5.5. Développer des compétences métacognitives

Par rapport aux cours classiques dispensés en salle de classe, le travail avec les cédéroms implique en général une "présence éloignée" de l'enseignant. L'apprenant est davantage sollicité pour la gestion de son apprentissage. L'enseignant est aussi un évaluateur de l'apprenant (Rouet, 2001 : 54) :

‘"L'une des qualités des systèmes d'apprentissage multimédia est de mettre l'élève en situation de s'auto-évaluer, voire d'évaluer le comportement d'autrui." (Rouet, 2001 : 54) ’

La compétence d'auto-évaluation demande à l'apprenant de s'interroger sur la qualité de ses propres productions langagières et de mettre en œuvre des processus métacognitifs. Rappelons-nous que la métacognition concerne d'une part, le déroulement des processus cognitifs et d'autre part, l'action du sujet en tant que régulateur de son activité intellectuelle. La métacognition est "un processus mental dont l'objet est soit une activité cognitive, soit un ensemble d'activités cognitives que le sujet vient d'effectuer ou est en train d'effectuer, soit un produit de ces activités cognitives. La métacognition peut aboutir à un jugement (habituellement non exprimé) sur la qualité des activités mentales en question ou de leur produit et éventuellement une décision de modifier l'activité cognitive, son produit ou même la situation qui l'a suscitée" (Noël, dans : Poussard, 2000 : 252-253).

Une réflexion métacognitive efficace demande donc une participation importante de l'apprenant et la capacité de prendre de la distance par rapport aux activités cognitives préalables. Le développement cognitif individuel de chaque apprenant et la diversité des enseignements que ces derniers ont pu avoir reçus, nous a conduit à postuler dans notre cinquième hypothèse que les réflexions métacognitives varient d'un apprenant à l'autre, mais qu'il est possible de développer cette compétence moyennant des exercices adaptés. Or, comme le volet de l'auto-contrôle et de l'auto-régulation est considérablement négligé pour les quatre cédéroms étudiés, il nous a semblé intéressant de proposer un exercice destiné à développer cette compétence et à étudier le comportement métacognitif des étudiants.

En vue du développement des compétences métacognitives, nous avons opté pour une démarche progressive : sachant qu'il peut être difficile de prendre de la distance par rapport à son propre travail, nous avons souhaité faciliter la tâche des étudiants en leur demandant un travail par rapport aux erreurs des autres participants du groupe. Utilisé en initiation au travail en autonomie, cet exercice devrait ainsi amener les apprenants progressivement vers une régulation des problèmes lexicaux rencontrés. Une fois que les apprenants sont habitués à chercher les erreurs dans les productions écrites, à les analyser et à déterminer des actions d'apprentissage, on peut leur proposer le même travail avec leurs propres productions écrites.

Pour pouvoir recueillir des données empiriques, nous avons demandé à un groupe de 10 étudiants de travailler par paires et d'échanger des productions écrites en langue allemande. Une fiche de travail "correction" (annexe 2), comprenant des activités précises, devait les guider. Dans un premier temps, les étudiants ont corrigé le texte du "partenaire", puis, ils ont suggéré des activités visant la prévention des erreurs pour une rédaction ultérieure et, enfin, ils ont réfléchi sur leurs acquisitions personnelles dans le rôle du correcteur, en particulier sur leur intérêt pour leurs rédactions personnelles ultérieures.

Figure 74 : travail métacognitif
Figure 74 : travail métacognitif

L'étude des notes des étudiants (dont nous n'avons finalement pu obtenir que 9 exemplaires) permet de faire des remarques concernant la méthode en général, l'engagement des étudiants, l'effet sur le travail lexical, les problèmes d'analyse des erreurs et de régulation des difficultés ainsi que le transfert des acquisitions vers une situation personnelle. En ce qui concerne la méthodologie choisie dans cette expérience, c'est-à-dire le travail par paires, nous avons obtenu la confirmation que l'analyse des erreurs est facilitée lorsque les étudiants travaillent sur un texte écrit par un camarade. Ainsi, l'étudiant (C4) remarque que "c'est plus facile de voir les fautes d'autrui". Les résultats montrent également un certain engagement des apprenants. En effet, l'étudiante (C8) formule ses commentaires et suggestions à la deuxième personne singulier "tu as certaines difficultés, tu as tendance …".

Par rapport au travail lexical, on note que le travail de correction peut être pour l'apprenant un moment privilégié pour traiter d'une manière intensive un problème lexical. C'est le cas de l'étudiante (8) qui a essayé de résoudre le problème rencontré par sa camarade en ajoutant le pronom "sich" au verbe "freuen". Les commentaires donnés par les différents étudiants montrent cependant des capacités variables d'analyse des erreurs. Ainsi, lorsque les étudiants ne trouvent pas d'explication pour une erreur, il ont tendance à l'attribuer à l'inattention, comme dans le cas des étudiants (C4, C5). De plus, on observe la difficulté à choisir des mesures adaptées pour une autorégulation : dans le cas (C5), on peut, par exemple, douter qu'un film vidéo soit très utile pour revoir les points de grammaire qui posent problème. Encore chez le même étudiant, on remarque qu'il a également du mal à projeter des acquisitions vers une utilité dans le futur puisqu'il écrit d'une manière imprécise "ce travail de relecture sera utile partout". A l'inverse, d'autres étudiants (C1, C3, C9) ont montré une plus grande capacité d'analyse en remarquant "er schreibt so, wie er spricht, es ist nicht eine gute Methode" ou "ce qui paraît simple et acquis, ne l'est pas forcément, par exemple, la place du verbe". Ces étudiants ont également eu plus de facilités à faire le lien entre cet exercice et des occasions d'applications futures puisqu'ils pensent être dorénavant "plus rigoureuse" (C1) et "plus attentive sur ces points" (C9).

Dans l'ensemble, tous les étudiants semblent avoir profité de cet exercice, même si la capacité d'analyse des erreurs et d'autorégulation n'était pas la même pour tous. Cette expérience nous a également permis de montrer que l'on peut inciter les étudiants à réfléchir de manière individuelle sur les actions de correction d'erreurs. Ainsi, ils vont pouvoir transférer (avec une réflexion plus ou moins précise) leurs acquisitions dans d'autres situations à venir puisqu'ils ont tous pu faire des remarques par rapport à l'utilité des acquisitions. Notre cinquième hypothèse est donc confirmée du point de vue des compétences métacognitives variables d'un apprenant à l'autre. Nous avons également pu montrer une manière individualisée d'inciter les apprenants à s'engager dans des activités métacognitives.