II.4.2 Congruence des représentations

Duval a noté d'autre part que les changements de représentants sont d'autant plus faciles que les représentations sont congruentes 8 , c'est-à-dire que l'une est la traduction de l'autre, ceci pouvant se produire dans le même registre ou dans des registres différents. Ainsi les formulations :

A : « l'ensemble des points dont l'ordonnée est supérieure à l'abscisse » et A' : « y > x » sont congruentes, l'une dans le registre de la langue naturelle, l'autre dans le registre algébrique ; alors que, B : « l'ensemble des points dont l'abscisse et l'ordonnée ont le même signe » et B' : « xy > 0 » ne le sont pas.

Ainsi, une conversion entre deux registres n’est triviale que dans le cas de congruence entre le registre de départ et le registre d’arrivée, par suite, plus le degré de non congruence est élevé et plus la conversion devient complexe. Duval (1996) remarque d'autre part que, dans une tâche de conversion, la non-congruence peut être très forte dans un sens (du registre A vers B) et très faible dans l'autre sens (de B vers A).

Dans l’analyse de Bosch et Chevallard (1999), la non-congruence traduit en fait quelque chose qui est susceptible de nous intéresser, du point de vue de l’analyse des connaissances en jeu dans un travail : l’existence d’une organisation mathématique restée souvent implicite, ou manquante, et qui est le savoir (ou la connaissance) permettant de passer d’un représentant à l’autre; ce savoir se traduit par une chaîne d’ostensifs, qui rend compte de la transformation des représentations. S’il y a donc des représentants pour lesquels le passage peut se faire de façon très économique, du point de vue de l’organisation mathématique et des ostensifs mobilisés, il y a des représentants entre lesquels ce passage est dépendant d’une chaîne plus importante d’ostensifs. Si cette chaîne n’est pas prise en charge dans l’enseignement, la transformation apparaîtra comme relativement opaque ; l’élève aura seul à reconstituer la chaîne manquante, ce qu’il fera plus ou moins aisément. Or, l’enseignant risque de ne pas percevoir le travail en jeu dans cette transformation. Ce travail ne pourra donc s’exprimer que sous forme de connaissances privées, et ne recevra pas le statut de savoir. C’est ce qui se produit dans l’exemple donné par Duval : traduction vectorielle d’une disposition de points sur une droite (Duval, 1996, p.366).

Notes
8.

Les trois critères de congruence, selon Duval, sont :

la possibilité d’une correspondance « sémantique » des éléments signifiants : à chaque unité signifiante simple de l’une des représentations, on peut associer une unité signifiante élémentaire.

l’univocité « sémantique » terminale : à chaque unité signifiante élémentaire de la représentation de départ, il ne correspond qu’une seule unité signifiante élémentaire dans le registre de la représentation d’arrivée.

l’organisation des unités signifiantes : les organisations respectives des unités signifiantes des deux représentations comparées conduit à y appréhender les unités en correspondance dans l’ordre dans l’arrangement des unités qui composent chacune des deux représentations n’est pertinent que lorsque celles-ci présentent le même nombre de dimension.