5. Conclusion

Le contexte authentique, le travail individualisé et l'existence d'une relation d'interactivité entre deux acteurs humains paraissent être des facteurs qui sous-tendent des possibilités latentes pour une progression lexicale. Notre étude se propose de contribuer à éclaircir les opportunités de cette méthode. Celles-ci concernent la langue employée dans les messages en tandem, les stratégies de décodage utilisées par les apprenants ainsi que l'apprentissage de l'encodage des unités lexicales. En même temps, nous avons expérimenté, d'un point de vue didactique, des tâches spécifiques et les prises de responsabilité méta-cognitives des apprenants. Or, rendre compte d'une multitude d'influences sur l'apprentissage des unité lexicales suppose de distinguer les facteurs relevant de conditions générales d'apprentissage, du travail lexical lui-même ainsi que du rôle de l'enseignant et de l'apprenant.

Une recherche empirique auprès des apprenants a fait apparaître que la méthode de travail en tandem génère une forte motivation des apprenants grâce à la relation amicale, l'encouragement par le partenaire et la liberté de choix des thèmes et des horaires de travail. Les activités langagières sont relativement adaptées aux besoins des apprenants puisqu'ils reçoivent un input personnalisé et peuvent demander des explications à leurs partenaires. Grâce à l'échange fréquent de messages électroniques, cette méthode assure également une bonne interactivité. Ainsi, nous avons pu observer différents tours de parole qui contribuent à l'élaboration d'un dialogue constructif et un enrichissant pour le développement lexical. L'apprenant garde un rôle actif et il progresse en tant qu'initiateur de son apprentissage.

En ce qui concerne le travail lexical proprement dit, nous avons examiné les registres lexicaux employés dans les messages en langue cible et nous avons constaté que la langue utilisée ressemble beaucoup, dans la majorité des cas, à la langue orale utilisée par les natifs de l'âge des apprenants. Les apprenants rencontrent donc des unités lexicales qui peuvent leur servir dans une communication dans le pays de la langue cible, ce qui confirme le caractère fonctionnel de la méthode. De plus, nous avons observé une correspondance entre les registres lexicaux utilisés et les thèmes abordés. Pour les sujets politiques, les partenaires tandem avaient, par exemple, tendance à employer un vocabulaire plus recherché. Ainsi, il est tout à fait possible d'apprendre, par le biais du travail en tandem, des unités lexicales variées et enrichissantes.

Afin de comprendre les unités lexicales inconnues, les stratégies de décodage des unités lexicales sont nombreuses. Il est possible de se baser aussi bien sur des stratégies générales utilisant la macrostructure et la microstructure du texte que sur des stratégies spécifiques à la méthode de travail en tandem : exploiter les reformulations dans les messages et solliciter des explications de vocabulaire. Certes, il n'est pas possible de demander des explications pour chaque unité lexicale inconnue. Les réponses ne sont pas non plus envoyées instantanément, mais il est probable que les explications sont bien retenues puisqu'elles sont très attendues. Malgré la possibilité de recourir à de nombreuses stratégies de décodage des unités lexicales, les apprenants se sont cependant plaints parfois de difficultés de compréhension des messages. Une raison peut être le fait qu'ils n'ont pas utilisé l'ensemble des stratégies de décodage possibles. Les enseignants souhaitant travailler avec cette méthode peuvent alors proposer une formation des apprenant à ce sujet et insister sur le fait qu'il convient généralement de combiner plusieurs stratégies de décodage.

Le travail d'encodage des unités lexicales est effectué en travaillant avec le modèle du partenaire et en rédigeant une réponse libre. Certes, le travail avec le modèle des messages ne constitue pas un exercice lexical complet puisque le modèle ne contient pas la totalité des informations lexicales nécessaires pour un réemploi libre et correct des unités lexicales. De plus, du fait de l'éventuelle inattention du partenaire, le modèle peut comporter des erreurs. Malgré les difficultés que son savoir-faire limité implique, l'apprenant doit alors essayer de conserver un regard critique vis-à-vis du modèle.

En vue de l'apprentissage du fonctionnement contextuel et syntaxique des unités lexicales, la correction envoyée par le partenaire tandem permet ensuite un ajustement des hypothèses langagières à condition que l'apprenant travaille consciemment avec les corrections. Il convient de comprendre pourquoi une erreur a été commise et l'apprenant doit essayer de mémoriser les formes lexicales correctes. Dans cette méthode, l'autocontrôle de la part de l'apprenant est un point important. Il consiste pour l'apprenant à vérifier si les actions qu'il a choisies lui permettent les acquisitions lexicales prévues. En analysant les corrections, il est possible d'approfondir les éléments langagiers non maîtrisés lors de la rédaction du message en langue cible. Par la suite, l'apprenant est ainsi en mesure de surveiller, d’une manière plus consciente, les transferts d’informations lexicales de la langue maternelle ou d’autres langues étrangères, car il n’est pas toujours facile de résister aux influences en provenance de la langue maternelle ou de désapprendre les habitudes. Ensuite, il peut poursuivre son travail de la même manière ou ajuster sa méthode de travail. L'enseignant soutient ce processus méta-cognitif en proposant des activités d'analyse des erreurs. Ainsi, le travail en tandem contribue à une responsabilisation de l'apprenant pour son apprentissage lexical et à une réflexion métalinguistique.

Dans l'ensemble, il s'agit ici d'une méthode de travail lexical qui s'adapte parfaitement à un travail en autonomie guidée avec les ordinateurs. La machine permet à l'utilisateur de communiquer, grâce au courrier électronique, avec un natif de la langue cible. Ensuite, c'est à l'enseignant d'organiser l'échange, d'expliquer la méthode et d'encadrer les apprenants. L'apprenant doit prendre une responsabilité active pour écrire régulièrement à son partenaire, poursuivre le but qu'il s'est fixé lui-même et tenir son engagement envers le partenaire. Cette attitude demande une motivation et un comportement pro-actif face au partenaire et vis-à-vis des stratégies de travail qu'il sélectionnera pour avancer son travail. Evidemment, le travail en tandem ne peut pas remplacer les explications des règles de base de la langue allemande. Il doit plutôt être utilisé comme un outil d'entraînement à l'utilisation libre des unités lexicales, en vue d'élargir un domaine lexical avec du vocabulaire authentique utilisé par des natifs de l'âge des apprenants. Dans cette optique, il peut être utile de lier, par des tâches spécifiques, certains thèmes abordés en cours avec le travail en tandem et d'engager une discussion sur les thèmes abordés dans la correspondance en tandem. Ainsi, le travail en tandem peut alimenter un échange entre d'autres apprenants de la langue cible.