II. Période 1980 – 1985

II.1 Généralités

La contre-réforme de 1980 veut rompre avec la précédente. Elle ne privilégie plus les mathématiques comme univers de structures ; elle lutte contre l’axiomatique et le formalisme de la réforme précédente et réduit la théorisation et la formalisation au strict nécessaire. Elle s’appuie sur une conception des mathématiques dont la finalité est la résolution de problèmes, l’accent est mis sur l’activité des élèves.

L’introduction au programme de Seconde de 1981 explicite ainsi :

‘« Les actuels programmes de mathématiques pour le premier cycle ont entrepris de lutter contre un formalisme qui, maltraitant l’acquis intuitif des élèves, isolerait la démarche pédagogique des réalités de l’expérience et de l’action…’ ‘Le présent programme est celui d’une classe de seconde pour tous ; il convenait de le préserver d’une intervention artificielle de descriptions de structures, et par conséquent de ne pas l’alourdir d’une algébrisation prématurée. »’

Le programme de Seconde comporte huit rubriques dont une est consacrée à l’étude des fonctions. On voit donc que les fonctions occupent une place importante, qui constitue un habitat indépendant intitulé « Fonctions ».

Cette rubrique comporte trois paragraphes :

a. Exemples de fonctions introduits par des procédés très divers

b. Comportement global d’une fonction

c. Comportement local d’une fonction

Dans le premier paragraphe, on précise le registre et le contexte qu’on va utiliser pour cette étude :

« a- Exemples de fonctions introduits par des procédés très divers :

formules explicites, tableaux de données numériques, touches de la calculatrice,

états de systèmes physiques, biologiques, économiques, mesures de grandeurs géométriques ou cinématiques,

fonctions trigonométriques.

Représentations graphiques ; leur exploitation. Fonction définie par une représentation graphique. Restriction d’une fonction à un intervalle. »

Ce paragraphe montre le souci des auteurs du programme de ne pas se limiter à l’entrée par la représentation par une formule algébrique, même si c’est la première citée dans la liste. On voit que le tableau de valeurs fait son entrée sous l’appellation « tableaux de données numériques », ce qui est à rapprocher des débuts de l’enseignement des statistiques qu’inaugurent également ces programmes. De même, on voit que l’on peut définir une fonction avec les « touches de la calculatrice », autre tendance amorcée par la contre-réforme. La représentation graphique peut servir de définition d’une fonction, mais on lui donne une place à part, en fin de liste. On sent bien une volonté de sortir du tout algébrique, mais la forme de présentation peut laisser penser qu’il sera difficile aux manuels et aux enseignants de mettre réellement en œuvre ces idées novatrices.

L’aspect global concerne les problèmes mettant en jeu le comportement d’une fonction sur un intervalle donné (sens de variation, majorations de la fonction et de son taux de variation, recherche de maxima et de minima, interprétation, parité et périodicité). Pour ces notions, plus qu’une étude formelle, on met l’accent sur l’exemplification dans des contextes variés et la représentation graphique « soignée » apparaît comme un moyen privilégié de donner du sens :

‘« Ces notions seront dégagées d’exemples variés, en liaison avec celles pratiquées en physique (taux de variation). On s’attachera à des représentations graphiques d’une bonne précision, en repères orthogonaux. »’

Le parallèle avec des notions physiques et l’utilisation de la notion de taux de variation pour l’étude du sens de variation d’une fonction sont importants. Ainsi, dans un manuel de cette époque (Hachette Math 2nde – 1981), on trouve le résultat suivant, qui suit les définitions d’une fonction croissante ou décroissante et du taux de variation :

‘« La fonction f est croissante sur I si, et seulement si, son taux de variation est positif, quel que soit le choix des éléments x et x’ de I.’ ‘La fonction f est décroissante sur I, si et seulement si, son taux de variation est négatif, quel que soit le choix des éléments x et x’ de I. »’

Néanmoins, si le taux de variation apparaît comme un outil intéressant pour donner du sens aux variations des fonctions en lien avec des concepts cinématiques et physiques (pente des sécantes, taux d’accroissement d’une grandeur, vitesse moyenne…), on peut se poser la question de la pertinence de son utilisation comme outil privilégié pour démontrer effectivement qu’une fonction est croissante ou décroissante. Une étude directe de la comparaison de deux valeurs de la fonction semble souvent plus efficace en attendant les théorèmes sur la somme, le produit, la composée, etc.

L’aspect local concerne les problèmes mettant en jeu le comportement d’une fonction sur des intervalles convenablement choisis. Par contre, ici, il ne s’agit pas de donner, d’après le programme, une définition générale des propriétés locales, mais de dégager ces notions à travers différents exemples.

Les activités sur le comportement local d’une fonction (recherche de valeurs approchées, calcul d’erreur, étude des variations de fonctions) fournissent un bon terrain pour la mise en place de fonctions de référence et d’ordres de grandeur simples. Outre leur intérêt simple, ces activités quantitatives préparent la mise en place du concept qualitatif de limite d’une fonction en un point et des dérivées, dont l’étude figure au programme de Première.

Une nouvelle rubrique apparaît dans ces programmes : il s’agit des thèmes. Le programme l’introduit ainsi :

‘« La classe de mathématiques est, dans son rôle essentiel, un lieu de découverte, d’exploration de situations plus ou moins aisément maîtrisables, de réflexion sur des problèmes résolus. De ce fait, à chaque séquence du programme correspondent des thèmes d’activités, dont le choix demande à être adapté aux possibilités de la classe et éventuellement relié à son orientation ultérieure ; il ne saurait être question de traiter tous les thèmes mentionnés. Les questions obligatoires sont en nombre restreint et n’occupent que peu d’épaisseur de cours. »’

Les thèmes ont ainsi un statut particulier au sein des programmes. La nature des problèmes proposés dans ce cadre est assez ambiguë : ce sont soit des problèmes d’application directe du cours, soit des problèmes de découverte d’idées. Ils sont là à titre indicatif, donc laissés au choix des auteurs des manuels, puis de l’enseignant. Autrement dit, il est possible qu’un problème soit mentionné dans les Thèmes par le programme, mais ne soit pas présent dans le manuel et surtout dans la classe.

Le programme présente 26 thèmes en total pour 8 chapitres différents. Ainsi il y a 6 thèmes pour la rubrique « Fonctions », alors qu’il n’y a pas de thème pour les chapitres « Statistique » et « Equations et Système ».

Les thèmes pour le chapitre « Fonctions » sont les suivantes :

  • Majoration, minoration d’une fonction sur un intervalle
  • Recherche de maximums, de minimums, associée à des problèmes élémentaires d’optimisation
  • Taux de variation : encadrement de ce taux ; inégalités du type |f(y) – f(x)|≤ M |y - x| pour tous x, y ; interprétation géométrique
  • Emploi des variations d’une fonction f pour l’étude d’équations f(x) = b et d’inéquations
  • Exemples numériques d’équations du second degré
  • Convexité de la fonction x→ x2.