Conclusion

Par ce questionnaire, nous avons tenté d’approfondir les choix didactiques effectués par les enseignants sur l’enseignement de la notion de fonction en 2nde. Pour cela, nous avons croisé deux types d’information : d’une part sur leurs conceptions, les définitions qu’ils donnent aux élèves et, d’autre part sur leur position vis-à-vis de certains exercices que les élèves ont eu à faire dans leur questionnaire. Le premier résultat montre qu’il y a une distance entre les choix de certains enseignants et les tendances du nouveau programme.

Les manuels que nous avions choisis d’analyser sont assez souvent cités par les enseignants comme le manuel de leur classe, ce qui montre la pertinence de l’analyse de ces manuels. Nous avons également constaté que certains d’entre eux utilisent le même découpage en chapitres et qu’ils attachent ainsi beaucoup d’importance au manuel de la classe. Ainsi, nous pouvons donc affirmer que les choix d’exercices proposés risquent d’être différents suivant les manuels utilisés et donc, que les tendances de certains manuels peuvent se retrouver dans la vie de la classe. Or, l’analyse des manuels (ch. B2) nous a montré qu’il y a une grande diversité dans ce qui est proposé dans l’introduction à la notion de fonction, donc on peut penser qu’il y aura une grande diversité dans les classes.

On trouve sur la définition de la notion de fonction une grande uniformité dans les réponses des enseignants qui montrent donc un attachement aux directives du programme. La plupart des enseignants donnent ainsi à leurs élèves une définition d’une fonction plus ou moins « conforme » au système de contraintes institutionnelles étudiées à partir des manuels et du nouveau programme : il s’agit effectivement pour eux de présenter ou de faire émerger la fonction en tant que loi de variation. Néanmoins, il y a plus de diversité dans les conceptions propres des enseignants. En effet, environ la moitié d’entre eux montrent qu’ils restent attachés à une définition ensembliste en termes de relation de la notion de fonction. Il est clair que ce phénomène touche plus systématiquement les enseignants les plus âgés qui semblent donc marqués par l’enseignement qu’ils ont reçu, voire par leurs premières années d’enseignement. Nous nous demandons alors dans quelle mesure cet écart entre leur propre conception et la définition officielle qu’ils donnent à leurs élèves peut influencer leur enseignement ?/

En ce qui concerne le tableau de valeurs, la plupart des enseignants pensent que cet objet ne nécessite pas d’être défini et que son utilisation va de soi. Il reste un outil que ne sert qu’à tracer des courbes. Par contre, ce n’est pas la même chose pour le tableau de variations qui est considéré comme indispensable pour l’étude des fonctions. Pourtant, aucun enseignant ne dégage de connaissance ni sur sa construction, ni sur les codes et les codages qu’on utilise dans un tableau de variations. Il semble que, comme pour le tableau de valeurs, les connaissances sur les tableaux de variations restent transparentes et ne fassent donc pas l’objet d’un enseignement explicite.

Parmi les exercices que nous avons proposés aux professeurs, nous avons constaté que ceux qui concernent le tableau de valeurs sont beaucoup plus discutés que ceux concernant le tableau de variations, alors que les deux relèvent de la conversion de registre. Ainsi les exercices que nous avons proposés dans lesquels le tableau de valeurs intervient sont peu choisis par les professeurs.

Ceci nous parait être un point important qui relève à la fois du savoir mathématique et du contrat didactique et qui sont révélateurs de la pratique. En effet, un des exercices proposés concernant le tableau de valeurs permettait, selon nous, à partir d’un tableau de valeurs, de discuter d’éléments relatifs à la notion de fonction sans apporter une réponse directe. Du fait du caractère particulier de l’objet tableau de valeurs, les questions posées dans cet exercice n’admettent pas une réponse « classique », à savoir unique ou numérique. On a vu que cet exercice est majoritairement rejeté et que s’il est accepté c’est comme partie d’un devoir à la maison, c'est-à-dire en dehors de la responsabilité du professeur.

On peut penser que les pratiques habituelles des professeurs de mathématiques actuels laissent encore peu de place à des exercices qui pourraient permettre de problématiser certaines notions et de les discuter pour faire avancer les connaissances des élèves.

Maintenant que nous avons constaté une distance entre les choix de certains enseignants et les tendances du nouveau programme et donc la difficulté de mise en place des certains nouveautés du programme dans leurs classes, il nous reste à avoir une idée plus précise sur ce que les élèves ont réellement appris pour compléter notre tentative d’état des lieux sur l’étude des fonctions. C’est ce que nous abordons dans le chapitre suivant.