II.2.3 Expérimentation dans une autre classe (seulement pour les groupes émetteurs)

À l’issue de cette expérimentation, nous avons été surpris par le fait que, d’une part, pratiquement tous les groupes émetteurs ont utilisé la stratégie « point par point » en produisant un tableau de valeurs et que nous n’avons donc pas trouvé, dans leurs messages, d’allusion à la courbe en tant que globalité, et que, d’autre part, aucune information n’a été donnée sur les variations de la fonction, comme nous l’avons prévu dans l’analyse a priori.

C’est pourquoi nous avons décidé d’expérimenter à nouveau la première partie de cette activité (seulement pour les groupes émetteurs) dans une autre classe pour vérifier ces résultats surprenants. Nous avons donc demandé aux élèves de fournir des informations à partir d’une courbe, afin qu’un autre élève de seconde reproduise cette courbe le plus fidèlement possible. Dans cette classe, le professeur avait déjà fait trois séances sur la fonction dont deux en module. Nous avons photocopié le cours que le professeur a utilisé dans ces trois séances, ainsi que le cahier d’un élève. Dans ces documents, nous pouvons voir que le professeur utilise d’abord une situation connue (Parallélogramme qui tourne) issue du contexte géométrique, mettant en lien les registres algébriques et graphiques, pour pouvoir introduire certaines premières définitions liées aux fonctions (notion de fonction, d’image, d’antécédent, etc). Les exercices proposés ensuite privilégient les mêmes registres et les mêmes conversions. Notons que peu de tableaux de valeurs apparaissent.

Cette introduction est différente de celle faite dans la première classe puisque le registre algébrique était peu pris en compte et le contexte géométrique pas utilisé.

Cette expérimentation nous a permis de faire des modifications sur la courbe proposée. Puisque, dans la première expérimentation, il était difficile de distinguer la stratégie quadrillage et la stratégie extrema (tous les extrema étaient des intersections du quadrillage et donc la stratégie quadrillage masquait la stratégie extrema). Ainsi, pour arriver à discriminer les deux stratégies, nous avons changé la place de deux extrema qui ne sont plus des points remarquables sur le quadrillage et nous avons également « aplati » la courbe entre x = 1 et x = 2, ce qui risque de provoquer des difficultés de lecture de cet extrema.Voici la nouvelle courbe proposée aux élèves :

L’expérimentation s’est déroulée en module (en deux temps concernant chacun une demi-classe) et chaque séance a duré 10 minutes. Le professeur a seulement lu l’énoncé de l’activité sans rien ajouter. 28 élèves ont répondu et aucune remarque n’a été soulevée par les élèves sur cette activité.

Voici la catégorisation des réponses des élèves selon les termes de notre analyse a priori :

Ces élèves considèrent cette courbe comme une ligne tracée dans le plan et les points du quadrillage jouent alors le rôle essentiel dans les descriptions qu’ils donnent. Ces réponses sont intéressantes et montrent une fois de plus la prégnance des points de la courbe sur les nœuds du quadrillage. Comme nous avions placés des extrema qui ne se trouvent pas sur les nœuds du quadrillage, ceux–ci ne sont pas pris en compte. Ceci confirme les premiers résultats sur la non prise en compte des variations de la fonction sur la courbe.

Nous ne savons pas l’origine de cette stratégie. Soit les élèves sont influencés par la forme du quadrillage (le pas 1/2), et font ainsi un balayage systématique sans prendre en compte l’allure de la courbe (influence du tableau de valeurs), soit ils prennent en compte l’allure de la courbe et les extrema et ensuite donnent un maximum de points.

Ainsi, ces élèves, même s’ils ont une conception « point par point » de la fonction, ont bien compris l’importance des extrema pour la description de la courbe. Notons que trois d’entre eux ne précisent pas le point pour x = 1,5 où l’ordonnée n’est pas entière, ce qui est conforme à notre analyse.

Ces élèves ne donnent que les points des extrema de la fonction et ainsi ceci montre qu’ils ont bien conscience l’importance des extrema dans la description de la courbe. Remarquons ici qu’aucune d’entre eux ne donne le point de l’abscisse x = 1,5 où l’ordonnée n’est pas entière, ce qui confirme à notre analyse.

Toutes les réponses des élèves que nous venons de citer montrent qu’ils ont une conception discrète de la fonction, ce qui confirme les résultats de la première classe. Notons que quelques élèves ajoutent qu’il faut relier tous ces points à la main sans faire de droites. Nous pensons que cette précision est donné pour empêcher simplement la stratégie « courbe simple rectiligne » par l’élève qui doit tracer cette courbe, et non pas une précision sur la globalité de la courbe.

Ainsi, seul ces trois élèves donnent des descriptions sur la globalité de la courbe et montrent qu’ils ont une conception continue sur la fonction. Voici un de trois réponses :

‘« La courbe commence par un point de coordonné -4 sur la droite des abscisses et 2 en ordonnée. Faire une courbe jusqu’à -2,5 en abscisse et 0,5 en ordonnée en passant par -3 en abscisse et 1,5 en ordonnée. La courbe va remonter en passant par -1,5 en abscisse et 1 en ordonnée. La courbe redescendra à partir du petit espace (le 2ème en partant du bas) se trouvant sur le carré entre 1 et 1,5 ordonnée. La courbe redescente à -0,5 sur abscisse et -0,5 sur ordonnée. Elle remonte en 1 sur ordonnée et 1 sur abscisse, remonte légèrement et redescente à -1 en ordonnée et 2 en abscisse. Puis finit à 0,5 en ordonnée et 4 en abscisse. »’

Finalement, la plupart des élèves utilisent la stratégie « point par point » sans faire des précisions sur la globalité ou sur la continuité de la courbe. Ils ont donc une conception discrète sur la fonction. La seule différence avec la classe précédente est que pratiquement aucun élève n’utilise la forme d’un tableau de valeurs (sauf un utilise un tableau vertical) pour présenter les coordonnées des points qu’ils donnent. 

Notons que, quelques jours après cette expérimentation, sans notre présence, le professeur redistribue les messages aux élèves de façon aléatoire. Il leur demande de tracer une courbe à partir du message reçu et de faire un commentaire sur le message. La plupart des élèves fait remarquer qu’il aurait fallut donner plus de points à placer pour que la courbe soit encore plus précise. Plus particulièrement, l’élève qui reçoit le message ci-dessus (concernant la globalité de la courbe) fait la remarque suivante :

‘« En voyant la courbe, il aurait fallu donner plus de points avec des coordonnées précises et non les mouvements de la courbe ».’