II.4.3 Changement de représentant et connaissances

Cette interprétation de la non-congruence (manque de visibilité d’une organisation mathématique permettant la transformation) nous alerte sur le fait que les activités de changement de représentant ne sont pas déterminées par les codages des représentants : codage de départ, codage d’arrivée. En ce sens elles engagent l'activité du sujet d'une façon qui n'est pas algorithmique.

Donnons un exemple : on peut donner une règle permettant de placer les points donnés par un tableau de valeurs dans un repère, mais cette règle ne suffira pas pour tracer la représentation graphique d'une fonction affine ou du second degré : le sujet qui trace la représentation graphique devra se servir des caractéristiques connues de la fonction (coefficient directeur si c'est une droite, allure de la parabole, sommet de celle-ci si c'est une fonction du second degré) pour tracer celle-ci.

Il s'ensuit que les transformations dans un même registre, ou entre registres, ne se laissent pas analyser comme des codages/décodages, de façon algorithmique ; c’est encore une raison de considérer les changements de représentant en termes de connaissances du sujet qui effectue la transformation ; et ces connaissances proviennent du concept mathématique sur lequel porte le travail. Il est raisonnable de penser que si les représentants sont de natures très hétérogènes, c'est le sens du concept qui doit guider la transformation.

De façon réciproque, on peut supposer alors que les transformations puissent jouer un rôle dans la compréhension d’un concept, puisqu'elles obligent à contrôler le sens par des connaissances liés non seulement au représentant, mais bien au concept. C'est d'ailleurs ce que soutient Duval, qui affirme même que la compréhension convenable d'un concept ne peut se faire sans la coordination des registres de représentation (Duval, 1994).

Nous faisons l’hypothèse que le contrat actuel de l'enseignement secondaire ne met que peu en interaction les différents registres de représentation. Afin de mobiliser des connaissances dans un travail sur les fonctions, il est donc souhaitable de prévoir des tâches de conversions entre registres distincts. C’est pourquoi nous nous centrerons, dans notre travail, sur l’activité de conversion. Nous envisageons en effet de réaliser des ingénieries didactiques visant à faire travailler ces conversions.

On peut alors se poser plusieurs questions :

Nous nous proposons donc d’étudier ces représentations. Il s’agit de préciser quelle est leur utilité, quel travail peut être fait grâce à elles ; mais aussi lesquelles sont viables dans l’écologie actuelle de l’enseignement secondaire.

Dans la suite de ce travail, nous considérerons que les tableaux de valeurs d’une part et les tableaux de variations d’autre part déterminent deux sous-registres d’un registre plus grand comprenant tous les types de tableaux. En effet, les deux types de tableau partagent en communes certaines règles de codage (ligne de la variable, ligne de l’ordonnée), toutefois, le tableau de variations comprend des règles de codages plus complexes avec l’usage des flèches. Au-delà de ces différences purement formelles, les deux types de tableaux ne renferme que des informations partielles sur la fonction. A priori, le tableau de variations contient des informations plus nombreuses, mais il obéit aussi à des règles plus strictes. Nous détaillons ces questions ci-dessous.