Chapitre 3. Le travail en tandem

Avec la création d'un espace européen et l'ouverture des pays membres de la CEE vers les pays voisins, la communication en langue étrangère se voit attribuer une importance croissante. Ainsi, les apprenants pourront être impliqués dans des situations telles que rencontrer des amis allemands, effectuer des voyages en Allemagne, séjourner dans un pays germanophone dans le cadre de leurs études ou encore travailler avec des salariés des entreprises allemandes. Une méthode de travail basée sur la communication entre un natif de la langue allemande et un apprenant français semble alors se prêter pour préparer les situations de communication que les apprenants peuvent rencontrer.

En outre, nous constatons qu'avec l'utilisation du courrier électronique et la navigation sur les pages du Word Wide Web, le document écrit gagne en importance et il convient donc de savoir comprendre et rédiger des documents écrits sur support numérique ou sur support papier. Le travail en tandem vise directement ces compétences : les apprenants sont en contact avec des natifs de la langue allemande et échangent, grâce à une connexion Internet et le courrier électronique, des messages écrits. Ils apprennent la langue allemande en s'en servant d'outil de communication.

Qu'est-ce qu'une méthode de communication écrite, comme la méthode de travail en tandem, peut cependant apporter pour l'acquisition lexicale ? Nous tenterons de répondre à cette question en examinant les circonstances du dialogue engagé entre deux partenaires : un natif de la langue allemande qui apprend le français et un apprenant francophone. Nous chercherons à savoir si l'apprenant français travaille avec un input adapté, s'il reçoit un feedback constructif et si l'échange avec un natif de sa langue cible influence sa motivation à s'investir dans l'apprentissage de la langue allemande. Ensuite, nous nous intéresserons au travail lexical même. Quels registres lexicaux l'apprenant est-il censé de rencontrer dans les messages en tandem ? Quelles stratégies d'apprentissage peut-il mettre en œuvre pour le décodage et l'encodage des unités lexicales ? Comment le natif de langue allemande intervient-il ? Afin de répondre à ces questions, nous proposons de présenter une étude empirique qui se base sur une expérience de travail en tandem menée pendant une période de six mois de novembre 2002 jusqu'en avril 2003 avec un groupe de 18 étudiants du Centre de langues de l'université Lumière Lyon 2 qui possédaient un niveau langagier intermédiaire. Les étudiants devaient correspondre régulièrement avec leurs partenaires tandem et constituer un "dossier tandem " (annexe 4) comprenant 10 messages du partenaire allemand, 10 réponses de l'étudiant français, les corrections du partenaire tandem, une fiche de travail lexical (où ils ont noté les unités lexicales inconnues, leurs stratégies de décodage et leurs hypothèses de signification), une fiche d'analyse des erreurs (avec une réflexion par rapport aux erreurs corrigées par les partenaires tandem), un questionnaire par rapport à leur motivation à travailler en tandem et une rédaction finale où ils devaient présenter leur partenaire tandem dans son environnement culturel ainsi que le point de vue du partenaire concernant deux thèmes d'actualité. A titre de comparaison, nous avons de plus utilisé 17 textes émanant de trois manuels scolaires ("Deutsch ist klasse", "Moment mal" et "Deutsch warum"). Une analyse du corpus et des enquêtes menées auprès des étudiants nous amène à considérer trois volets principaux : les registres lexicaux utilisés dans les messages en tandem, les stratégies de décodage employées par les étudiants et les conditions de l'apprentissage de l'encodage des unités lexicales.

Les observations générales concernant la langue et le style utilisé dans les courriers électroniques ainsi que le rapport spécifique entre l'apprenant et son partenaire tandem nous conduisent à quatre hypothèses par rapport aux registres lexicaux utilisés dans les messages échangés :

  1. La langue employée dans les messages tandem ressemble beaucoup à celle employée dans la langue orale.
  2. Il existe un lien entre l'emploi des registres lexicaux et les thèmes traités.
  3. Il existe un lien entre l'emploi des registres lexicaux et le rapport entre l'énonciateur du message et son lecteur.
  4. Il existe un lien entre l'emploi des registres lexicaux et la personne qui rédige le message.

Par la suite, la présence d'un texte écrit et la relation avec le partenaire tandem, nous amène à quatre hypothèses concernant le décodage des unités lexicales :

  1. Les apprenants se servent des stratégies générales de lecture ainsi que des stratégies spécifiques au travail en tandem pour décoder les unités lexicales inconnues.
  2. Les étudiants éprouvent des difficultés pour choisir la bonne stratégie de décodage.
  3. Le travail en tandem présente des possibilités de décodage des unités lexicales qui sont liées à l'activité du partenaire tandem.
  4. La relation interactive est bénéfique pour le décodage des unités lexicales par les possibilités d'échange entre l'apprenant et le partenaire tandem.

En ce qui concerne l'apprentissage de l'encodage des unités lexicales, le travail avec les messages rédigés en langue cible par les partenaires tandem et la correction des rédactions fait apparaître deux hypothèses supplémentaires :

  1. La découverte du fonctionnement syntaxique présente des difficultés spécifiques dues à la situation d'exploration, mais aussi des avantages grâce à la présentation des unités lexicales en contexte et l'authenticité des messages.
  2. La correction du partenaire apporte un feedback formatif, aussi bien au niveau linguistique qu'au niveau métacognitif.

Enfin, nous proposons de discuter dans la conclusion l'intérêt de la méthode de travail en tandem pour le développement du lexique ainsi que les conditions requises pour un travail en autonomie.