3.4. Les exercices ouverts

Les exercices ouverts permettant un encodage libre des unités lexicales sont extrêmement rares sur les cédéroms. Le cédérom "Reflex' Deutsch" propose cependant aux utilisateurs de composer des rédactions par rapport à des questions "ouvertes" qui se trouvent en général à la fin de la plupart des leçons. Dans cette activité, où ils choisissent librement le vocabulaire et la tournure des phrases, la machine n'est plus en mesure d'apporter des corrections. Afin de proposer malgré tout une aide aux utilisateurs, le cédérom offre deux possibilités pour améliorer la compétence écrite : l'envoi des textes écrits au "service professeur" et la proposition d'exemples rédigés par d'autres apprenants qui ont été corrigés et annotés par un enseignant d'allemand.

L'envoi des textes et de la correction par le biais des TIC (et précisément par courrier électronique) rentre dans une démarche de correction par un enseignant "humain". La correction des textes ne peut par contre pas être garantie comme le précise le manuel d'utilisation (p. 22) : "Néanmoins, l'éditeur ne garantit pas la réponse systématique à toutes les activités et à tous les utilisateurs". La solution des corrections à distance ne constitue donc pas une solution ultime. Le cédérom propose alors à l'apprenant de consulter des "exemples corrigés annotés", accessibles par le biais d'une connexion Internet au "service professeur" et de l'ouverture de la page "activités corrigées". Il y trouve un exemple pour chaque tâche de rédaction. Ainsi, les concepteurs du cédérom ont tenté de compenser le manque de correction systématique par un enseignant de langues. Or, cette aide correspond-elle effectivement aux besoins des apprenants en terme de développement de l'interlangue et par rapport à la gestion du processus d'apprentissage ?

Si nous tenons compte des recherches effectuées en matière d'interlangue et notamment par Giaccobbé (1992) qui défend la thèse que l'interlangue est une construction propre à l'apprenant, il convient de s'interroger sur l'utilité des erreurs des autres apprenants. En termes d'influence de la langue maternelle vers la langue cible, un apprenant polonais établit, par exemple, d'autres hypothèses qu'un apprenant français puisque le français et le polonais ne fonctionnent pas de la même façon. On trouve certes dans les productions des apprenants des erreurs "classiques" dues aux transferts intralinguaux, mais la consultation de ces corrections permettra-t-elle d'éviter des erreurs ? Et suffira-t-il de les corriger en ajoutant quelques commentaires ? Nous essayerons d'éclaircir ces problèmes en étudiant un exemple de correction proposé par le cédérom "Reflex' Deutsch".

Dans l'exercice (leçon 9) présenté ci-dessous, l'apprenant doit comparer une situation proposée par la leçon (un enfant de quatre ans désobéit à sa mère) avec une situation qui pourrait avoir lieu dans son pays natal. Pour la correction des erreurs, les concepteurs du cédérom ont présenté dans un premier temps la question, puis un texte d'un apprenant en faisant ressortir les passages erronés en caractères gras, ensuite la correction du texte où les formes correctes ont été signalées en caractères gras et enfin, des commentaires par rapport aux erreurs corrigées :

Figure 65 : modèle de correction (cédérom "Reflex' Deutsch")
Figure 65 : modèle de correction (cédérom "Reflex' Deutsch")

On observe que les erreurs corrigées sont surtout de nature grammaticale, mais elles méritent malgré tout quelques remarques, sachant que les deux disciplines, le lexique et la grammaire, sont "en interaction constante et que l'étude de l'une ne peut être menée que conjointement avec l'étude de l'autre" (Tréville et Duquette, 1996 : 20).

Regardons la complétude et l'exactitude des corrections : nous observons que le correcteur n'a pas corrigé la totalité des erreurs (les erreurs qui auraient nécessité une correction, sont encadrées) puisqu'il aurait fallu supprimer, par exemple, les unités lexicales "es" et "schon", conjuguer le verbe "können" au pluriel, et changer "manchmal" de place (correct : "Nur aus Trotz entscheiden sie sich manchmal für etwas anderes"). De plus, on note un problème au niveau de la référenciation (on se demande à quelle correction se rapporte une explication), de l'exactitude des explications et de la langue utilisée pour les explications. L'unité lexicale "Trotz", par exemple, a été corrigée sans être signalée. S'agissant, de l'explication (3), l'apprenant découvre une régle générale qui ne lui permet pas de corriger son hypothèse d'interlangue. Enfin, les explications sont proposées en langue cible, ce qui peut poser des problèmes de compréhension pour certains apprenants. La diversité des différentes langues maternelles des utilisateurs a sûrement contraint les concepteurs à choisir une langue commune à tous les utilisateurs. En contrepartie, ce choix montre aussi le caractère peu individualisé du cédérom.

Du point de vue de l'utilité de la correction, il faudrait donc émettre des réserves. La présentation des exemples de correction complète et exhaustive demanderait aussi un grand investissement en temps sans pouvoir aboutir à une prévention systématique et individualisée des erreurs.