Contrairement à la France, les programmes officiels turcs sont très courts ; on annonce simplement des objectifs et des compétences exigibles sans les détailler. On trouve très rarement des commentaires, des explications et des exemples.
Voici un extrait du programme de Seconde traduit en français:
CHAPITRE III : CORRESPONDANCE, FONCTION, OPERATION 1
OBJECTIF N° 5 : Comprendre la notion de fonction, ses caractéristiques et les propriétés particulières des fonctions.
COMPETENCE :
1. Définir la fonction et la représenter graphiquement à partir d’ensembles
2. Définir l’ensemble de définition, l’ensemble image et l’ensemble d’arrivée.
3. Définir la représentation graphique d’une fonction dans un repère orthonormé.
4. Définir l’égalité des deux fonctions.
5. Définir les fonctions injectives, surjectives, non surjectives et déterminer leurs différences l’une par rapport à l’autre.
6. Définir les ensembles infinis.
7. Expliquer l’équipotente des deux ensembles.
8. Définir la fonction identique.
9. Définir la fonction constante.
10. Définir la fonction nulle.
La notion de fonction est introduite pour la première fois en classe de seconde. A ce niveau, l’élève rencontre la définition d’une fonction, des propriétés particulières des fonctions et des fonctions du seconde degré, la composition des fonctions et la définition de l’inverse d’une fonction. Dans cette classe, on traite aussi des « polynômes », dans un chapitre ultérieur, et on revoit alors la notion de fonction.
En classe de première, l’élève découvre les fonctions trigonométriques, logarithmiques, exponentielles et les fonctions de permutations. Les variations de fonctions ne sont abordées que dans le programme de terminale. Les fonctions paires et impaires, les quatre opérations sur les fonctions, des fonctions particulières (fonction définie par morceaux, fonction ‘valeur absolue’, fonction ‘signe’ (y = signf(x)) et fonction ‘valeur entière’ (f(x) = E(x))) figurent aussi dans le programme de terminale. Par ailleurs, en terminale, l’élève continue à utiliser la notion de fonction en travaillant sur les limites, la continuité et les dérivées des fonctions.
Dans le programme officiel de la classe de seconde, les fonctions sont mises en place en même temps que les notions de correspondance entre ensembles et de loi de composition interne 2 , ceci dans un même chapitre. Il n’y a aucune indication explicite sur la façon de définir « une fonction ». Cependant, le fait que des éléments sur les ensembles et sur les correspondances entre ensembles précèdent l’étude des fonctions montre que leur définition de celles-ci se construira certainement de façon ensembliste en liaison avec la notion de relation. Dans ce cadre, on attend des élèves de pouvoir définir les fonctions à partir d’ensembles, l’ensemble de définition, l’ensemble d’arrivée, l’ensemble image et de les représenter graphiquement (par exemple avec des diagrammes sagittaux). De plus, l’élève est aussi amené à chercher si une correspondance donnée est une fonction. Ceci est confirmé dans le manuel officiel de seconde, les fonctions sont étudiées sous le chapitre « Relation, Fonction, Opération ». La présence ensemble de ces sections nous indique d’emblée dans quelle logique sont conçus les débuts de l’enseignement sur les fonctions. Fonctions et relations sont clairement liées sur la base de la logique ensembliste. Par exemple, on trouve dans le manuel officiel la définition suivante :
‘« Soit A et B deux ensembles non vides. Une fonction est une relation qui associe à chacun des éléments de A un et un seul élément de B. »’Dans le programme de seconde, on trouve aussi quelques propriétés des fonctions. On demande ainsi de définir les fonctions injectives, surjectives, non surjectives, la fonction identique, les fonction constantes et la fonction nulle, mais les fonctions linéaires et affines ne sont pas introduites. Le programme a enfin pour objectif de définir la composition des fonctions et de montrer que cette opération est associative et non commutative.
D’autre part, comme Basturk (2003) l’a montré, l’enseignement des mathématiques en Turquie est aussi très pauvre du point de vue des changements de cadres. Le contenu du concours 3 et des manuels est très algébrique et il n’y a qu’un très petit nombre de situations qui demandent des changements de cadre, de point de vue, de penser et de dire autrement.
Nous pensons que l’enseignement du dersané 4 (ou un enseignement très proche du concours) et l’importance du concours ont des influences néfastes sur l’enseignement du lycée, qui le rend moins cohérent. En particulier, les enseignants sont contraints de proposer des exercices hors programme et à privilégier les procédures les plus adéquates au concours.
Cette première lecture du programme nous a amené à constater que l’enseignement des fonctions en Turquie correspondait plus ou moins à ce qui se faisait en France avant les années 80.
Le fait que la conception de la fonction en tant que loi de variation ne soit envisagée dans le système d’enseignement turc, qu’au niveau de la classe de terminale et uniquement par l’intermédiaire du théorème liant sens de variation et signe de la dérivée, nous a obligé à abandonner l’idée d’une comparaison avec la France. En, effet, pour que la comparaison soit possible, nous devions élargir notre étude pour inclure les classes de première et de terminale, ce qui dépassait la faisabilité dans le cadre d’un travail de doctorat.
Il nous a alors semblé plus pertinent de nous centrer sur l’enseignement français. Au vu des écarts avec la situation turque, les questions qui nous ont alors préoccupé étaient de déterminer la nature des évolutions récentes des programmes français sur la notion de fonction en classe de seconde, les raisons et les conditions écologiques de ces évolutions, ainsi que la viabilité des nouveautés introduites dans les dernières réformes.
Un survol de cette évolution, montre un renforcement progressif de l’utilisation des divers modes de représentation des fonctions, en même temps qu’une diminution de l’importance de la représentation algébrique. D’autre part, nous avons constaté que les objets tableau de valeurs et tableau de variations ont pris dans cette évolution une importance croissante et ont gagné en autonomie. A titre d’exemple, voici un extrait du programme actuel de Seconde :
‘« Identifier la variable et son ensemble de définition pour une fonction définie par une courbe, un tableau de données ou une formule »’ ‘« Décrire, avec un vocabulaire adapté ou un tableau de variations, le comportement d’une fonction définie par une courbe. Dessiner une représentation graphique compatible avec un tableau de variations » 5 (Programme de Seconde, 2000)’Ainsi, pour la première fois, on demande de définir une fonction à partir d’un tableau de valeurs et on parle explicitement du passage d’un tableau de variations à une représentation graphique (ces types de tâches n’étaient jamais explicites dans les programmes antérieurs, même s’ils ont pu à certaines époques correspondre à une pratique effective).
Nous avons alors choisi de privilégier l’étude de l’utilisation de ces deux objets, et de leur liens avec les autres modes de représentation dans nos analyses.
Il est alors légitime de se demander quels ont été les objectifs des concepteurs des programmes en donnant un statut important à ces objets ? Quelles sont les conditions qui permettent de faire vivre le tableau de valeurs et le tableau de variations et sous quelles formes ? Comment ces objets donnent-ils du sens aux notions en jeu ? Quel est le domaine de fonctionnement de ces objets ? Quelles sont les relations entre ces deux types de tableau et les autres modes de représentation en classe de Seconde ? Comment prennent-ils leur place dans les pratiques des professeurs et dans les activités des élèves ?
Ces questions ont été à la base de notre problématique et ont guidé les choix théoriques et méthodologiques que nous allons maintenant présenter.
Dans ce chapitre il y a dix objectifs dont quatre sont liés à la notion de fonction. Nous ne citons que l’objectif n°5 en détail (avec les compétences). Les autres objectifs sont les suivants :
OBJECTIF N°6 : Faire des applications liées aux fonctions et propriétés particulières des fonctions.
OBJECTIF N°9 : Comprendre la composition des fonctions et ses propriétés dans l’ensemble des fonctions.
OBJECTIF N°10 : Faire des opérations dans l’ensemble des fonctions.
Soit A un ensemble non vide. Chaque fonction définie d’un sous-ensemble quelconque non vide de AXA vers A est appelée « loi de composition interne» sur A.
En Turquie, pour commencer leurs études supérieures, les élèves doivent, à la fin du lycée, passer un examen qui est préparé par le Centre de Sélection et d’Installation des Etudiants. Ce concours se déroule une fois par an et consiste en une éprouve unique comprenant tous les sujets. Cette épreuve est constituée de 188 questions à choix multiplies (cinq choix par question) et les élèves doivent répondre en trois heures.
Ce sont des établissements privés qui ont pour mission de renforcer ou de soutenir les élèves (faibles ou non !) dans l’enseignement secondaire et de préparer les élèves au concours d’entrée à l’université et aux autres concours (par exemple, aux concours de lycées privés, de lycées anatoliens, de lycées scientifiques, etc.). Actuellement les dersanés occupent une grande place et jouent un rôle très important.
C’est nous qui soulignons.