Chapitre 2. Sites Internet et apprentissage lexical

La multiplication des ordinateurs dans le monde entier et la création d'un espace de publication numérique ouvert à tout public ont fait naître une banque de données pratiquement inépuisable et comprenant différents types de documents graphiques, iconographiques et sonores. Tout utilisateur connecté à l'Internet par le biais d'un serveur peut consulter à volonté les différentes pages de cet hyperdocument gigantesque et il peut naviguer à l'intérieur des divers sites Internet. Cet accès facile aux documents ainsi que les possibilités de la technique numérique semblent ouvrir de nouvelles portes pour l'apprentissage des langues. Les ressources langagières disponibles sur les "sites Internet" que le dictionnaire (Le petit Larousse illustré 2004 : 944) définit comme un "ensemble de pages Web accessibles via Internet sur un serveur identifié par une adresse" sont très vastes, mais elles varient dans leur utilité pédagogique. Ainsi, Mangenot (2003 : 1) propose de distinguer les "ressources pédagogiques" et les "ressources brutes" : de par l'objectif de leur conception, les premières sont directement utilisables par l'apprenant ou l'enseignant. Les secondes, au contraire, n'ont pas été conçues pour faciliter l'apprentissage, mais plutôt pour s'informer. Si l'on souhaite les employer dans le cadre d'un cours de langue, il convient de donner aux apprenants des consignes spécifiques afin de les rendre exploitables. Un autre type de ressources brutes correspond à des "outils comme les correcteurs, les concordanciers [et] les dictionnaires" Mangenot (2003). Nous ne les traitons pas dans ce travail, mais une analyse complète se trouve chez Rüschoff et Wolff (1999).

Quel est maintenant l'apport des sites Internet pour l'acquisition lexicale ? Evidemment, il ne nous est pas possible d'étudier l'ensemble des sites Internet publiés en langue allemande, ni tous les sites créés pour l'apprentissage de l'allemand comme langue seconde. Nous sommes plutôt contrainte de nous concentrer sur un échantillon représentatif. Pour cela, nous avons choisi un seul site offrant une multitude d'activités langagières pour les apprenants d'allemand et comprenant aussi bien des documents didactisés que des documents authentiques. Ce site s'appelle "LernNetz Deutsch" et il a été conçu spécialement pour l'apprentissage de la langue allemande. Nous proposons de l'aborder d'un point de vue psycholinguistique, cognitif et linguistique et nous souhaitons connaître les stratégies employées par les étudiants pour comprendre la signification d'une unité lexicale inconnue et pour apprendre à les utiliser librement.

Après une présentation du site et des particularités liées à cet environnement multimédia, nous examinerons les conditions de décodage et d'encodage des unités lexicales. Nous analyserons l'influence qu'exerce le support informatique (images, textes, explications de l'auteur) sur la compréhension lexicale et nous verrons l'importance du savoir et du savoir faire de l'apprenant lui-même (connaissances du sujet, stratégies utilisées). En outre, nous nous interrogerons sur les différentes possibilités de transfert d'informations lexicales à l'intérieur d'un hyperdocument. En ce qui concerne l'encodage des unités lexicales, nous analyserons différents types de tâches visant un entraînement à la production écrite en langue allemande. Nous nous intéresserons à leur utilité pour l'apprentissage lexical et nous les comparerons avec les exercices autocorrigés proposés par le site. Enfin, nous consacrerons un dernier point à la médiation du savoir et du savoir-faire. Suffit-il de placer un apprenant devant l'écran de l'ordinateur ? Ou l'enseignant doit-il être présent lorsque ses apprenants travaillent avec un site Internet ? Quelle importance peut-on accorder à la médiatisation technologique ? Nos questions sont nombreuses; et par ailleurs, notre travail s'articule autour de six hypothèses précises. Trois hypothèses traiteront les conditions de décodage des unités lexicales :

  1. Les explications de vocabulaire fournissent une aide appréciable pour le décodage des unités lexicales, mais elles ne sont pas suffisantes en quantité, et pour certaines, elles ne sont pas assez claires et compréhensibles. Dans l'ensemble, elles ne correspondent donc pas entièrement aux besoins des apprenants.
  2. Le travail avec les sites "grand public" permet l'emploi des stratégies de décodage liées à l'organisation spécifique de ces sites.
  3. Les étudiants n'exploitent pas toujours l'ensemble des stratégies de décodage possibles.

Trois hypothèses supplémentaires concernent les conditions d'encodage des unités lexicales :

  1. Le site "LernNetz Deutsch" propose des activités langagières motivantes.
  2. La quantité des reprises de vocabulaire dépend du type de support de travail et de la tâche de rédaction.
  3. L'efficacité de l'apprentissage lexical dépend de la tâche de rédaction, mais il manque des informations déductibles du support textuel et l'emploi des stratégies adaptées par les apprenants.

Afin de vérifier nos hypothèses, nous avons organisé des enquêtes auprès de nos étudiants d'allemand inscrits au Centre de langues de l'université Lumière Lyon 2 au cours des années 2002/2003 et 2003/2004. De plus, nous utiliserons un corpus de rédactions écrites de ces étudiants par rapport à différents types de tâches écrites. Enfin, les résultats de cette analyse nous permettront dans la conclusion de préciser l'apport des TIC pour l'apprentissage lexical et de préciser les activités qui peuvent se faire sans le recours au support numérique.