7. Conclusion

Le matériel de travail langagier proposé par le site "LernNetz Deutsch" met à la disposition des apprenants une grande variété d'activités langagières. En outre, il propose un travail avec des documents authentiques et c'est avec cette particularité qu'est née une de nos premières préoccupations pour l'analyse du travail langagier avec le site "LernNetz Deutsch" : étudier si les pages Internet "grand public" apportent, comparé aux documents didactisés, un enrichissement pour le travail lexical. Bien que dans la réalité de l'apprentissage diverses influences agissent ensemble, il nous a paru nécessaire de les séparer pour considérer les champs d'actions du didacticien. A cette fin, nous distinguons les conditions générales d'apprentissage et le travail lexical proprement dit. Enfin, les sites Internet constituent un support de médiatisation par excellence qui est susceptible d'engendrer un bouleversement du rôle de l'enseignant de langues.

Les résultats de notre recherche montrent que grâce à des textes intéressants et à une présentation claire et colorée, un site Internet comme "LernNetz Deutsch" constitue un support de travail motivant. Les apprenants se réjouissent de pouvoir choisir librement les activités, bien que cela ne soit pas toujours sans problèmes. Faute d'indications du niveau linguistique requis pour travailler avec une leçon, et de renseignements sur le contenu des tâches proposées dans une leçon, le choix d'une unité de travail ne peut se faire qu'en fonction de l'intérêt manifesté pour le sujet abordé dans la leçon. Même si le site est accessible à distance et se prête naturellement à un travail en autonomie, les apprenants ont besoin des conseils d'un enseignant (connaissant bien le site) pour choisir leur activités.

Même si le travail avec le site permet d'afficher des consignes de travail relativement claires, le degré d'interactivité entre l'apprenant et la machine reste assez faible. En effet, la médiatisation technologique est limitée par un pré-enregistrement des données rendant impossible un dialogue libre entre le programme et l'apprenant. Néanmoins, une comparaison avec la navigation sur les sites Internet "grand public" fait ressortir la contribution de la didactisation par un pédagogue. En effet, le travail avec le site "LernNetz Deutsch" pose moins de problèmes d'orientation, ce qui devrait contribuer à diminuer la charge cognitive sollicitée pendant la navigation sur les pages Internet non didactisées. Par ailleurs, une navigation sur les pages "grand public" implique le risque que l'attention de l'apprenant soit détournée par des détails séduisants qui ne se rapportent pas au sujet de recherche ciblé par l'apprenant. Le travail lexical visé initialement est donc susceptible d'être ralenti.

En contrepartie, le travail avec les documents authentiques apporte deux avantages majeurs : la préparation à une situation que l'apprenant peut rencontrer ultérieurement (courses virtuelles), la possibilité d'accéder à des informations récentes qui ne sont pas encore publiées dans un manuel scolaire et l'élargissement de la palette des thèmes et des textes. Enfin, l'immersion dans le monde de la langue cible assure une exposition à un maximum d'input en langue cible. Certes, les documents authentiques présentés sur les sites "grand public" n'ont pas été conçus pour un apprenant de la langue. Le didacticien doit être conscient de la difficulté du vocabulaire employé et de la complexité des phrases. L'input langagier risque alors de ne pas correspondre à la zone proximale de développement et de ne pas être traité en tant que "intake". Une sélection préalable des sites authentiques utilisés en cours de langue ainsi que la présence directe de l'enseignant pendant la navigation sur les documents authentiques permettraient de réduire (par des explications de vocabulaire) la difficulté de l'input. Néanmoins, il s'agit là d'un remède à court terme qui ne permet pas de résoudre le problème général. Il nous a donc paru important de chercher une alternative aux explications fournies par l'enseignant qui permettrait à l'apprenant d'être plus autonome lors de la navigation sur les documents authentiques. Le recours à des stratégies de décodage des unités lexicales inconnues nous a semblé être une piste vers une meilleure compréhension du vocabulaire inconnu.

Au cours de notre étude, nous avons examiné les stratégies de décodage des unités lexicales et il est apparu que le support numérique permet de profiter, grâce à la multicanalité, d'un grand nombre de stratégies de décodage des unités lexicales. Certaines ont un caractère général (connaissances du monde, cohérence textuelle, décomposition des unités lexicales) ou sont spécifiques à la multicanalité (rapports d'équivalence sémantique). D'autres reviennent au support numérique (aides techniques) et à l'organisation hiérarchique des pages des sites Internet (hypéronyme - hyponymes). Néanmoins, nos enquêtes ont fait ressortir que les apprenants n'appliquent pas l'ensemble des stratégies mentionnées. En formant les apprenants à un travail lexical de décodage des unités lexicales, la lecture des documents authentiques peut être facilitée et l'input linguistique deviendrait plus accessible.

Sur les documents didactisés du site Internet "LernNetz Deutsch", l'auteur cherche à rendre les textes plus compréhensibles en proposant des explications de vocabulaire. Elles assurent effectivement une meilleure compréhension de l'input langagier et contribuent à un élargissement du vocabulaire. Une étude précise de la nature de ces explications a cependant aussi fait apparaître des imperfections. Lors de la rédaction des explications de vocabulaire, il convient de tenir compte des risques d'imprécision des explications dus à l'utilisation d'unités lexicales incompréhensibles, la référence aux connaissances du monde peu développées chez les apprenants, le manque d'explication de traits sémantiques importants et l'inexistence de vrais synonymes. En outre, la prévision d'une aide de vocabulaire nécessite la connaissance exacte des difficultés latentes.

L'apprentissage de l'encodage des unités lexicales comprend ensuite la connaissance de l'emploi contextuel et syntaxique. En l'absence des explications données habituellement dans un cours classique, il convient de trouver d'autres sources d'informations. Nous avons donc cherché à savoir si les textes sur les pages Internet peuvent servir de modèle et fournir suffisamment d'informations pour apprendre à utiliser les unités lexicales correctement dans une rédaction libre. Il est certes possible de déduire quelques informations lexicales des "modèles", mais cela ne peut pas se substituer à un travail systématique des connaissances de base. Un apprentissage complet suppose aussi la construction d'hypothèses langagières et un feedback permettant un ajustement de ces hypothèses. A cette fin, les tâches de rédaction libre proposées par le site "LernNetz Deutsch" semblent constituer des activités intéressantes. Il en propose différents types, sans que ces dernières contribuent de la même façon à l'apprentissage d'un encodage libre des unités lexicales. Pendant leur rédaction, il appartient au didacticien de viser des effets précis sur les compétences lexicales. En outre, il est possible de profiter de l'apport des Nouvelles Technologies en proposant des tâches spécifiques comme la présentation d'un voyage virtuel et le compte rendu des courses virtuelles. Les apprenants sont plongés dans la simulation d'une activité relativement authentique qui les prépare d'une manière fonctionnelle à une éventuelle situation ultérieure.

Par opposition aux tâches de rédaction libre qui sont corrigées par l'enseignant de langues, les exercices fermés se caractérisent par la proposition d'une correction automatique. De par leur conception, ils gardent un caractère mécanique qui les éloigne considérablement d'un entraînement pour une situation de rédaction libre. Néanmoins, il se prêtent, à condition de les insérer dans un vrai contexte, à un entraînement ciblé des connaissance procédurales (par exemple, le rappel des unités lexicales, certains co-occurrents et les formes lexicales). Evidemment, les exercices fermés sont limités par le pré-enregistrement des données et ils ne sont pas aptes à assurer un feedback personnalisé.

Enfin, la médiation pédagogique est répartie entre la médiation humaine et la médiation technologique. Complémentaires, elles jouent chacune un rôle différent. L'enseignant humain organise le démarrage et la planification du travail lexical, il s'occupe du suivi individuel de l'apprenant et il corrige les rédactions libres des apprenants. La technologie peut assumer un accompagnement général en fournissant, à la demande de l'apprenant, des informations pré-programmées. En outre, la technologie permet un enseignement des contenus authentiques par un rapprochement de l'utilisateur avec les usages langagiers de la population cible. Lors d'une intégration dans un cours avec un enseignant de langues, elle permet de dégager du temps libre pour l'enseignant. Celui-ci a alors l'occasion de travailler d'une manière intensive avec des groupes restreints. La constitution d'un parcours individualisé suppose également une sollicitation de réflexions chez l'apprenant. Une plus grande responsabilité pour son travail lexical contribue également à faire évoluer le rôle de l'enseignant. Ce dernier devient un conseiller plutôt qu'un maître et il est amené à suivre individuellement les apprenants.