II.6 Place et rôle du registre graphique

Soulignons d’abord qu’à l’époque des mathématiques modernes, dans les années 1970, l’expression « représentation graphique » figurait déjà dans les programmes, mais elle apparaissait toujours comme la conclusion de l’étude des fonctions fondamentales et simples (fonctions affines et affines par intervalles ; fonctions polynômes et rationnelles). Elle avait pour fonction de synthétiser des résultats théoriques obtenus. Plus précisément, une courbe résumait les principales propriétés d’une fonction étudiée (monotonie, maximum, minimum,…). Elle permettait aussi parfois d’interpréter et d’illustrer certaines notions ou propriétés des fonctions (notion de dérivée, théorème des valeurs intermédiaires,…). Cependant, les représentations graphiques venaient toujours après les résultats théoriques.

En 1980–85, l’examen des programmes du lycée montre qu’une place plus importante est octroyée aux représentations graphiques. Par exemple, le programme de Seconde indique :

‘« On s’attachera à des représentations graphiques d’une bonne précision… On habituera ainsi les élèves à lire et à interpréter un graphique.’ ‘Quant aux équations et inéquations affines à deux inconnues, le programme explicite : « l’objectif n’est pas d’apprendre des formules de résolution, mais d’organiser et de conjecturer des études numériques et des études graphiques […]’ ‘Dans l’étude des fonctions et suites : « On fera ressortir toute l’importance de l’étude numérique et de la représentation graphique. […]. On ne négligera aucune occasion d’employer, pour l’analyse d’une question ou pour une synthèse des résultats obtenus, des représentations graphiques. » (Programme de Première) ’ ‘Quant aux fonctions : « On entretiendra l’habitude de la représentation graphique, car celle-ci joue un rôle important dans la description du comportement : une indication d’allure peut suffire pour exprimer un aspect qualitatif, un tracé soigné est nécessaire lorsqu’on passe aux aspects quantitatifs. » (Programme de Terminale)’

Les niches d’illustration, d’interprétation et de synthèse d’un résultat théorique déjà présentes dans les programmes de l’époque précédente, deviennent plus importantes. De plus, les fonctions ne sont plus exclusivement données par l’expression analytique, mais maintenant peuvent être définies par le graphique.

‘« Exemples de fonctions introduites par des procédés très divers : […]. Fonction définie par une représentation graphique. » (Programme de Seconde)’

Les représentations graphiques occupent désormais une nouvelle niche : permettre une démarche expérimentale. On voit apparaître des expressions comme « analyse des graphiques », « conjecturer à partir d’études graphiques », « analyser à l’aide des graphiques une question »…

Cette fonction d’expérimentation du graphique marque un changement radical du rôle des représentations graphiques par rapport à l’époque précédente. En effet, alors que dans les années 1970 le graphique venait après les résultats théoriques, il peut désormais apparaître comme registre d’entrée. Plus précisément, des résultats théoriques (propriétés d’un objet, relations entre des objets…) peuvent être conjecturés à partir d’observations graphiques.