2.2. Les actions de la machine et de l'apprenant : qui contrôle l'échange ?

Une situation interactive suppose un échange entre au moins deux acteurs et cet échange doit être, dans les conditions idéales, alimenté et contrôlé d'une manière équilibrée par les acteurs participant à l'échange. Ainsi, lorsqu'un des deux acteurs reste passif, il ne peut pas y avoir d'échange interactif. Dans le cas du travail avec le site "LernNetz Deutsch", qui sont les acteurs de cet échange "machine - utilisateur" ? En effet, la machine en elle-même ne sait pas réagir sans être programmée, mais elle sait faire des choses qui ont été programmées (comparer une donnée avec une donnée préenregistrée et l'afficher, vérifier une réponse de l'apprenant par rapport à une réponse type). Elle sait aussi transmettre des consignes et explications en différé qui vont provoquer une réaction chez l'apprenant. Ainsi, l'auteur du site et la machine se confondent. Nous proposons de les considérer, pour notre analyse du contrôle des échanges entre la machine et l'utilisateur, comme un seul acteur. Nous étudions ci-dessous plusieurs situations que nous avons classées par ordre croissant de complexité. En outre, nous verrons dans quelle mesure le dialogue entre la machine et l'apprenant est un dialogue constructif permettant à ce dernier d'avancer dans le développement de ses connaissances lexicales.

Au cours du travail avec le site "LernNetz Deutsch", les échanges entre le programme et l'utilisateur consistent souvent en un simple affichage de données textuelles, sonores ou iconographiques à partir d'un lien prévu par l'auteur. Le programme a comme unique fonction de fournir la ressource demandée. C'est le cas pour l'affichage des exercices, des listes de vocabulaire, des informations complémentaires ou encore des documents. L'image ci-dessous (leçon n° 4) montre comment ces liens sont disposés à l'intérieur des différentes consignes de travail :

Figure 9 : proposition d'exercices qui seront affichés à la demande de l'apprenant
Figure 9 : proposition d'exercices qui seront affichés à la demande de l'apprenant

L'auteur a prévu plusieurs étapes de travail que l'utilisateur parcourt en ouvrant les différents liens au fur et à mesure. Les consignes sont très directives et le travail de l'apprenant est parfaitement guidé sans qu'il ait besoin de se préoccuper de son processus d'apprentissage; mais également sans qu'il puisse demander des informations non prévues. On n'observe donc aucun dialogue interactif.

Des "fonctions d'aide à la recherche d'informations" rencontrées dans certaines leçons permettant l'affichage des informations recherchées. Elles nécessitent la saisie d'un critère de sélection, comme dans les exemples, "Routenplaner" (unité n° 1) servant à établir une route à travers différentes villes, le "Reimlexikon" (unité n° 31) pour trouver des mots à finale spécifique, ou encore des moteurs de recherche comme "Paperball" (unité n° 22) pour lire des articles de journaux par rapport à un thème précis.

Dans l'unité n° 31, l'auteur du site préconise l'utilisation du "Reimlexikon" (pour lequel il propose un lien) en demandant à l'apprenant de créer lui-même un poème :

‘"Bist du bereit, ein eigenes Gedicht zu schreiben, vielleicht mit einem ähnlichen Thema ? Versuch es bitte ! Falls du reimen willst : hier gibt es ein Reimlexikon." ( http://194.68.97.106/lernnetz/ , page consultée le 7.6.2004)’

Pour travailler avec le "Reimlexikon", on saisit, par exemple, la terminaison "licht" dans le champ prévu, on lance la recherche, et la machine propose 364 mots (s'affichant sur des écrans successifs) qui se terminent de la même façon :

Figure 10 : assistant électronique pour trouver des rimes
Figure 10 : assistant électronique pour trouver des rimes

L'auteur du site intervient avec une consigne permettant le démarrage de l'activité langagière. Ensuite, cet exercice demande à l'apprenant une démarche active par la saisie du dernier élément de l'unité lexicale recherchée. Il obtient une réponse individualisée qui dépend de l'information saisie. La machine met ainsi au service de l'utilisateur sa capacité de recherche rapide sans permettre un dialogue interactif.

Dans les "exercices fermés", le programme va évaluer les réponses de l'apprenant. Ces exercices se caractérisent par le fait qu'il ne peut y avoir qu'une réponse juste. L'exemple ci-dessous montre un exercice de vocabulaire où l'utilisateur doit trouver le genre correct en sélectionnant une réponse parmi trois possibilités :

Figure 11 : exercice d'apprentissage des articles
Figure 11 : exercice d'apprentissage des articles

La machine compare la réponse de l'apprenant avec la réponse préenregistrée et l'informe si la réponse est "juste" ou "faux". En fin d'exercice, elle calcule un pourcentage de réussite. Au lieu d'un simple affichage d'une information demandée, la machine traite les données saisies par l'utilisateur et renvoie un feedback. Ce processus s'avère important pour l'acquisition langagière en général puisqu'il permet pour l'apprenant une vérification de ses hypothèses lexicales. Une fois le message d'évaluation reçu, c'est à l'apprenant de décider s'il souhaite s'arrêter ou recommencer l'exercice. Peut-on parler alors d'une situation interactive où chaque acteur contrôle une partie de l'échange ? Sûrement plus que lors d'un simple affichage de renseignements, puisque la machine renvoie un "retour" face à la saisie d'une donnée langagière. Comparé à un feedback fourni par un enseignant "humain", la machine ne peut cependant pas donner de renseignements complémentaires si la réponse de l'apprenant est "fausse" et si l'apprenant voudrait connaître l'origine de son erreur.

Le travail le plus complexe fournit par la machine peut être constaté pour les programmes "d'assistants à la création d'exercices" comme "Hot Potatos " ou "Übungen selbstgemacht". En tant que programme auteur, "Hot Potatos" nécessite une familiarisation dans le maniement des différentes étapes du logiciel. Cela peut être intéressant pour les apprenants aimant manipuler les données informatiques, mais probablement trop exigeant pour les autres. Le programme "Übungen selbst gemacht" se caractérise en contrepartie par une grande facilité de manipulation des données.

Dans l'unité n° 22, l'auteur du site suggère aux apprenants de créer des exercices de vocabulaire pour leurs camarades de classe et il propose à cette fin un lien vers l'assistant de création d'exercices "Übungen selbstgemacht" :

‘"Du übernimmst jetzt sozusagen die Rolle des Lehrers. Bereite den Text als Arbeitsmaterial (Wörterliste, Übungen, Spiele ) für deine Klassenkamaraden vor. […] Erstelle Übungsblätter ! Es gibt hier ein Programm, das die Arbeit erleichtert. Mache einen Lückentext, damit deine Klassenkamaraden Vokabeln trainieren können ! Wähle Vokabeln, die nützlich sind." ( http://194.68.97.106/lernnete/ , page consultée le 7.6.2004)’

Pour créer un exercice, il suffit de copier un texte dans une fenêtre prévue à l'écran et de choisir un type d'exercice parmi trois possibilités : le texte à trous, l'association de titres et de paragraphes ou la remise en ordre de paragraphes. Le programme se présente à l'écran de la façon suivante :

Figure 12 : programme d'assistant d'exercice
Figure 12 : programme d'assistant d'exercice

Du côté du programme, nous observons un traitement actif des informations lexicales saisies par l'utilisateur. En transformant le texte d'après les consignes obtenues, la machine fournit une réponse permettant de prolonger le travail de l'apprenant ou de ses camarades de classe. Cette possibilité technique amène l'utilisateur à se questionner sur ses besoins en matière d'apprentissage lexical. Ainsi, il se posera les questions "quel texte contient les unités lexicales que je voudrais apprendre ou réviser ?" et "quelles sont les unités lexicales que je ne maîtrise pas ?". En vue d'une responsabilisation des apprenants pour leur travail lexical, cet exercice présente un moyen intéressant pour les faire réfléchir sur l'apprentissage de la langue. Le fait que les consignes soient en langue allemande représente néanmoins une difficulté supplémentaire qui peut nécessiter l'aide de l'enseignant de langues. Elle permet en contrepartie un échange fonctionnel entre le programme et l'apprenant, la langue cible servant d'outil de travail.

En travaillant avec le site "LernNetz Deutsch", l'apprenant rencontre un niveau d'interactivité très simple où il est question d'un échange d'information qui peut (comme pour les exercices corrigés, ou le cas de l'assistant de création d'exercices) aller au-delà d'un affichage des informations demandées. Du côté de l'apprenant, les informations reçues de la part de la machine l'amènent à un traitement cognitif plus ou moins élaboré. Ainsi, l'apprenant doit réfléchir aux données qu'il doit saisir pour obtenir une réaction souhaitée par la machine. En contrepartie, au-delà des informations (ou processus de traitement des données langagières) préenregistrées, la machine ne peut pas fournir de réaction. L’utilisateur doit poursuivre son exercice tout seul sans pouvoir demander une intervention complémentaire à la machine (ni pour une explication d'une consigne mal comprise, ni pour l'explication d'une erreur commise dans un exercice).