pain d'épice dans le film "Das Oktoberfest" (sur la fête de la bière) proposé par le cédérom "Einblicke" :
Figure 20 : Herzen aus Lebkuchen (cédérom "Einblicke")
Figure 20 : Herzen aus Lebkuchen (cédérom "Einblicke")

L'image sert ici de référent direct vers le concept mental "cœur". Un spectateur possédant des connaissances du monde par rapport à la fête de la bière, comme c'est le cas pour certains de nos étudiants, les reconnaît tout de suite. Pour les apprenants n'ayant jamais vu ces cœurs, le narrateur précise la composition. En effet, il s'agit de cœurs fabriqués avec une pâte de gâteau spécifique, le "pain d'épice" et non, comme l'image pourrait le faire croire, de cœurs en chocolat. Le décodage précis de l'unité lexicale peut nécessiter alors le recours à une stratégie complémentaire, la décomposition du terme "Leb-kuchen" et la reconnaissance du terme "Kuchen" (gâteau).

Lorsque le narrateur explique des éléments invisibles sur l'image ayant un rapport avec un objet sur l'image, il existe un rapport complémentaire entre l'image et les paroles. C'est, par exemple, le cas pour les pantalons traditionnels que les hommes portent pendant le défilé de la fête de la bière et que nous voyons dans le film "Das Oktoberfest" (cédérom "Einblicke") :

Figure 21 : pantalon de cuir traditionnel (cédérom "Einblicke")
Figure 21 : pantalon de cuir traditionnel (cédérom "Einblicke")

Lorsqu'un apprenant souhaite décoder le terme "Lederhosen", l'image montre la forme et la couleur des pantalons et elle donne des indications sur le contexte dans lequel ils sont portés (donc lors du défilé). Elle n'indique cependant rien sur la tradition familiale et c'est par le narrateur que l'on apprend, en complément des renseignements fournis par l'image, que les pantalons ont déjà été portés par les pères et que les pères les donnent à leurs fils.

Des reportages sont un exemple pour un rapport d'indépendance entre l'image et la parole. Lorsque la journaliste parle de la situation des jeunes à Lüttenklein, (cédérom "Infolangue"), nous voyons sa figure :

Figure 22 : journaliste à Lüttenklein (cédérom "Infolangue")
Figure 22 : journaliste à Lüttenklein (cédérom "Infolangue")

Cette journaliste ne parle pas d'elle-même, mais de la vie des habitants dans les constructions nouvelles de la région de Lüttenklein. Sur l'image, nous n'observons aucun élément pouvant se rapporter au message textuel et il n'existe donc pas de redondance lexicale permettant l'activation des schèmes conceptuels. Ainsi, pour l'exemple du terme "aufgewachsen" qui a été signalé lors d'un sondage auprès de nos étudiants comme leur étant inconnu, l'image ne fournit aucune possibilité de transfert d'informations aidant au décodage de ce terme.

  • Il peut également y avoir des rapports contradictoires entre l'image et les paroles. Ainsi, le cédérom "Tell me more" propose un film sur la voiture où une femme est en train de se maquiller à l'intérieur de sa voiture :
Figure 23 : femme qui se maquille dans la voiture (cédérom "Tell me more")
Figure 23 : femme qui se maquille dans la voiture (cédérom "Tell me more")

Supposons qu'un utilisateur souhaite décoder le terme "Badezimmer" en se basant sur les informations transmises par le film vidéo : au lieu de voir l'image d'une femme dans la salle de bain, l'utilisateur l'aperçoit dans sa voiture. Ceci devrait perturber l'apprenant qui cherche une référence sur les images. Au moment où il voit cette image, le narrateur parle d'une femme qui est dans sa salle de bain (sie wäre in ihrem Badezimmer), ce qui est contradictoire par rapport au message transmis par l'image. Une enquête (annexe 2) auprès de nos étudiants a montré que 3/5 étudiants étaient désorientés pour le décodage du terme "Badezimmer" alors que 2/5 étudiants ont indiqué ne pas être gênés puisqu'ils ont reconnu le conditionnel du verbe "wäre". Même si ce type d'image n'a pas désorienté l'ensemble des apprenants interrogés, il nous semble utile de les éviter pour un cédérom destiné à l'apprentissage d'une langue.

En fonction du nombre d'unités lexicales prononcées et de l'accentuation des unités lexicales, la difficulté d'attribution d'une unité lexicale à une image change et nous proposons de distinguer des situations de référence directe et indirecte.

  • Nous observons une situation de référence directe dans l'exemple du jeu de massacre dans le film "Das Oktoberfest" proposé par le cédérom "Einblicke" :
Figure 24 : le jeu de massacre dans le film "Das Oktoberfest" (cédérom "Einblicke")
Figure 24 : le jeu de massacre dans le film "Das Oktoberfest" (cédérom "Einblicke")

Au moment où l'utilisateur voit cette image, le narrateur prononce une seule unité lexicale permettant une référence directe entre le stand de jeux de massacre (où un homme jette une balle pour faire tomber la pyramide de boîtes) et le terme "Wurfbuden". Lorsque l'apprenant possède les connaissances nécessaires pour reconnaître l'objet évoqué, il peut activer le concept mental visé. Le décodage du terme prononcé devient relativement facile. Dans une enquête (annexe 2) , 4/5 étudiants ont pu le décoder grâce à l'image. Seule une étudiante a fait l'hypothèse que "Wurfbuden" signifie "boutiques". Elle n'a pas pris en compte tous les détails visibles sur l'image, alors que les autres ont tenu compte des pyramides de boîtes et des peluches exposées.

Dans le cas d'une cérémonie d'ouverture d'un tonneau de bière dans le film "Das Oktoberfest" (proposé par le cédérom "Einblicke"), nous observons une situation de référence indirecte. Cette image montre une scène où nous voyons plusieurs personnages autour d'un tonneau de bière qu'une personne (le maire de la ville de Munich) est en train d'ouvrir en enfonçant un robinet dans le tonneau :

Figure 25 : ouverture d'un tonneau de bière (cédérom "Einblicke")
Figure 25 : ouverture d'un tonneau de bière (cédérom "Einblicke")

La référenciation entre les unités lexicales prononcées par le narrateur et les éléments visibles sur l'image n'est pas claire. Lorsqu'un apprenant souhaite décoder l'unité lexicale "Oberbürgermeister" (indiquée par nos apprenants comme leur étant inconnue), il doit trouver, à partir de l'action décrite par le narrateur, à quel personnage se réfère l'unité lexicale "Oberbürgermeister". Par son expérience cinématographique, l'apprenant peut déduire que le personnage au centre de l'image est important et, en combinaison avec les informations fournies par le narrateur, il peut comprendre qu'il s'agit d'un personnage important à Munich. Le décodage complet du terme nécessite cependant des hypothèses complémentaires qui font intervenir des connaissances du monde par rapport à la cérémonie d'ouverture de la fête de la bière. L'image ne peut donc contribuer que d'une manière indirecte et insuffisante au décodage de la signification "maire". Dans une enquête (annexe 2) auprès de 5 étudiants, il est apparu que ces derniers ont cependant tous réussi à décoder correctement la signification de "maire" en se basant sur plusieurs stratégies différentes : ils ont remarqué que l'image seule donne "une piste pour le décodage" (A.G.2004) et "qu'un personnage semble être plus important que les autres, il est au centre" (M.N.2004). Ils ont aussi confirmé que le décodage de "Oberbürgermeister" nécessite des éléments d'information non-transférables à partir de l'image : "on peut faire le lien entre le dialogue et l'image, mais seule on ne pourrait pas deviner qu'il s'agit du maire qui ouvre le robinet de la bière à la pression." (M.T.2004)

En fonction de la longueur du visionnement des images, nous distinguons de plus les images longues et courtes. Une séquence longue est visible dans le cas du défilé dans le cadre de la fête de la bière :

Figure 26 : Le défilé à Munich à l'occasion de la fête de la bière (cédérom "Einblicke")
Figure 26 : Le défilé à Munich à l'occasion de la fête de la bière (cédérom "Einblicke")

Le temps de visionnement relativement long permet à l'apprenant de percevoir un grand nombre de détails dans le défilé qui peuvent ensuite contribuer à l'activation des schèmes conceptuels et rendre plus facile le décodage du terme "Trachtengruppen". Une séquence courte laisse au contraire peu de temps pour percevoir les détails et elle rend ainsi le décodage des unités lexicales plus difficile.