Conclusion

L’étude des différents programmes depuis 1980 nous a permis de voir les nombreuses façons possibles de représenter les fonctions en mathématiques et les variations dans la représentativité de ces différentes représentations, dont témoignent les programmes successifs.

Dans la période 1980-1985, la contre- réforme réduit la théorisation et la formalisation au strict nécessaire. De fait, on sent bien une volonté de sortir du tout algébrique : La fonction pourrait être définie, à côté d’une formule explicite, par des tableaux de données numériques, des touches de la calculatrice ainsi que par des graphiques. De plus, les représentations graphiques occupent désormais une nouvelle niche : permettre une démarche expérimentale. Cette niche marque un changement radical du rôle des représentations graphiques par rapport à l’époque précédente. En effet, alors que dans les années 1970 le graphique venait après les résultats théoriques, il peut désormais apparaître comme registre d’entrée.

Les statistiques introduites pour la première fois en Seconde dans cette période, sont un lieu où la « lecture de tableaux » et l’« analyse des graphiques » sont propres à modifier certaines des tâches relatives aux fonctions. Il apparaît ainsi que ce chapitre nourrit et renforce l’utilisation du tableau de valeurs et de la représentation graphique.

Dans la période 1986-1989, les outils de l’étude locale d’une fonction et des équations du second degré ont disparu de la classe de Seconde. On assiste ainsi à une baisse de l’appareillage théorique sur les fonctions. L’activité expérimentale est davantage mise en avant ce qui se manifeste, entre autres, dans la place plus importante octroyée aux représentations graphiques et au tableau de valeurs : Les nouvelles niches « expérimentation graphique » et « expérimentation numérique » apparaissent ainsi pour la première fois. Le registre graphique a également pour le rôle de permettre de donner du sens aux inégalités et aux inéquations, et de diminuer les difficultés de la manipulation algébrique.

D’autre part, les programmes ont essayé de donner un ancrage plus fort des fonctions avec des domaines extra mathématiques. Les statistiques qui apparaissent pour la première fois dans la période précédente, ont encore pris une place plus importante. Ces deux dernières évolutions ont donné une importance croissante aux registres graphique et des tableaux de valeurs.

Dans la période 1990-1999, on constate des changements importants par rapport au programme précédent qui accentuent encore les changements déjà amorcés. La volonté ambitieuse des premiers programmes de la contre-réforme, de donner les outils théoriques de cette étude, à travers l’étude du comportement local des fonctions, est ici définitivement abandonnée. La représentation graphique prend une place encore plus grande et elle doit toujours permettre de diminuer les difficultés de manipulation algébrique.

Dans la même période, l’enseignement de l’algèbre au collège a subi un net recul, de fait, le registre de représentation algébrique des fonctions a commencé à perdre de sa prédominance en seconde. Le programme contemporain de Troisième développe également un enseignement des statistiques, pour la première fois, qui couvre tout l’ancien programme de statistique de Seconde, et comprend entre autres, « lecture, interprétation et réalisation de tableaux et de graphiques ».

La calculatrice programmable est également introduite pour la première fois en Seconde pour l’étude des fonctions. Ainsi le statut de tableau de valeurs est complètement changé : on peut avoir facilement accès à cet objet à partir d’une touche « tableau de valeurs ».

A partir du programme 2000, on constate une tendance assez forte à une modification structurale importante dans l’enseignement des fonctions. Plusieurs modes de représentation de la fonction sont cités explicitement par le programme : Le registre algébrique n’est plus le seul mode d’entrée. On trouve dans les manuels de cette époque de nombreux exercices proposant un travail directement à partir de la représentation graphique et un usage plus riche à la fois des tableaux de valeurs et des tableaux de variations.

Les statistiques ont pris une place croissante et dans le nouveau programme de 2000, elles constituent à elles seules, un de trois grandes parties du programme.

Dans le même temps, les connaissances algébriques des élèves entrant en seconde ayant diminué, le registre algébrique n’est plus en mesure de jouer un rôle central. En effet, le bestiaire des expressions algébriques connus des élèves s’est peu à peu réduit aux fonctions affines et du second degré, à la fonction racine carré, la fonction inverse et les fonctions cosinus et sinus.

Maintenant que nous avons resitué les grandes tendances du programme actuel dans une évolution couvrant les vingt dernières années, nous allons voir comment ce programme est mis en œuvre, en commençant par une analyse détaillée, en termes de praxéologies didactiques, de certains manuels récents.