3.3. Un feedback personnalisé

Un apprenant est toujours intéressé par la confirmation de ses progrès d'apprentissage et il semble important qu'il puisse recevoir une vérification des hypothèses qu'il a employées lors de la rédaction des messages en langue cible. Cette vérification, d'une part, le motive à poursuivre son apprentissage et d'autre part, elle l'incite à revoir les hypothèses concernant l'emploi des unités lexicales et leur fonctionnement syntaxique. Quel type de feedback un apprenant peut-il recevoir au cours d'un travail en tandem ? Ce feedback lui est-il profitable pour le développement de son interlangue ?

L'apprenant reçoit, par exemple, des commentaires encourageants qui expriment qu'il maîtrise bien la langue allemande :

‘"Ich weiß, dass Deutsch keine leichte Sprache ist. Ich bin aber gerade deshalb jedes Mal begeistert wie gut und verständlich du schreiben kannst." (CH2003, p.5)’

Ce type de feedback positif sur le plan affectif motive les apprenants à continuer leurs efforts. La poursuite de l'apprentissage lexical est engagée ensuite par un feedback négatif sur le plan cognitif, c'est-à-dire, par la proposition d'une correction des textes rédigés en langue cible. Bien qu'il arrive que les partenaires tandem ne corrigent pas toutes les erreurs et ne fournissent pas toujours une explication compréhensible pour un apprenant francophone, l'apprenant y trouve toujours des suggestions pour une amélioration linguistique de son texte. Ces corrections peuvent ensuite donner lieu à une réflexion de l'apprenant par rapport au fonctionnement de la langue cible ainsi qu'à un ajustement des hypothèses utilisées. Dans le corpus des échanges en tandem, nous trouvons différents types d'erreurs comme l'utilisation d'une forme graphique incorrecte d'une unité lexicale, l'emploi erroné d'une unité lexicale ou encore le non-respect du fonctionnement syntaxique.

Face à ces erreurs, les partenaires tandem interviennent en utilisant principalement quatre manières différentes de corriger les erreurs : en corrigeant la forme graphique d'une unité lexicale en écrivant la forme correcte entre parenthèses, en gras, en majuscules ou dans une couleur qui diffère de celle du texte : "Also, die Korrektion (Korrektur) ist fertig." (IE2003, p.7), en proposant une autre unité lexicale : "Am 31. gehe (fahre) ich in die Alpen mit Freunden." (CV2003, p.6), si une phrase contient trop d'erreurs en réécrivant la phrase comprenant des erreurs : "aber dieses Jahres habe ich ein biechen zum besser den Deutschen Fonktionnieren versteht! (in diesem Jahr habe ich ein bisschen besser verstanden wie Deutsch funktioniert)" (IE2003, p.8), ou en attirant l'attention de l'apprenant sur une forme fautive sans proposer toute de suite la forme correcte : "Ich bin Kasserin (dieses Wort ist falsch geschrieben, schau am besten im Wörterbuch nach, wie es richtig geschrieben wird)." (NM 2003, p. 5).

Dans une approche constructiviste postulant un processus de construction active de connaissances, une correction du système d'interlangue nécessite dans un premier temps une prise de conscience des erreurs et la compréhension de l'origine des erreurs pour pouvoir y intégrer les informations nouvelles. L'apprenant doit alors veiller aux transferts interlinguals, c'est-à-dire aux transferts entre deux langues qui peuvent conduire à une erreur (par exemple, "die Korrektion (Korrektur)"), ou tout simplement faire attention à ne pas commettre d'erreurs d'étourderie en employant d'une manière plus consciente le "monitor" interne. Sur le plan cognitif, il devrait y avoir un ajustement des hypothèses de l'interlangue par rapport à la signification sémantique et au fonctionnement syntaxique ainsi qu'une automatisation des connaissances procédurales comme, par exemple, pour la forme graphique des unités lexicales ("in der nähe" (Nähe)). Certains partenaires tandem essaient d'aider l'apprenant en proposant des explications par rapport à l'origine de l'erreur et les règles à respecter :

Les partenaires tandem se donnent en général beaucoup de mal pour corriger les textes et leurs explications invitent l'apprenant à une prise de conscience et une meilleure compréhension de ses erreurs. Ainsi, les corrections constituent une base de travail pour une analyse de l'erreur (sur laquelle nous reviendrons), un travail de précision sémantique et une étude concernant l'emploi des unités lexicales dans un contexte spécifique. On peut alors dire que le feedback des partenaires tandem présente de nombreux points positifs. En associant le feedback positif sur le plan affectif avec le feedback négatif sur le plan cognitif, il provoque une déstabilisation de l'apprenant qui a comme conséquence un développement lexical. Il importe également que le partenaire tandem sache s'adapter à une production libre de l'apprenant et le feedback n'est donc pas limité à une programmation préalable (comme c'est le cas pour les cédéroms ou les exercices publiés sur Internet). On ne peut cependant pas exiger du partenaire tandem qu'il soit un vrai "expert" dans l'explication des erreurs commises par l'apprenant, mais il se tient à la disposition de l'apprenant pour répondre à d'éventuelles questions.

Par ailleurs, l'apprenant obtient des corrections plus fréquentes qu'un enseignant de langues, qui suit de nombreux étudiants, ne pourrait fournir. L'emploi des stratégies d'apprentissage que nous venons de citer demeure de la responsabilité de l'apprenant, mais ce dernier est libre de solliciter l'aide de l'enseignant qui pourra suggérer un travail intensifié sur une stratégie déterminée. Dans l'ensemble, le feedback reçu dans le cadre du travail en tandem est donc très profitable si l'apprenant saisit les possibilités qui lui sont offertes et si l'échange en tandem se déroule avec un dynamisme suffisant.