5.2. La médiation technologique

Même si la médiation technologique n'est qu'une "représentation" sur un support textuel, graphique, iconique ou sonore, un enseignant de langues souhaitant faire travailler ses apprenants sur un site Internet didactisé (comme, par exemple, le "LernNetz Deutsch"), attend beaucoup de la faculté de médiation par la technologie. Un grand avantage des pages Internet est le fait qu'elles soient consultables à tout moment. La technologie permet donc un accompagnement à distance qui est rapide sans avoir à attendre un courrier postal, facile (une mise à jour est rapide et peu coûteuse) et accessible pour les apprenants qui ne peuvent pas se déplacer (pour des raisons d'éloignement géographique ou de santé). Quel savoir ou savoir-faire peut cependant être transmis à l'intermédiaire du support numérique ? Nous proposons d'étudier son rôle de médiation pour la fourniture d'un input authentique en langue cible, par la formulation de différentes consignes, par la proposition d'aides langagières et techniques, ainsi que par la correction automatique des exercices "fermés".

Avec les documents authentiques, les sites Internet fournissent un input authentique en langue cible permettant à l'apprenant d'être en contact avec des unités lexicales utilisées couramment par les locuteurs natifs. Bien sûr, certaines unités lexicales peuvent être difficiles à comprendre et faire, de plus, partie du dialecte d'une région. En contrepartie, la navigation sur des sites Internet authentiques comme, par exemple, celui d'un restaurant en Bavière, permet une bonne préparation à une situation "réelle". Au travers de la médiation technologique, l'apprenant acquiert donc un savoir lexical fonctionnel.

En outre, la navigation sur des sites Internet permet de rechercher des informations récentes par rapport à un thème étudié dans une leçon. Ainsi, il est possible d'effectuer un voyage virtuel dans une ville de son choix, de faire des courses virtuelles dans un magasin on-line ou de s'informer sur les films projetés dans les cinémas allemands. Généralement, les informations publiées sur les pages Internet sont souvent mises à jour (puisqu'il est plus rapide d'actualiser un site Internet que de réimprimer un livre) et la médiation technologique rend alors possible le contact avec les informations normalement inaccessibles en cours de langue institutionnalisés classiques. Certes, il convient de garder un esprit critique par rapport à la justesse des informations publiées et il vaut mieux sélectionner des sites dont les informations semblent être fiables.

Le seul contact de lecture avec une unité lexicale nouvelle ne suffit cependant pas pour retenir l'ensemble des informations nécessaires pour son utilisation libre. Néanmoins, "l'accès au réel" peut apporter des gains au niveau de la conceptualisation de la signification des unités lexicales. Ainsi, une visite virtuelle sur des pages authentiques permet une construction du sens à partir des expériences substitutives, c'est-à-dire qui ressemblent à celles vécues par l'immersion dans le pays de la langue cible. C’est en quelque sorte un "enracinement de l'information dans un contexte bio-social" (Bélisle, 2003 : 30). D'un point de vue lexical, les technologies permettent donc un "accès aux concepts" où la technologie contribue au "développement de schèmes d'usage" (Bélisle, 2003 : 30). En d'autres termes, l'apprenant peut développer, dans le cadre des usages de la population de la langue cible, des concepts mentaux qu'il associe aux unités lexicales.

Evidemment, ces informations n'ont qu'une valeur symbolique, puisque la visite virtuelle d'une ville ou d'un magasin n'est qu'une substitution à la visite dans une ville même. Néanmoins, la technologie permet de rapprocher considérablement l'apprenant de l'authentique et elle constitue dans cette optique un gain intéressant.

En ce qui concerne l'accompagnement pédagogique de l'apprenant, on note que "l'apprenant a besoin de repères quant à son apprentissage" Bélisle (2003 : 31). Lorsque l'enseignant ne peut pas être présent au moment précis où un apprenant a besoin d'être guidé dans son travail langagier, l'apprenant peut consulter une consigne ou une aide spécifique sur une page Internet prévue à cet effet. Ces pages sont préparées à l'avance en anticipant les besoins d'accompagnement spécifiques.

Pour guider le travail langagier des apprenants, il est possible d'imaginer plusieurs scénarios de travail (une mise en situation aidant au démarrage du travail, une comparaison avec son propre pays, répondre aux questions de compréhension, une rédaction personnelle par rapport à un texte didactisé, ou encore une réflexion par rapport à une problématique abordée dans une leçon). De ce fait, la médiation technologique permet de remplacer les consignes données par l'enseignant humain et lorsque les consignes sont relativement précises, les apprenants savent ce qu'ils ont à faire. Par rapport à une communication avec un enseignant de langues "en présentiel", le travail avec un site Internet a cependant un "caractère anonyme". D'un point de vue affectif, un apprenant peut alors regretter une communication avec un enseignant humain qui transmet, en même temps qu'il donne une consigne, une certaine chaleur humaine à travers des gestes corporels.

Les informations présentées sur un support numérique s'adressent cependant à un groupe de personnes ayant un but d'apprentissage commun, mais vivant des situations d'apprentissage spécifiques. Pour des raisons de clarté, l'auteur d'un document didactisé cherche alors à formuler des consignes ou aides générales pouvant intéresser l'ensemble du groupe. Pour un problème particulier ou le besoin d'un apprentissage spécifique, l'apprenant a malheureusement peu de chance de trouver une réponse individualisée. Souvent, le recours au courrier électronique (qui est possible grâce à la machine et la technologie) est une voie de secours : il permet, dans un délai relativement court, d'entrer un contact avec un enseignant humain.

En ce qui concerne les aides langagières, la technologie permet de faciliter l'accomplissement des tâches. Le site "LernNetz Deutsch" met, par exemple, à la disposition des apprenants des explications de vocabulaire, des débuts de rédactions écrites ou encore des listes de phrases types. Pour les explications de vocabulaire, nous avons vu au cours de l'analyse des conditions de décodage des unités lexicales, que les explications fournissent une aide appréciable, mais qu'elles ne suffisent pas à répondre à tous les problèmes que les apprenants peuvent rencontrer. Il en est de même pour la proposition de débuts de rédactions ou des listes de phrases types. Ces aides peuvent être intégrées dans une rédaction écrite, mais elles ne peuvent pas résoudre tous les problèmes liés à l'encodage des unités lexicales.

Avec la propositiond'aides techniques (comme par exemple, le planificateur des routes), la machine transmet un savoir "assemblé", c'est-à-dire après un traitement et une combinaison de plusieurs données.

Par ailleurs, dans le cas des exercices fermés, la médiation technologique permet de fournir un feedback simple, individualisé, immédiat et apprécié par les apprenants. Une correction automatiquen'est cependant possible que pour certains types d'exercices et elle est impossible pour les productions libres. Néanmoins, un travail ciblé avec ces exercices permet de développer les connaissances procédurales langagières sans pour autant pouvoir se substituer à un entraînement de l'utilisation libre des unités lexicales.

La machine peut donc, à travers des données préenregistrées, guider les apprenants dans leur travail langagier et répondre à un certain nombre de questions courantes et prévisibles. Elle assure un accès rapide et facile aux informations authentiques, fonctionnelles et utiles. Comme les données préenregistrées n'ont cependant qu'un caractère général et qu'il manque une vraie interactivité et une adaptation de la machine aux besoins spécifiques des apprenants. En outre, au cas où un apprenant n'aurait pas compris une consigne ou une aide préenregistrée, il ne peut pas demander à la machine une explication complémentaire. Il reste "frustré" devant la machine et va éventuellement abandonner son travail. Par ailleurs, ce manque d'échange et de négociation peut rendre également plus difficile une incitation à la métacognition : alors que l'enseignant s'adapte à une réaction d'un apprenant, la machine ne peut donner que des conseils types.