3.2.1. Le rappel guidé

Les exercices de "rappel guidé" se caractérisent par une proposition de plusieurs unités lexicales au choix que l'utilisateur doit renseigner dans les champs vides. Parmi ces exercices, nous distinguons des exercices "en contexte" et en "contexte réduit" et différentes manières de guidage.

Les exercices proposés en contexte se basent sur une présentation préalable d'un film vidéo ou d'un dialogue. Ils sont également accompagnés d'un texte présentant un fil conducteur. Ainsi, ils visent la pratique de l'utilisation des unités lexicales dans le discours. Le rappel des unités lexicales peut se baser sur deux processus d'anticipation. Premièrement, l'activité cognitive de l'apprenant est guidée par un processus perceptif obéissant à la "loi de clôture" qui postule qu'il existe chez l'individu une tendance à "fermer" les figures ouvertes, c'est-à-dire à compléter les situations incomplètes" (Guimelli et Rouquette, 1979 : 11). Deuxièmement, on peut supposer des processus d'amorçage conduisant à une activation ou à une anticipation des structures cognitives (Hörmann, 1972 : 129) et à un rappel des unités lexicales à partir des termes présents dans la phrase.

Les exercices étudiés ci-dessous sont des exercices à trous. Ils proposent à l'utilisateur un choix d'unités lexicales dont la présentation diffère. De cette manière, le degré de difficulté de l'exercice change :

  • Guidage avec difficulté dégressive :

Dans un premier type de guidage, les concepteurs demandent de placer autant d'unités lexicales que l'exercice contient de champs à renseigner. Au fur et à mesure que l'utilisateur avance dans l'exercice, les termes à placer diminuent et la difficulté de choix diminue. L'exercice du cédérom "Tell memore" reproduit ci-après en montre un exemple :

Figure 52 : exercice à trous (cédérom "Tell me more")
Figure 52 : exercice à trous (cédérom "Tell me more")

Il convient de bien comprendre la succession des tours de parole pour pouvoir sélectionner ensuite l'unité lexicale à placer dans le champ vide. Pour le premier champ vide, l'apprenant doit choisir parmi cinq possibilités et chaque fois qu'il en a sélectionné une, le nombre d'unités lexicales au choix diminue progressivement; et avec lui l'effort cognitif à fournir.

  • Guidage avec une difficulté constante :

Dans un autre type d'exercice, il convient de compléter les phrases en sélectionnant une unité lexicale parmi trois possibilités. C'est le cas d'un exercice du cédérom "Einblicke" :

Figure 53 : exercice à trous (cédérom "Einblicke")
Figure 53 : exercice à trous (cédérom "Einblicke")

Le travail demandé à l'apprenant est ici le même que pour l'exercice précédent, mais pour chaque champ vide, l'apprenant a trois unités lexicales au choix. L'exercice garde donc une difficulté constante. En ce qui concerne l'intérêt des deux exercices mentionnés, trois remarques s'imposent par rapport à la révision du vocabulaire, à l'effort cognitif engagé et la perception des unités lexicales incorrectes.

En ce qui concerne la révision du vocabulaire, les deux exercices permettent de revoir les unités lexicales présentées dans le dialogue préalable. Comme les phrases sont cependant les mêmes que dans le dialogue et que les mots à placer ne nécessitent plus de transformation grammaticale (déclinaison, conjugaison), l'apprenant n'est pas incité à réfléchir sur le fonctionnement syntaxique des unités lexicales.

Par rapport à une situation d'encodage libre, on regrette l'effort cognitif peu profond à fournir puisque les unités lexicales sont déjà affichées. Ainsi, l'utilisateur ne possède aucune liberté concernant le choix des unités lexicales, alors que d'autres réponses valables auraient été possibles. Une recherche libre aurait de plus permis d'éviter la perception des deux unités lexicales incorrectes. En outre, comme l'a montré une observation des étudiants lors de leur travail avec cet exercice, les utilisateurs ne connaissent souvent même pas la signification des unités lexicales à choisir. Enfin, l'affichage des trois unités lexicales au choix risque de détourner l'activité cognitive des apprenants. Au lieu de se concentrer sur la recherche de l'unité lexicale à renseigner dans le champ prévu à cet effet, ils se tournent directement vers les trois unités lexicales affichées pour en sélectionner une, ou pour éliminer, en cas de doute, celles qui semblent ne pas convenir. Le processus d'amorçage se trouve alors perturbé.

Les exercices proposés en contexte réduit sont constitués de phrases isolées suivies d'un champ vide qu'il convient de renseigner avec une unité lexicale. Nous évoquerons trois types d'exercices qui se distinguent par la stratégie employée pour trouver la solution.

  • Chercher les co-occurrents correspondant à une présentation préalable :

Lorsque l'utilisateur doit répondre à des questions de compréhension par une seule unité lexicale, il effectue un travail sur les co-occurrents pour les verbes évoqués dans la question. Il peut se baser pour cela d'une part, sur un texte présenté au début de l'unité et d'autre part, sur l'indication des six mots à placer (pour six champs vides) :

Figure 54 : placer des unités lexicales (cédérom "Reflex' Deutsch")
Figure 54 : placer des unités lexicales (cédérom "Reflex' Deutsch")

Les seuls verbes n'admettant qu'une solution sont "getrunken" (Wein getrunken) et "gebadet" (im Swimmingpool gebadet). Pour les autres verbes, plusieurs solutions sont possibles. Ainsi, on peut peindre les "masques", les "verres", le "Swimmingpool", les "murs" et les "coussins". La connaissance du texte s'avère ainsi importante pour pouvoir associer les verbes aux noms correspondants. Malheureusement, l'apprenant n'a pas à écrire des phrases complètes, ce qui aurait permis un entraînement à un encodage libre. En effet, la construction des phrases est suffisamment prévisible pour pouvoir faire vérifier les phrases par le programme.

Former des mots composés en variant le deuxième composant :

Une possibilité de solliciter un travail lexical sur la composition des mots est la proposition d'un exercice où il convient de former différents mots composés à partir d'un premier composant "fixe". L'utilisateur doit trouver le deuxième composant à partir des indications données dans l'exercice. Dans notre exemple, le premier composant "fixe" est "Reise". Pour les composants à trouver, l'exercice propose des indications sous forme d'une phrase. En cliquant sur le bouton "Aide", l'utilisateur obtient une liste de mots à placer comprenant autant de mots que de champs vides :

Figure 55 : exercice "composition de mots" (cédérom "Einblicke")
Figure 55 : exercice "composition de mots" (cédérom "Einblicke")

L'apprenant comprend, d'après le titre de l'exercice "Wortkomposition mit Reise ", que la structure des unités lexicales contient deux termes et que toutes les unités lexicales à trouver comportent le composant "Reise". Le deuxième composant correspond à la précision sémantique indiquée par la définition comme, par exemple, "Versicherung" pour "macht … sicher". Faute d'un contexte large, les indications dans les différentes phrases ne sont cependant pas assez précises et leur décontextualiation empêche l'emploi des stratégies d'inférence et d'anticipation. Il semble alors difficile de trouver les réponses justes sans se servir du bouton d'aide. En appuyant sur le bouton "Hilfe", le programme affiche les termes à renseigner dans les champs vides. A partir des articles définis, l'utilisateur peut reconnaître le genre du terme composé et sélectionner l'unité lexicale à renseigner dans un champ vide. C'est donc un exercice complexe faisant intervenir aussi bien des connaissances sémantiques et procédurales par rapport au rappel des unités lexicales, que des règles de regroupement de morphèmes. Les mots composés sont présentés par contre "tout prêts", et l'apprenant est en quelque sorte abandonné à lui-même s'il veut s'interroger sur les règles sous-jacentes. Ainsi, un problème peut se poser pour la jonction des composants puisqu'il existe divers éléments de liaison (-s, -es, -en, -ens,-e, -er) et "un même élément déterminant peut également entrer dans des composés avec des jonctures différentes" (Schanen et Confais, 1989 : 365).

Cet exercice est aussi dépourvu de toute incitation à une compréhension des règles et on ne trouve pas non plus d'explications complémentaires. Les concepteurs de l'exercice auraient, par exemple, pu évoquer les rôles des deux composants qui peuvent se compléter dans leur signification tout en prenant un poids différent dans le mot composé : en tant que composant principal, le deuxième composant détermine le genre du terme composé et l'objet ou l'agent dont il est question. Le premier composant fournit, à son tour, des précisions sémantiques et il contribue à restreindre la signification du deuxième composant. Du point de vue de l'apprentissage lexical, une explication de la formation des mots composés aurait pu permettre une prise de conscience du fonctionnement de la langue allemande. Elle aurait également pu aider l'utilisateur à organiser son vocabulaire, à le retenir à long terme et à générer lui-même les unités lexicales.

Former des mots composés en variant les deux composants :

Un deuxième type d'exercice sur les "mots composés" demande à l'apprenant de varier les deux composants. Il doit trouver les mots composés à partir des indications données par chaque question. Dans notre exemple, chaque question contient deux noms qu'il convient de réunir pour former un mot composé :

Figure 56 : exercice de construction de mots composés (cédérom "Reflex' Deutsch")
Figure 56 : exercice de construction de mots composés (cédérom "Reflex' Deutsch")

En ce qui concerne la règle de construction des "mots composés", importante pour les créations libres, il n'est pas sûr que l'apprenant la comprenne à partir d'un seul exemple (par rapport à "Arbeitsamt"). En cas d'erreur, le programme barre la réponse incorrecte. Dans l'optique de l'incitation à un travail métacognitif, on aurait préféré l'affichage de la solution dans une fenêtre à part. Ainsi, l'apprenant aurait pu comparer sa construction lexicale avec celle proposée par le cédérom et il aurait pu essayer de comprendre quelle règle de construction lexicale il n'a pas maîtrisée.